Categories: Nouvelles locales

Septembre 1914, bataille de la Marne : comment les troupes françaises ont stoppé l’armée allemande

Par Jean-Yves Le Naour

Historien

Défaites en Moselle et dans les Ardennes belges, ployant bagage à Charleroi, les armées françaises se replient à vive allure à la fin du mois d’août 1914. L’histoire semble se répéter. Le spectre de 1870 plane sur la France. Quittant la capitale pour Bordeaux le 2 septembre, le président Poincaré confie directement la protection des musées et monuments parisiens à l’ambassadeur américain, l’invitant à tout mettre en œuvre pour protéger la vie et les biens de la population.

Le gouverneur militaire de Paris, le général Gallieni, sait qu’il ne pourra pas résister longtemps à la poussée allemande : von Kluck, à la tête de la Première armée allemande, a 300 000 hommes sous ses ordres alors que lui n’en a que 60 000. Il n’a cessé de demander des renforts à Joffre, mais celui-ci, qui envisage de livrer bataille sur la Seine puis dans le Morvan, ne lui a rien accordé, ou presque. Tout semble écrit, et pourtant…

Le 3 septembre, le général Gallieni découvre qu’au lieu d’investir Paris par le nord-ouest, von Kluck poursuit l’armée française en retraite vers l’est de la capitale. C’est l’occasion de l’attaquer de flanc, avec toutes les forces de la capitale, et de le prendre en tenaille, à condition que Joffre veuille bien ordonner une contre-attaque sur tout le front.

La bataille de la dernière chance…

Pour le convaincre, ce ne fut pas sans peine, et il fut encore plus difficile de convaincre les Anglais, alors à Melun, de faire demi-tour. Ils estimaient en effet que la bataille de France était perdue et comptaient rejoindre au plus vite un port de l’Atlantique pour rembarquer leur armée ! Ils acceptèrent finalement de participer à cette bataille de la dernière chance… mais ils marcheraient si lentement qu’ils n’y joueraient aucun rôle.

La bataille décisive débute le 5 septembre, peu après midi, lorsque les forces venues de la capitale surprennent l’aile droite allemande au nord de Meaux, sur un front d’une dizaine de kilomètres. Le 6 septembre, toutes les armées françaises cessent de reculer et forment un front. L’ordre du général Joffre est depuis entré dans l’histoire : « Une troupe qui ne peut plus avancer doit, à tout prix, tenir le terrain conquis et être tuée sur place plutôt que de reculer. » C’est le destin du pays et celui de l’Europe qui se jouent. Mais le général croit tellement à la victoire qu’il se précipite vers son nouveau QG, à Châtillon (Côte-d’Or) après avoir donné cet ordre inflexible !

La bataille se déroule sur un front de plus de 200 kilomètres, mais les combats décisifs ont lieu au nord de Meaux, où Gallieni attaque sur le flanc ennemi. Le 6 septembre, les combats sont acharnés, le village d’Étrépilly est pris et perdu à de multiples reprises, et les Français sont repoussés jusqu’aux hauteurs de Varreddes, à quelques centaines de mètres où se trouve aujourd’hui le musée de la Grande Guerre de Meaux. Le 7 septembre est particulièrement indécis. von Kluck envoie toutes ses forces contre l’armée de Paris, ne laissant qu’un rideau de cavalerie plus au sud.

Les taxis de la Marne sont restés dans la mémoire nationale comme une expression du génie français.

Pour éviter d’être débordé par le nord, Gallieni eut la brillante idée de réquisitionner les taxis de la capitale pour transporter au plus vite les soldats jusqu’à Nanteuil-le-Haudouin. Contrairement à la légende patriotique, ce ne sont pas ces 5 000 hommes jetés dans la fournaise qui apportèrent la victoire, mais cet épisode des taxis parisiens resta dans la mémoire nationale comme l’expression du génie français, plus enclin à l’improvisation qu’à l’organisation minutieuse. Malgré cette initiative, qui évita à l’ennemi d’être débordé, la journée du 8 fut dramatique. Après trois jours de combats ininterrompus, Gallieni savait que ses troupes étaient épuisées, qu’il n’avait plus de réserves, et donc qu’il ne pourrait pas résister bien longtemps face à un ennemi qui concentrait toutes ses forces devant lui.

