L’Institut du Monde Arabe Tourcoing organise une très belle exposition consacrée à la calligraphie depuis ses origines jusqu’au street art. Un événement à ne pas manquer, jusqu’au 19 janvier 2025.
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La première œuvre exposée remonte au premier quart du Xe siècle, un Coran bleu provenant de Kairouan, en Tunisie. Les plus récentes datent à peine de quelques années. L’Institut du monde arabe Tourcoing présente, jusqu’au 19 janvier 2025, les « trésors conservés » dans les collections du musée IMA à Paris.Depuis les premières normes établies au IXe siècle jusqu’à nos jours, les calligraphes n’ont cessé de développer l’art de la belle écriture et d’explorer de multiples pistes créatives, certains allant jusqu’à s’affranchir du sens pour ne garder que la force plastique des lettres, d’autres investissant de nouveaux supports, les murs de nos villes par exemple », déclare Eric Delpont, directeur du musée IMA.
Cette exposition est aussi une volonté de la directrice de l’Institut du monde arabe-Tourcoing, Katia Boudoyan, de placer la langue arabe au centre de son action.Avec notre nouvelle exposition consacrée à l’histoire de la calligraphie, vous naviguerez à travers les âges pour découvrir comment les calligraphes ont sublimé l’alphabet arabe pour traduire le monde, la foi et les arts. Au-delà de sa dimension symbolique, la calligraphie nous enseigne la force d’une culture partagée par des hommes et des femmes d’origines et de milieux différents », elle souligne.
Ainsi l’Institut de Tourcoing, qui accueille 200 apprenants, célébrera en décembre la Journée de la langue arabe et proposera des cours d’initiation à la calligraphie. Visite guidée avec le commissaire de l’exposition Eric Delpont, pour qui c’est la parole qui fait l’image, à travers ces sept œuvres aussi sacrées que profanes.
Feuillet d’un Coran en calligraphie coufique du Xe siècle (Tunisie)
Les caractères tracés à l’or, fixés au blanc d’œuf, sont cerclés de rouge. Un inventaire des manuscrits de la Grande Mosquée de Kairouan (Tunisie), établi en 1292-93, décrit un Coran de grand format écrit à l’or sur parchemin bleu-noir, en sept volumes.Six volumes sont aujourd’hui conservés à la Bibliothèque nationale de Tunis ; le septième a été démembré au XIXe siècle, ce qui explique la présence de ses pages dans de nombreuses collections publiques et privées à travers le monde », observe Eric Delpont. « Il existe un bel exemple de la traduction luxueuse du manuscrit. Des sources historiques indiquent que de tels Corans bleus existaient également au Proche-Orient puisque le calife abbasside al-Ma’mûn en possédait un », note le directeur du musée de l’Institut du monde arabe.
Coran en rouleau en calligraphie Ghubâr (Iran, XVIIIe siècle)
Précédé d’une enluminure à motif de boteh, le texte coranique se déploie sur plus de quatre mètres, recopié à l’encre noire, avec les titres des 114 sourates à l’encre rouge, dans une minuscule écriture appelée ghubâr (écriture de poussière) qui, à l’origine, aurait servi à écrire des messages envoyés par des pigeons voyageurs.Il n’est pas destiné à un usage quotidien. Ce format du Coran avait un usage prophylactique, porté sur soi ou inséré dans des objets symboliques, comme les bannières de l’armée. Pour dessiner des caractères aussi fins et petits, les calligraphes utilisent des pinceaux à deux ou trois moustaches de chat », explique Eric Delpont, directeur du musée de l’Institut du Monde à Paris.
« Al-Mu`allaqât » de Dia Al-Azzawi, (Irak, 1978)
« C’est presque la première fois qu’elles sont exposées. Il y a douze feuilles au total, mais la donation n’en comprend que six. L’artiste irakien Dia Al-Azzawi, qui était directeur des musées de Bagdad, s’est inspiré du Guernica de Picasso », a-t-il ajouté. Eric Delpont explique. Le Les Mu’allaqât sont odes préislamiques qui, dans le nord et le centre de la péninsule arabique, donnaient lieu à des joutes oratoires entre tribus, réunies à l’occasion de foires ou de pèlerinages. Ces poèmes louent le protecteur, exaltent la bravoure, fustigent l’ennemi, évoquent la beauté de l’être aimé, chantent l’ivresse, le désert ou encore l’au-delà.
« Al-Samâwât / Al-Ardh » (Les Cieux / La Terre), de Nabil Boutros, (Egypte, 2013)
Cette série, Au-delà / Au-delà, place sur des photographies personnelles de l’auteur prises en Egypte des paires de mots en arabe, en écriture coufique carrée, lue dans le sens des aiguilles d’une montre à partir du coin inférieur droit. L’écriture agit comme une grille, un labyrinthe ou un moucharabieh et empêche toute lecture rapide de l’image.Cette série est née après le Printemps arabe. Nabil Boutros est très sensible à la calligraphie coufique. L’œuvre, sur fond d’images contestataires, se lit dans tous les sens », explique Eric Delpont.
« Maternité » de Laure Ghorayeb, (Liban, 2017)
« Journaliste et critique d’art, Laure Ghorayeb dessine en noir depuis l’enfance car sa famille modeste ne pouvait pas s’offrir de crayons de couleur », remarque Eric Delpont. Autodidacte, ses dessins illustrent l’édition de son premier recueil de poèmes, en 1960. Le dessin délicat et dense de ses toiles, exclusivement exécuté à l’encre de Chine, reflète des souvenirs familiaux étendus à la mémoire collective. Le thème de la maternité y occupe une place centrale.De haut en bas, les quatre visages portent sur leur front l’inscription suivante : la maternité, la nuit, la joie et l’espoir pour l’avenir. L’artiste libanaise a toujours intégré l’écriture dans ses compositions », souligne Eric Delpont.
« Paris » de JonOne et Yazan Halwani, (France, 2015)
L’œuvre a failli disparaître. Ce panneau a été conçu et réalisé in situ à l’IMA à Paris, dans l’exposition Le hip-hop, du Bronx aux rues arabes en 2015par deux graffeurs, peintres muralistes, qui travaillent également sur toile. Tandis que JonOne se concentre sur l’agitation et le mouvement de la couleur, Yazan Halwani exploite la force plastique de la calligraphie arabe qu’il pratique depuis ses débuts à l’âge de 15 ans.Cette œuvre se voulait éphémère. Elle se trouve dans les réserves de l’IMA depuis 2015″, confie Eric Delpont.
« Tout dépend de la victoire » de Gilles Delmas (2012)
Cette image fait partie d’une série dans laquelle Gilles Delmas tente de capter l’expérience humaine de la mer, racontée par de jeunes Tunisiens. Sur cette épaule est inscrit le mot horrya ou houria (liberté). « Le contour du mot est très clair, très net. On parle de migrations, à cause de la situation politique et climatique. Ce regard vers la mer est le symbole des nouvelles générations, et pas seulement en Méditerranée », observe Eric Delpont.
Grb2