LE FIGARO DEMAIN – L’application mobile anti-gaspi, qui propose des billets invendus de dernière minute à prix réduits, connaît un succès encourageant auprès des jeunes.
Si vous avez déjà regardé autour d’un théâtre avant le lever du rideau, vous ne pouvez pas ne pas avoir été frappé par les toisons grisonnantes, nombreuses parmi les spectateurs. Et pour cause : les 50 ans et plus, représentant 42% du public, sont « locomotives » en termes de fréquentation, si l’on en croit la 3e édition de l’étude sur « Les Français et le théâtre », publiée en avril 2024 par l’Association de soutien au théâtre privé (ASTP), en partenariat avec Médiamétrie.
C’est alors qu’ils étaient encore étudiants en école de commerce (à Montpellier Business School puis en Master à Kedge Business School) que Charlotte Leygue et Idris Salvi, passionnés de divertissement, s’en sont aperçus. « Non seulement nous étions toujours les plus jeunes dans la pièce, mais nous nous retrouvions souvent dans des pièces à moitié vides. » dit Charlotte. De quoi inciter les deux amis à s’intéresser à la question des invendus. Plus de 300 000 places (soit 30 à 50 % des billets) ne trouvent pas preneur chaque mois, ne serait-ce qu’à Paris, souligne le tandem. Pourtant, 62 % des Français souhaitent aller davantage au théâtre, selon l’étude de l’ASTP.
Alors que les salles de spectacle sont fragilisées depuis la crise du Covid et la baisse du pouvoir d’achat, dans un contexte de forte inflation, « les acteurs traditionnels de la billetterie et les kiosques physiques ne suffisent plus à rendre certains spectacles visibles à une grande partie de la population, notamment les 18-35 ans », estime Idris. Le prix étant une barrière à l’accès des jeunes au spectacle vivant, leur idée était de leur permettre de profiter de ces places vacantes.
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Dès janvier 2023, les deux amis débuteront leur projet, avec plusieurs cordes à leur arc. Charlotte a déjà créé en 2021 une entreprise de e-commerce de prêt-à-porter et d’accessoires féminins, L’Atelier de Cha. « Cette aventure a été un bon tremplin mais je n’avais pas l’intention de la poursuivre et cela m’a permis de rejoindre Accenture dès l’obtention de mon diplôme.», où elle travaille en alternance comme consultante en marketing digital. De son côté, après deux expériences en start-up, Idris travaille dans une PME spécialisée dans les objets publicitaires et le textile.
Tandis que Charlotte, créatrice de sites Internet chez Accenture, développe l’application, Idris s’efforce de nouer des partenariats avec des salles parisiennes proposant des pièces de théâtre, de la comédie, des concerts ou encore des spectacles pour enfants. À commencer par les cafés-théâtres et les comédies clubs où se produisent comédiens et spécialistes du stand-up. Plusieurs raisons expliquent ce choix initial : «c’est plus accessible que le théâtre traditionnel car ce sont souvent des petites structures, moins chères et plus adaptées à notre jeune cible. » Charlotte explique. Comme les billets sont mis en ligne à la dernière minute, entre 48 heures et le jour du spectacle, avec des réductions de 50 % en moyenne, qui peuvent atteindre 70 %, ce ne sont en effet pas toujours les meilleures places qui sont proposées et ce n’est pas le cas. N’hésitez pas à vous asseoir sur un siège rabattable.
Des objectifs revus à la hausse
Shop Ta Place sera lancé fin mars 2024, sous la forme d’une application mobile, avec une carte interactive permettant de retrouver toutes les offres autour de chez vous, pour le soir même ou le lendemain. La start-up emboîte le pas à une autre application, TicketNunc, lancée six mois auparavant, avec un positionnement très similaire, sauf que cette dernière propose du théâtre un peu plus classique. Le succès immédiat de l’outsider a dépassé tous les espoirs des deux Montpelliérains. Au cours des deux premiers mois, 20 000 téléchargements ont été enregistrés et 15 000 utilisateurs ont créé leur compte. Parmi eux, 80 % ont entre 18 et 35 ans. Il faut dire que le prix des billets est très bas, beaucoup d’entre eux étant à moins de 10 euros.
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D’où une politique de communication active sur les réseaux sociaux comme TikTok et Instagram, très appréciés de cette cible. Autre élément qui les différencie des concurrents traditionnels du marché : contrairement à BilletReduc, Ticketac et autres Closevent, Shop Ta Place vend exclusivement des invendus.
De quoi permettre au tandem de revoir à la hausse ses ambitions, plus que doublées, et son business plan. Les objectifs de la jeune entreprise passent ainsi à 100 000 utilisateurs (contre 50 000 initialement prévus), vingt mille places vendues (contre 10 000) et 240 000 euros de chiffre d’affaires (contre 100 000) dès la première année.
Montpellier et Marseille, après Paris
L’application, qui compte désormais 70 établissements partenaires à Paris, s’est enrichie de grandes salles, comme le Paradis latin, le Palais des glaces, le Grand Point Virgule ou le Théâtre du Gymnase. Elle vient même de lancer une attaque en province, avec Montpellier et Marseille, où chaque ville compte une dizaine de partenariats. Lyon, Lille et Bordeaux devraient suivre début 2025.
Ce lancement a été financé par des prêts personnels et des subventions obtenus dans le cadre de deux concours : Total Edhec Entreprendre financé par BNP-Paribas, en avril dernier, et le Coup de Pouce organisé par Kedge Entrepreneurship où la start-up a été incubée, avec le financement du Le Fondation Roch-Les Mousquetaires. Mais cela ne suffit pas pour permettre aux deux jeunes entrepreneurs, qui continuent de travailler en parallèle, de continuer à se verser un salaire. Mais à ce rythme-là, gageons que ce sera un jour le cas.