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SÉRIE. Le journal de bord des Jeux Paralympiques de Paris 2024

Quel est le quotidien d’un athlète paralympique ? Comment se prépare-t-il pour un événement comme les Jeux de Paris 2024 ? Est-il possible de faire changer notre regard sur le handicap à travers un tel événement ? Ces questions – et bien d’autres – ont amené la rédaction de Franceinfo : sport à proposer un format dans lequel la parole reviendrait directement aux athlètes français qui visent les Jeux Paralympiques.

Pour le septième épisode de ce carnet de bord mensuel, Gaël Rivière (football aveugle) et Ugo Didier (paranatation) parlent de leurs résultats et de leurs ambitions cet été.

« Avec l’équipe de France, on ne se dit pas qu’on est les meilleurs au monde et qu’on va gagner. On se dit qu’on va se préparer au maximum pour être une équipe très chiante pour les autres . »

Gaël Rivière lors d'un stage avec l'équipe de France de cécifoot à Lens, en février 2019. (FLORENT-PERVILLE/FFH)

Le J-100 est un des moments où l’on commence à se rendre compte que ça y est, nous arrivons au moment des Jeux. Ayant eu la chance de vivre deux éditions, à Londres en 2012 et à Tokyo en 2021, cet engouement médiatique pour les sports paralympiques ne se manifeste que durant cette période. Je suis un vétéran, j’ai fait ma première Coupe du monde en 2006. Autant vous dire qu’à cette époque, le mot parasport n’existait pas du tout, on parlait de handisport et ça n’avait pas du tout le même écho. J’étais au lycée et je disais que j’étais dans l’équipe de France de cécifoot, que j’allais m’absenter pendant l’année de baccalauréat pour disputer les championnats du monde. Les professeurs m’ont dit : « C’est une belle chose, mais il y a le baccalauréat à la fin de l’année. ». En 2012, lorsque je suis allé aux Jeux de Londres et que je faisais mes entretiens pour mon master en droit, on m’a parlé des Jeux à 80 % du temps. Entre mes débuts et maintenant, il y a une évolution incroyable, ça n’a rien à voir.

Je suis avocat de profession, je travaille dans un cabinet d’avocats. La particularité de ce métier passionnant est qu’il est très exigeant en termes de temps. Mon bureau a convenu que pendant l’année paralympique, je travaillerais à des horaires réduits. Avocate à temps partiel, certes, mais j’ai la possibilité de me former tous les jours. Je réalise que c’est une concession importante pour eux et je les en remercie.

Avec l’équipe de France, nous sommes ambitieux pour Paris mais en restant assez humbles. On ne se dit pas qu’on est les meilleurs au monde et qu’on va gagner. On se dit qu’on va se préparer le plus possible pour qu’on soit une équipe très énervante pour les autres. Nous sommes champions ou vice-champions d’Europe depuis de nombreuses années. Le côté négatif, c’est que cela faisait longtemps que nous n’avions pas réussi à monter sur un podium en compétition internationale, quasiment depuis les Jeux de Londres (défaite en finale 2-0 contre le Brésil). Mais on parle de football, et tout peut arriver très vite. Cela se passe sur une semaine. Pour que nous puissions réussir, les planètes devront être quelque peu alignées. Si on n’a pas de chance devant le but et qu’à chaque fois que nos adversaires marquent, ce sera compliqué. Il y a toujours cette petite part de magie, ce n’est pas un ajout où on ajoute les meilleurs joueurs et où on est sûr de gagner. Nous espérons qu’être à la maison sera un gros avantage. Mais jouer à domicile peut aussi être une pression à laquelle nous ne sommes pas habitués car il n’y a pas de tribunes pour 12 000 ou 13 000 personnes dans le cécifoot.

La base de notre réussite, comme c’est souvent le cas dans les grands tournois, sera d’avoir une défense solide. On sait qu’on aura des occasions de marquer des buts mais quand ils arriveront, il ne faudra pas avoir déjà encaissé trois buts. Nous sommes homogènes en termes de niveau. Nous n’avons personne dans l’équipe capable de prendre le ballon seul, de dribbler les quatre joueurs adverses et de marquer, d’ailleurs cela n’existe plus beaucoup dans le cécifoot. On sait qu’il va falloir être bien organisé, on a des joueurs très rapides comme Tidiane (Diakité), Frédéric (Villeroux) qui est très technique… Il faut juste ne pas être dans une situation où on court après le score.