C’est que, sur son flanc sud, von Kluck a de la chance : les Anglais avancent si prudemment qu’il peut espérer battre les Français avant d’être pris en tenaille. Mais le 9, ils sont enfin sur la Marne, près de Trilport et de La Ferté-sous-Jouarre, et la situation devient périlleuse pour les Allemands.

Alors que von Kluck veut continuer à se battre, son voisin, chef de la IIet L’armée allemande, von Bulow, décide de se retirer. Il s’inquiète de la brèche apparue dans les lignes allemandes entre son armée et celle de von Kluck depuis que ce dernier a rompu la liaison pour masser ses forces au nord de Meaux. Si les Français et les Anglais s’en aperçoivent, ils risquent de foncer et de disloquer les armées allemandes. Elles ont été dupées jusqu’ici par un rideau de cavalerie mais il est trop dangereux de tenter le diable. En se retirant, von Bulow force donc von Kluck à faire de même, et chacun rejettera la responsabilité de la défaite.

Dans leur communiqué du 10 septembre, les Allemands ne parlent que d’un repli tactique et non d’une défaite, et pourtant ce recul de 80 à 110 kilomètres, jusqu’en arrière de l’Aisne, est bien la fin des illusions allemandes. Quelle cruelle surprise pour Berlin, cet incroyable revers à 50 kilomètres à peine de la capitale française, alors que la partie semblait terminée !

Il y a sans doute une part de mystère dans cette bataille de la Marne qui renversa le cours de la guerre au dernier moment. Von Kluck, le vaincu, le reconnaît dans ses mémoires : « Que des hommes qui ont reculé pendant dix jours, que des hommes couchés à terre et à moitié morts de fatigue, puissent reprendre leurs fusils et attaquer au son du clairon, c’est une possibilité qui n’a jamais été évoquée dans nos écoles de guerre. »

Avant de partir, une dernière chose…

Contrairement à 90 % des médias français d’aujourd’hui, L’humanité ne dépend pas de grands groupes ou de milliardaires. Cela signifie que :

  • nous vous apportons des informations impartiales et sans compromis. Mais aussi que
  • nous n’avons pas ne disposent pas des ressources financières dont bénéficient les autres médias.

Une information indépendante et de qualité a un coûtPayez-le.
Je veux en savoir plus

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

Recent Posts

AS Monaco – FC Barcelone : L’ASM avec ses pépites et Embolo dans le onze de départ

Akliouche et Ben Seghir découvriront la Ligue des Champions, Vanderson pour défendre face à Yamal, les compositions du match. Moins…

2 minutes ago

TPMP : La Polonaise sans culotte sur le plateau, elle avoue tout ! « Il faut la laisser respirer »

Par Prune P. Vous ne regarderez plus jamais TPMP de la même manière après avoir lu cet article. A l'occasion…

3 minutes ago

Nouvelle étape inquiétante franchie en France : des moustiques tigres porteurs de la dengue identifiés pour la première fois – Futura

Nouvelle étape inquiétante franchie en France : des moustiques tigres porteurs de la dengue identifiés pour la première foisFuturaDijon. Le…

4 minutes ago

La place de l’Europe est en cours de rénovation, les travaux sont prévus jusqu’en mai 2025

A Briançon, la place de l'Europe sera en travaux de septembre à décembre 2024, puis de mars à mai 2025.…

6 minutes ago

Prolongation des suspensions de vols vers Beyrouth et Tel-Aviv

Lufthansa et Air France ont annoncé jeudi prolonger la suspension de leurs vols vers Tel-Aviv et Beyrouth en raison des…

9 minutes ago

une montre connectée performante et inépuisable

Huawei vient de dévoiler sa nouvelle smartwatch, la Watch GT 5 Pro, et nous avons pu mettre la main dessus…

13 minutes ago