NouvellesNouvelles locales

« Si vous avez une enfance confortable, heureuse et facile, vous ne devenez ni un artiste ni un délinquant. »


L’auteure franco-canadienne a été invitée fin juin à des rencontres sur le thème de l’enfermement à Dieulefit, dans la Drôme, par l’ONG Prison Insider.

« Je suis leur sœur. » L’auteure franco-canadienne Nancy Huston parle à l’AFP de son engagement auprès des prisonniers, « Des destins aussi meurtris que ceux des artistes » et ses rencontres dans les prisons françaises, « parmi les pires » pays développés. Finissent en prison, « C’est une grande leçon pour tout artiste ou écrivain. »affirme cet auteur engagé de 70 ans, invité fin juin à des rencontres sur le thème de l’enfermement organisées à Dieulefit, dans la Drôme, par l’ONG Prison Insider.

« Quand on est dans la marge, on voit mieux la page. »c’est-à-dire le reste de la société, assure celle qui a visité une vingtaine de prisons en France où elle vit depuis les années 1970.« Je me sens plus à l’aise et plus en phase, plus heureux et moins en désaccord avec eux que dans les universités. » assure, volontiers provocateur, cet ancien élève du philosophe Roland Barthes.

« Si je n’avais pas eu un peu de chance, j’aurais pu moi aussi passer du temps en prison. » dit-elle, jugeant qu’elle avait « beaucoup en commun » avec ses occupants. « En cela, je suis leur sœur. » dit Nancy Huston, qui voit « Il existe de nombreuses similitudes entre les biographies de prisonniers, de criminels, de délinquants et les biographies d’auteurs et d’artistes.. « Si vous avez une enfance confortable, heureuse et facile, vous ne devenez ni un artiste ni un délinquant. »

Nourrir les personnages

L’auteur prolifique de Chant des plaines (1993), d’une vingtaine d’autres romans et d’autant d’essais, est un habitué du club de lecture de la maison d’arrêt pour hommes de Fleury-Mérogis. Dans cet établissement pénitentiaire du sud de Paris, l’un des plus grands d’Europe, se trouvent « Des moments significatifs, en dehors de la solitude »dans « une écoute extraordinaire »elle dit.

« Nous ne parlons pas du tout des faits » commis, explique-t-elle, mais les prisonniers « peuvent parler d’eux-mêmes en parlant des personnages »C’est là qu’elle rencontre Mamar Douani, un Algérien né en France qui purgeait une longue peine. « Je l’ai interviewé pendant une journée entière (…) et j’ai tout à fait compris comment on pouvait se retrouver dans cette position »se souvient le romancier.

Lorsque le prisonnier a été libéré sur parole en 2002, Nancy Huston a appelé le président Sarkozy à empêcher son expulsion du pays. « à Fleury » qu’elle croise la route d’Hélène Castel, condamnée par contumace à la réclusion à perpétuité après un vol à main armée dans les années 1980 puis arrêtée en 2004 au Mexique, après y avoir vécu plus de vingt ans sous une fausse identité.

« Elle a écrit un livre à ce sujet, dont j’ai écrit la préface. Au fil des années, nous sommes devenus très proches. »assure l’auteur, cité comme témoin de moralité lors de son procès. « On ne peut pas oublier quand on a rencontré des gens comme ça »elle assure, « C’est la vie dans ce qu’elle a de plus complexe, de plus excitant et de plus contradictoire. ».

Ces réunions de prison peuvent « Nourrir mes personnages – tout ce qui me nourrit, nourrit mes personnages – mais ce n’est pas le but »affirme la romancière, renouvelant son engagement en faveur de conditions de détention plus dignes. Les prisons, « C’est une des plus grandes hontes de la France »les conditions de détention sont « parmi les pires parmi les pays développés »elle croit.

La France a été condamnée à plusieurs reprises ces dernières années par la Cour européenne des droits de l’homme concernant ses lieux de privation de liberté. En avril, le pays a été pointé du doigt par la Cour pour des traitements dégradants à la maison d’arrêt de Condé-sur-Sarthe, dans l’Orne.

hd1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
Bouton retour en haut de la page