« Après les Championnats d’Europe, mon palmarès et mon CV ont grandi. Mais ça ne gonfle pas l’ego de champion ou quoi que ce soit. Quand on regarde les personnes qui sont présentes dans l’équipe de France de paranatation, non, je ne sais pas. Je ne me sens pas comme un leader ! »

Ugo Didier lors des Séries mondiales de paranatation à Limoges, le 25 mai 2023. (PICOUT GREGORY)

Je reviens il y a deux semaines des Championnats d’Europe à Funchal, Madère, Portugal. C’était une bonne compétition, j’ai réalisé mes meilleurs temps de la saison… C’était ce que j’espérais, j’avais hâte de retrouver le niveau international, ça n’avait pas été le cas depuis les derniers Mondiaux de Manchester l’été dernier donc c’est agréable de finir en premier, de réentendre La Marseillaise ! Et même collectivement, on n’a jamais eu autant de médailles aux Championnats d’Europe (22 dont sept titres), donc il n’y a que du positif.

Au quotidien, j’essaie de travailler pour être un nageur complet, à l’aise dans plusieurs spécialités car le programme paralympique est moins important. Si je veux participer à plusieurs courses et avoir la chance de faire plusieurs finales, je dois être assez complet. A Paris, je suis assuré de disputer le 100 mètres dos, le 400 mètres nage libre et le 200 mètres quatre nages, les courses où j’ai remporté l’or au Portugal et où je suis le plus compétitif. Ensuite, il reste encore un point d’interrogation sur le 50 mètres nage libre, le relais 4×100 mètres nage libre et le relais quatre nages. Quoi qu’il arrive, je reste au service de l’équipe.

Avec Samuel Chaillou, mon entraîneur, nous travaillons ensemble depuis au moins 10 ans, nous nous connaissons extrêmement bien. Il me coache dans l’eau, mais aussi en préparation physique donc c’est un vrai plus. Techniquement, il connaît mieux que moi mes chronos, il maîtrise mes allures, mes coups de bras, mes fréquences… Il est un allié indispensable, bien au-delà de ce qu’il peut m’apporter en piscine. Au quotidien, je suis son seul nageur. Il a également la chance de me suivre sur les stages de l’équipe de France, ce qui lui permet de mieux connaître les autres athlètes et de compléter son approche sportive lors des compétitions.

Après ces championnats, mon palmarès et mon CV ont grandi. Mais cela ne gonfle pas l’ego d’un champion ou quoi que ce soit. Quand on regarde les gens qui sont présents dans l’équipe de France de paranatation, avec David Smétanine qui disputera ses 6èmes Jeux, Elodie Lorandi qui compte sept médailles paralympiques, Anaëlle Roulet qui a fait Londres, Rio, Tokyo et j’espère elle, Paris… je ne me sens pas leader ! Et peu importe que ce soit une réussite pour moi à Paris, je pense que l’héritage des Jeux reposera sur autre chose que mes seuls résultats sportifs. Les Jeux permettront, collectivement, une bien plus grande médiatisation des athlètes paralympiques, une meilleure visibilité du parasport, mais à mon avis, c’est avant tout sur le plan social, sur l’inclusion, sur l’accessibilité que cela va et doit avancer.

Je n’ai pas trop suivi le relais de la flamme, j’ai essayé de me détacher de tout ça. On m’a demandé de porter la flamme, mais j’ai dû refuser faute de disponibilité. J’ai priorisé ma préparation sportive. C’est peut-être un choix que je regretterai dans quelques années, c’est possible, mais aujourd’hui, je préfère me concentrer et éviter de penser à Paris 2024 tous les jours, même si c’est souvent le cas. J’ai besoin de concentrer mon attention ailleurs, de me préserver mentalement et j’essaie de ne pas ressentir l’engouement grandissant.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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