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Smic, retraites, ISF : tout comprendre du budget du Nouveau Front populaire pour « une transformation en profondeur »

La ruine. L’étranglement fiscal. L’effondrement de l’économie. Bolchevisme ou, mieux, « Venezuela sans pétrole ». De l’extrême droite aux libéraux, le bloc bourgeois ne cesse de crier au désastre en cas de victoire du Nouveau Front populaire (NFP), le 7 juillet, à l’issue des élections législatives.

Le patronat a même prévenu : tout changement d’orientation économique entraînerait « un décrochage durable » de la croissance française. On se demande à quoi sert d’organiser des élections si toute alternance comporte un danger existentiel…

Face à ces multiples procès pour « manque de sérieux économique », ce 21 juin, le NFP a profité de la Fête de la musique pour dévoiler les détails de sa répartition budgétaire. Un plan en trois temps pour faire taire le concert des critiques : 25 milliards d’euros de dépenses en 2024, 100 milliards en 2025 et 150 milliards en 2026 et 2027 – compensés par de nouvelles recettes.

«  Nous sommes les seuls à vous présenter de tels chiffres. », insiste l’insoumis Éric Coquerel, également ancien président de la commission des Finances à l’Assemblée nationale. Même Gabriel Attal ou Bruno Le Maire, bien que jamais les derniers à déconstruire les propositions « ruineuses » de la gauche, n’ont pas jugé bon de détailler leur propre menu.

Comme si la Macronie avait le monopole de la crédibilité, avec sa dette de 3 100 milliards d’euros et sa note dégradée (AA-) dans les agences de notation. La crise du Covid a ici un bon retour. «  La moitié du déficit public depuis 2017 est due aux baisses d’impôts et à l’effondrement des recettes »rappelle l’économiste Michaël Zemmour, sur France Info.

Plus de ruissellement

C’est avec cette logique dite du ruissellement, selon laquelle en multipliant les cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises on stimule la production, la croissance et l’emploi, que le NFP entend briser. «  C’est une politique inefficace, se souvient le sénateur communiste Ian Brossat. Cela réduit les revenus de l’État, sa capacité d’action et finit par justifier l’austérité. En fin de compte, ce sont les classes moyennes qui ont payé le prix des réductions d’impôts pour les plus riches. »

Face à cette double punition des bas salaires, il est possible d’adopter une politique de dépenses publiques intelligemment orientée, pour stimuler l’économie par le bas et financer les principales bifurcations. «  Nous voulons une politique de relance basée sur la demande, c’est du keynésianisme, ce n’est pas sorcier », soulève le député socialiste Arthur Delaporte. Les caricatures font sourire celui qui est candidat à sa réélection dans le Calvados : «  C’est ce que fait Joe Biden aux Etats-Unis, je ne crois pas que son pays soit ruiné. »

Loin du programme des doux rêveurs, les auteurs de cette feuille de route recherchaient un équilibre entre dépenses et recettes qui permettrait d’assumer les investissements publics attendus sans creuser le déficit. Pas question de laisser filer la dette en espérant seulement un retour sur investissement.

Le PFN estime ainsi la mise en œuvre de la phase 1 de son plan à 25 milliards d’euros. La raison de la facture ? L’abrogation de la réforme de l’assurance chômage et des retraites, en premier lieu. « Jordan Bardella est pour l’abrogation les jours pairs, contre les jours impairs. Nous sommes constants. Abroger la loi coûtera cher mais c’est nécessaire”, juge Ian Brossat. La plus grosse dépense viendra essentiellement de l’augmentation des salaires (y compris donc dans la fonction publique, avec un point d’indice majoré de 10 %), de l’augmentation des APL et de la gratuité des cantines scolaires.

Le Smic à 1 600 euros net (contre 1 400 euros aujourd’hui) devra aussi être compensé par des mesures de soutien aux TPE et PME, qui ne pourront pas absorber la hausse de la masse salariale avec le même confort que les multinationales : «  Il y aura un soutien à ces entreprises, avec des prêts garantis à taux zéro »dit l’écologiste Éva Sas.

L’alliance de gauche compte donc retrouver des recettes équivalentes, qui feront l’objet d’un projet de loi de finances rectificative dès l’installation de la nouvelle Assemblée. «  Il faut s’attendre à travailler tout l’été et à légiférer jour et nuit. Notre projet est porteur d’espoir, nous n’avons pas le droit à l’erreur”confirme Arthur Delaporte.

