Social. Le travail des joueurs de jeux vidéo rendu précaire par l’IA

En novembre dernier, l’intelligence artificielle provoquait une grève à Hollywood ; en mai, c’était au tour des doubleurs de s’inquiéter de l’avenir de leur profession, menacée par l’IA. Désormais, c’est le monde du jeu vidéo qui s’inquiète.

Après avoir lutté contre les studios américains, le syndicat SAG-AFTRA a lancé vendredi une grève contre plusieurs géants de l’industrie du jeu vidéo, qui génère plus de 100 milliards de dollars par an.

Des performances sous-estimées

Les revendications des acteurs du secteur : avoir des garde-fous garantissant que l’utilisation de leur voix ou de leurs mouvements se fasse avec leur consentement et contre une juste rémunération. Mais ces revendications se heurtent à un secteur technologique à la mentalité particulière, selon les négociateurs.

Les développeurs de jeux vidéo ont tendance à traiter les acteurs « comme des données », a déclaré Ray Rodriguez, qui a dirigé les négociations pour le syndicat. « Le fait qu’ils se considèrent comme des entreprises technologiques » les rend « réticents à voir la valeur de la performance » qu’ils obtiennent de l’art, a-t-il déclaré. Pourtant, « ils obtiennent des performances nuancées qui sont informées par la psychologie du personnage et des circonstances », a-t-il déclaré. « C’est ce qui rend le tout crédible. »

Les discussions n’avancent pas

Menées avec des poids lourds comme Activision, Disney, Electronic Arts ou Warner Bros Games, les négociations concernent environ 2.600 artistes qui assurent le doublage de jeux vidéo, ou dont les mouvements servent à animer des personnages générés par ordinateur.

Ces pourparlers sporadiques durent depuis un an et demi et n’ont abouti à rien. Selon Ray Rodriguez, les employeurs n’ont pas nommé de négociateur à temps plein pour discuter avec le syndicat.

Insécurité du travail

La doubleuse de jeux vidéo Lindsay Rousseau craint que l’intelligence artificielle lui fasse rapidement perdre son travail.

Elle prête sa voix à des « personnages auxiliaires », des avatars « qui donnent accès à des quêtes annexes, des personnages que l’on combat et qui meurent », et fournit « beaucoup de voix de créatures ». « C’est le premier métier qui va disparaître », craint-elle.

Sans les mesures de protection de l’IA, seuls quelques acteurs de doublage célèbres au sommet de l’industrie du jeu vidéo gagneront leur vie, tandis que les débutants et les anonymes resteront au chômage, estime-t-elle.

Les géants de l’industrie ont mis une offre sur la table mais tentent d’exploiter les « failles » juridiques et technologiques, a déclaré Sarah Elmaleh, présidente du comité de négociation SAG-AFTRA.

Car l’intelligence artificielle dite « générative » ne peut pas seulement copier un acteur existant. Elle peut également créer de « nouvelles » voix ou de nouveaux mouvements corporels à partir d’enregistrements de plusieurs acteurs.

Lors de la grève de l’an dernier des acteurs de cinéma et de télévision, les manifestations quotidiennes devant les studios, souvent suivies par des stars d’Hollywood, avaient largement gagné la sympathie de l’opinion publique américaine.

Une stratégie « plus surprenant et diversifié »

Mais pour le secteur du jeu vidéo, la stratégie devra être « plus surprenante et diversifiée », estime-t-elle, précisant que les actions sont susceptibles de se dérouler « en ligne », tout comme « dans la vraie vie ».

Après son long et victorieux affrontement de l’année dernière à Hollywood, au cours duquel de nombreux acteurs ont dû faire des sacrifices financiers, le syndicat dit n’avoir pas hésité à « lancer un nouveau combat contre l’IA », selon Ray Rodriguez.

La grève précédente « a souligné la justice de ce combat et la nécessité de le mener maintenant », a-t-il déclaré.