Les familles des otages réclament sans relâche le retour de leurs proches et accusent le gouvernement israélien de donner la priorité à l’offensive militaire dans la bande de Gaza. Six mois après le 7 octobre, la colère gronde.
182 jours d’attente insupportable. Six mois après le 7 octobre, de nombreuses familles israéliennes sont toujours sans nouvelles de leurs proches kidnappés par le Hamas lors de son attaque meurtrière contre Israël.
Environ 130 personnes sont portées disparues, dont 34 sont présumées mortes par Israël. Ces chiffres ne sont qu’une estimation, le Hamas refusant de fournir la liste des otages qu’il détient. Dans un article publié par le magazine Foreign Affairs, Ehud Barak, ancien Premier ministre influent, affirme que seule la moitié des otages sont encore en vie.
Sur les 250 personnes enlevées le 7 octobre, une centaine ont été libérées, la plupart lors d’un échange avec des prisonniers palestiniens lors de la trêve de novembre – la seule dans cette guerre à ce jour. La dernière libération d’otages a eu lieu à la mi-février, lorsque deux hommes ont été libérés lors d’une opération à Rafah.
Le Hamas garde le silence sur les otages
Séparé de quelques vidéos rares qu’il diffuse, le Hamas ne communique aucune information sur les otages qu’il détient. L’organisation affirme également ne pas avoir le contrôle de tous les otages et affirme qu’ils sont dispersés entre différents groupes armés, dont le Jihad islamique.
D’anciens otages rentrés en Israël ont livré des témoignages contrastés sur leurs conditions de détention. Certains, comme l’octogénaire Yocheved Lifshitz, ont affirmé avoir été « bien traités » par leurs ravisseurs. D’autres, comme Aviva Siegel, 62 ans, ont décrit un « enfer » fait de privation de sommeil, de nourriture, d’eau et même de lumière. Blessée au bras, la Franco-Israélienne Mia Schem a déclaré à la télévision israélienne qu’elle avait subi une longue intervention chirurgicale, sans analgésique.
Le 26 mars, l’avocat israélien Amit Soussana, 40 ans, a été la première ex-otage à témoigner sur les violences sexuelles perpétrées par ses ravisseurs. Dans un article du New York Times, elle décrit avoir été battue et maltraitée sous la menace d’une arme.
Après la publication début mars d’un rapport sur les violences sexuelles commises le 7 octobre, la représentante spéciale de l’ONU, Pramila Patten, a déclaré avoir « de bonnes raisons de croire que de telles violences perdurent ».
Les négociations sont au point mort
Les perspectives pour les otages restants sont sombres. Les négociations sur une nouvelle trêve, qui pourrait permettre une deuxième vague de libération, sont au point mort depuis des mois. Selon le Qatar, pays médiateur, la question du retour dans leurs foyers des Gazaouis déplacés par la guerre constitue le principal obstacle. L’autre point de friction concernerait le nombre de Palestiniens emprisonnés qui doivent être libérés par Israël en échange de la libération des otages kidnappés.
« Des libérations ponctuelles et par vagues ne peuvent être exclues, mais je ne vois pas le Hamas libérer tous les otages. Ils sont sa seule garantie », explique David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Institut des Relations, pour BFMTV.com. international et stratégique (Iris).
Selon Israël, le Hamas utilise en réalité les otages comme bouclier humain. Yahya Sinouar, leader du Hamas à Gaza, serait lui-même caché dans un tunnel et entouré d’otages, ce qui rend son élimination risquée.
« Les otages sont aussi un moyen pour le Hamas de gagner du temps. Plus la guerre dure, plus l’image d’Israël se dégrade et plus elle profite au Hamas », ajoute David Rigoulet-Roze.
La stratégie de Netanyahu critiquée
De son côté, Israël poursuit son assaut dans la bande de Gaza, ignorant la pression de la communauté internationale, inquiète de la catastrophe humanitaire, et du vote d’une résolution de l’ONU appelant à un cessez-le-feu.
Pour l’État juif, c’est en détruisant le Hamas que les otages seront libérés. « La libération des otages est une priorité absolue. Elle ne sera obtenue qu’au prix d’une plus grande pression, et nous exercerons toute la pression nécessaire », a assuré le chef d’état-major de l’armée israélienne, Herzi Halevi, mercredi 3 avril.
Mais cette stratégie est loin de faire l’unanimité. « Jusqu’à présent, l’option militaire n’a permis la libération que d’une poignée d’otages. Elle a même provoqué la mort de plusieurs d’entre eux, confondus avec des combattants du Hamas », souligne David Rigoulet-Rose.
Ce samedi, l’armée israélienne a annoncé avoir récupéré le corps d’Elad Katzir, âgé de 47 ans au moment de son enlèvement le 7 octobre, et décédé « en captivité ». Sa sœur a accusé le Premier ministre Benjamin Netanyahu de ne pas en faire assez : « (Mon frère) aurait pu être sauvé si un accord avait été conclu à temps », a-t-elle déclaré.
Nouvelles manifestations dimanche
L’entêtement de Benjamin Netanyahou à poursuivre coûte que coûte son offensive suscite l’incompréhension de nombreux Israéliens. Sous pression, le Premier ministre fait face à la plus forte mobilisation de rue depuis le début de la guerre.
Entre le dimanche 31 mars et le mercredi 3 avril, des milliers d’Israéliens sont descendus chaque soir dans les rues de Jérusalem et de Tel-Aviv pour protester contre son gouvernement, composé d’une coalition de droite, d’extrême droite et d’ultra-religieux. Une foule composée d’opposants politiques et de proches d’otages du Hamas s’est même rendue au domicile du leader du Likoud, avant d’être évacuée par la police.
Les manifestants ont également installé un camp devant la Knesset, le parlement israélien, envahi en janvier par des familles d’otages.
Ce dimanche, pour le semestre du 7 octobre, un grand rassemblement est à nouveau prévu à Jérusalem, mais aussi à Paris, New York, Berlin et Amsterdam. De quoi accroître encore la pression sur Benjamin Netanyahu et placer la question des otages au centre du débat.