Sept séismes autour de Vannes en huit jours : « Une zone que l’on surveille »
Cammile Bussière
Comment expliquez-vous la série de séismes ressentis sur les secteurs de Vannes et d’Auray ces derniers jours ?
Éric Beucler : C’est un domaine que nous surveillons assez régulièrement. Ces différents séismes se sont produits au nord de Ploëren. Déjà en février 2021, une série de petites secousses avaient été ressenties dans ce même secteur. Nous sommes ici sur la cisaille sud-armoricaine. Il y avait une limite de plaques il y a 350 millions d’années. Ici, à proximité du tracé de l’actuelle voie rapide, il y a la trace d’une faille mais la frontière entre les deux plaques tectoniques est fermée depuis longtemps. Nous voici donc sur une grande question scientifique.
Alors, quelles hypothèses avancez-vous ?
Nous sommes dans une région où existent de nombreuses branches de failles qui peuvent expliquer ces secousses. Ils sont généralement proches de la cisaille sans forcément se trouver dessus. Même s’il est faible, il existe peut-être encore un moteur tectonique qui génère ces mouvements brusques, le long des failles.
En ce moment, nous sommes également dans une période où beaucoup d’eau peut pénétrer dans les rochers. Des études réalisées dans d’autres régions ont montré qu’un facteur hydraulique peut créer des mouvements de roches, de l’hydrosismicité.
Comment observez-vous ces tremblements de terre ?
L’observatoire dans lequel nous travaillons à Nantes est chargé d’entretenir le réseau sismologique. Pour le quart nord-ouest, nous avons en charge 27 stations sismologiques. Dans le Morbihan, ils sont basés à Béganne, Lorient, Guehenno et Belle-île-en-mer. Ils ont permis d’identifier 60 (61 une fois le dernier de ce vendredi confirmé par un sismologue) séismes d’origine naturelle entre le 1er janvier 2018 et le 11 octobre 2024. Le plus important en termes de magnitude a eu lieu le 14 mars 2024 vers 23 heures. Sa magnitude locale était de 3.
Les derniers séismes ressentis ont été enregistrés entre 2,1 et 2,9. Comment expliquer qu’ils aient été fortement ressentis ?
Les derniers séismes sont assez superficiels : entre 4 et 10 km de profondeur. Cela explique pourquoi ils se font réellement sentir. Plus le tremblement de terre est profond, plus vous le ressentez. Il faut faire la différence entre la magnitude – l’énergie libérée – et l’intensité – l’énergie ressentie. Les deux ne sont pas toujours proportionnels. Cela dépend de la profondeur, de l’endroit où vous vous trouvez par rapport à la manière dont le tremblement de terre s’est produit. À l’heure actuelle, les gens sont peut-être plus réceptifs.
Vous faites la distinction entre les tremblements de terre qui sont naturels et d’autres que vous qualifiez d’anthropiques, expliquez-nous…
Sur les petites sismicités, les travaux de ces dernières années montrent que l’on est autour de quatre séismes par semaine dans le quart nord-ouest. Mais la grande majorité n’est pas ressentie et n’est enregistrée que par les sismomètres. Dans ces registres énergétiques, nous avons des tirs de carrière, des exercices militaires mais aussi ce que l’on appelle la « guerre des mines », ces mines de la Seconde Guerre mondiale trouvées près de nos côtés par la marine et qui ont explosé. Les analystes connaissent la différence.
Tremblements de terre en Bretagne
Faut-il s’inquiéter ?
Au vu des données enregistrées depuis le milieu du XXe siècle, il n’y a aucune raison d’imaginer que des séismes importants, c’est-à-dire d’une magnitude supérieure à 5,5, puissent se produire puisqu’il n’y a pas ici de défaut majeur. Mais il faut être humble, notre savoir ne date que d’une cinquantaine d’années. Et pour les bâtiments, normalement non, il n’y a aucune raison de s’inquiéter. On parle ici de mouvements de sol, au niveau de l’épicentre de quelques micromètres.