Sergueï Choïgou, fidèle ministre russe de la Défense, a-t-il été licencié pour corruption ?
Douze années de bons et loyaux services. Ce dimanche, lors d’un remaniement surprise opéré par Vladimir Poutine, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou a été démis de ses fonctions, après douze ans au même poste. Un choix stratégique selon le Kremlin qui intervient après plus de deux ans de conflit en Ukraine et quelques jours après un assaut russe dans la région de Kharkiv.
Un climat de corruption
Cette apparente sanction intervient dans un climat de corruption au sein du gouvernement russe. En avril dernier, le vice-ministre de la Défense Timur Vadimovich Ivanov a été arrêté pour corruption présumée. Ce dernier était « soupçonné d’avoir commis un crime au sens de la section 6 de l’article 290 du Code pénal (acceptation d’un pot-de-vin) », selon la commission d’enquête russe.
Ivanov faisait en effet partie des alliés les plus proches de Choïgou. Selon le journal américain Politico, leur lien remonte à plus d’une décennie depuis les bancs du gouvernement régional de Moscou. Une connaissance qui a semé la confusion sur les réseaux sociaux, certains accusant déjà Sergueï Choïgou d’avoir également détourné des millions de roubles russes. « Shoïgu est une personne corrompue qui a détourné des millions de roubles en matériel militaire », dénonce un internaute sur le groupe Facebook « Guerre en Ukraine ».
Une mauvaise gestion des conflits ?
Ce départ précipité agite également l’opinion politique internationale et ouvre la porte à des accusations visant directement Sergueï Choïgu. Ce dimanche, sur son . Grant Shapps idéalise ainsi la nomination d’un nouveau ministre de la Défense capable de « mettre fin à l’invasion russe ».
Faux
Pour Tatiana Kastoueva-JeanSelon le politologue spécialiste de la politique intérieure et étrangère de la Russie, les causes de cette démission forcée sont ailleurs. « Ce qu’il faut examiner, ce n’est pas vraiment l’éviction de Sergueï Choïgou, mais plutôt la nomination à son poste d’Andreï Beloussov. » Et pour cause, le nouveau ministre russe de la Défense, qui n’est en rien un militaire, n’est autre que l’ancien ministre de l’Économie et un fidèle conseiller du président.
« Avec cette nomination, Vladimir Poutine veut remettre l’économie au cœur de l’effort de guerre », explique le spécialiste, « et s’assurer de la fidélité de son nouveau ministre ». Avec des dépenses militaires qui représentent aujourd’hui près de 6,7% du PIB russe, placer un technocrate spécialisé en économie à la tête du département de la défense confirme ainsi la nouvelle ligne politique du chef du Kremlin.
Dans le même temps, bien que Sergueï Choïgou ne soit plus ministre, il n’a pas disparu du paysage politique russe depuis qu’il a été nommé secrétaire du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie (CSFR). « On est loin d’un licenciement sanctionné, analyse le politologue, Choïgou conserve une place de choix au sein du Kremlin ». Pour rappel, la CSFR, composée de hauts dignitaires russes, est un organe consultatif auprès du président censé lui fournir des conseils sur les questions de sécurité nationale.
Un limogeage sous forme de promotion donc qui, en pleine crise politique interne, vise également à éloigner le ministre de la Défense des projecteurs afin de faire taire les critiques, tout en le maintenant dans l’entourage proche du président. « Une manœuvre courante dans la politique russe », conclut Tatiana Kastoueva-Jean.