C’est en quelque sorte un réarmement fiscal majeur que le NFP entend réaliser, en rétablissant l’impôt sur la fortune (gain estimé : 15 milliards d’euros) et en instaurant la fameuse « taxe sur les superprofits » réclamée depuis deux ans à la gauche (15 milliards également). milliard). Soit 30 milliards d’euros glanés chaque année en fiscalisant «  cet argent inutile et improductif »selon les mots d’Éric Coquerel.

Taxer les richesses élevées pour investir dans le capital humain

« Nous avons été extrêmement prudents, avec de nouvelles recettes qui couvrent toutes les dépenses et sans augmentation du déficit public », précise le sénateur socialiste Alexandre Ouizille. Le calcul ne prend donc pas en compte les retombées de la dynamique économique sous-jacente que la gauche entend promouvoir.

En réinvestissant dans l’école, la santé, les services publics, la rénovation thermique et le mix énergétique (pour correspondre à l’accord de Paris), la coalition relance en fait l’activité et investit de fait dans le « capital humain » : une population mieux éduquée, mieux soignée. car moins isolé socialement, il est plus productif et consomme davantage.

«  Nous sommes coincés dans un cercle vicieux ! » insiste Ian Brossat, chaque plan d’austérité du gouvernement ayant un impact négatif sur l’activité, ce qui conduit, dans la logique néolibérale, à un nouveau plan d’austérité. Le NFP et les économistes qui ont travaillé à son plan, dont Julia Cagé, Éloi Laurent et Éric Berr, entendent donc résolument tourner le dos au rétrécissement économique imposé au seul bénéfice des ultra-riches.

C’est tout l’intérêt de la phase 2 : les grandes bifurcations. Le Nouveau Front populaire entend financer ce grand plan de réinvestissement public à hauteur de 100 milliards d’euros avec une nouvelle logique fiscale. Loin du matraquage dénoncé par la droite, celui-ci consiste en 14 tranches d’impôt sur le revenu (contre 5 actuellement), ce qui le rend plus progressif, donc plus juste.

En clair, les salaires élevés, supérieurs à 4 000 euros par mois (soit moins d’un dixième des salariés français), seraient davantage imposés, tandis que les revenus les plus faibles paieraient moins d’impôts. Cet arsenal redistributif s’appuierait aussi sur un impôt sur les grandes fortunes – les économistes du NFP soulignent qu’en quinze ans, la richesse des ultra-riches est passée de 250 milliards d’euros à 1 200 milliards, soit une augmentation supérieure à celle du PIB. Enfin, plusieurs niches fiscales anti-écologiques (sur le kérosène, notamment) seront supprimées, pour un gain estimé à 25 milliards d’euros en 2025.

« Les marchés vont nous mettre sous pression, tout comme les employeurs »

L’effort final, en 2026 et 2027, nécessitera 150 milliards d’euros et portera sur des mesures structurelles majeures : un plan de redéploiement du fret ferroviaire, des services publics locaux, une augmentation du budget culture (porté à 1% du PIB) … Tout cela représente une augmentation de 22% du budget de l’État.

À ceux qui trouvent la facture exorbitante, rappelons que « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron, entre 2020 et 2021, s’élève à 240 milliards d’euros de dépenses. Là encore, l’effort sera soutenu par les mesures fiscales évoquées plus haut, auxquelles il faut ajouter une taxe sur les transactions financières et un impôt minimum sur les multinationales. « Nous voulons faire en sorte que la grande migration du travail vers le capital non investi, le capital non actionnarial, celui des dividendes, retourne vers les revenus du travail. », explique Éric Coquerel.

Si le programme NFP commet une « hérésie », c’est donc uniquement parce qu’il cherche à rompre avec la croyance aveugle en la politique d’offre à laquelle s’accrochent les libéraux, et qui profite en priorité à la bourgeoisie (ce que confirme la sociologie du vote).

Reste à savoir comment réagiront les marchés financiers, qui feignent de voir dans ce plan keynésien un retour de l’URSS. « Il est évident que les marchés vont nous mettre sous pression, tout comme les employeurs, commente le communiste Christian Picquet, qui a participé aux négociations autour du programme. L’implication populaire sera décisive. Les syndicats et associations devront peser dans le rapport de force – le terme partenaires sociaux retrouvera tout son sens. »

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William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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