Selon une étude, il y a suffisamment d’eau sur Mars pour recouvrir la planète entière

En décembre 2022, la redoutable sonde sismique martienne InSight rendait son dernier souffle après quatre années de bons et loyaux services. Mais les chercheurs sont encore loin d’en avoir fini avec la montagne de données exceptionnelles qu’elle nous a apportée.

Une récente publication d’une équipe américaine nous le démontre à nouveau : ces chercheurs pensent avoir trouvé la preuve que la planète rouge abrited’énormes quantités d’eau liquide.

De l’eau sur Mars, un objectif de longue date

La présence d’eau liquide sur Mars reste un élément central de l’étude géologique des planètes, notamment celles soupçonnées d’avoir autrefois hébergé des formes de vie. Ce n’est pas un hasard si des rovers comme Curiosity et Perseverance étudient depuis longtemps les formations géologiques qui pourraient trahir la présence de ce précieux liquide. En ce moment même, ce dernier remonte l’artère principale du delta du cratère Jezero, dont on sait qu’il a été rempli d’eau il y a environ 3,5 milliards d’années.

Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs s’appuient sur divers indices géologiques. Par exemple, de nombreuses formations rocheuses présentent des signes de circulation de fluides, tant dans leur structure que dans leur composition chimique. La présence d’eau à la surface de Mars au début de son histoire est désormais relativement bien acceptée par les chercheurs, et depuis une dizaine d’années, ils tentent de déterminer si une partie de ce liquide aurait pu survivre jusqu’à aujourd’hui.

Jusqu’à présent, personne n’a jamais réussi à le prouver, mais des signes très encourageants ont commencé à émerger à la fin de la dernière décennie. En 2018, le radar de Mars Express, la sonde martienne de l’ESA, a détecté signaux compatibles avec la présence d’eau liquide à un peu plus d’un kilomètre sous la calotte glaciaire du pôle Sud. Au cours des années suivantes, d’autres études basées sur les mêmes données ont renforcé cette hypothèse.

Mais techniquement, les découvertes de Mars Express auraient aussi pu correspondre à d’autres éléments géologiques. Par exemple, des couches de glace disposées de manière inhabituelle auraient aussi pu renvoyer un signal très proche de celui de l’eau liquide. Ces doutes sont tout à fait légitimes, sachant qu’en janvier dernier, d’autres relevés radar ont montré qu’un énorme volume de glace se cachait sous l’équateur de Mars.

La preuve la plus convaincante à ce jour

Il manquait donc des preuves très solides pour valider définitivement cette hypothèse. Et c’est probablement ce que viennent de découvrir les chercheurs de l’Université de Berkeley dans les données InSight.

Contrairement à Mars Express, ce dernier n’a pas seulement observé Mars depuis l’orbite, mais directement depuis la surface. En effet, InSight a été le tout premier atterrisseur martien à être équipé d’un sismographe. Avec cet instrument, il a ausculté en permanence les entrailles de la planète dans l’espoir d’enregistrer quelques murmures sismiques. Comme sur Terre, ces ondes ne se propagent pas uniformément dans tous les environnements. Les chercheurs peuvent donc les utiliser pour construire ce que l’on appelle un profil sismique afin de déterminer quel type de structures géologiques le signal a traversé sur son trajet.

InSight a offert une perspective unique et inestimable ; c’était le seul instrument qui permettait aux planétologues d’étudier les profondeurs de Mars de cette manière, c’est pourquoi ils continuent d’examiner ces données aujourd’hui.

C’est précisément dans cette manne scientifique que les chercheurs croient avoir trouvé des traces d’une immense réserve d’eau souterraine qui aurait persisté jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit sans doute de la preuve la plus solide à ce jour, car les relevés sismiques ont tendance à être moins ambigus que les données radar dans ce cas précis.

Ce qui est intéressant, c’est que ces données indiquent une réserve d’eau bien plus importante que celle potentiellement découverte par Mars Express. Il ne s’agirait pas d’un simple lac souterrain, mais d’un aquifère absolument gigantesqueL’ensemble serait réparti dans des failles et des pores au milieu de la croûte martienne, entre 11,5 et 20 km sous la surface, et pourrait couvrir toute la surface d’un océan de 1 à 2 km de profondeur.

Un trésor potentiel qui restera inaccessible

Pour les chercheurs, c’est une excellente nouvelle. Ce réservoir permettra sans aucun doute de répondre à de nombreuses questions sur l’histoire géologique de la planète. Comprendre le cycle de l’eau martien est essentiel pour comprendre l’évolution du climat, de la surface et de l’intérieur de Mars « , explique Vashan Wright, co-auteur de l’étude. Localiser l’eau et estimer sa quantité constitue un point de départ très utile dans ce contexte. »

Mais cette découverte ouvre également une autre perspective, encore plus enthousiasmante. L’eau liquide étant intimement liée à la vie telle que nous la connaissons, Un tel réservoir est très prometteur dans la recherche de vie sur Mars.Il est tout à fait possible que cet aquifère géant contienne des biosignatures associées à des formes de vie anciennes, voire à des micro-organismes ayant survécu jusqu’à nos jours, protégés des radiations par plusieurs kilomètres de roche.

Malheureusement, cette hypothèse risque d’être extrêmement difficile à tester. En effet, forer la croûte terrestre sur une telle distance n’est pas une sinécure. Même sur Terre, le forage le plus profond dépasse à peine les douze kilomètres, et reproduire ce genre d’opération sur Mars serait exponentiellement plus difficile. Il faudrait déployer des équipements extrêmement lourds et sophistiqués, bien au-delà de ce dont nous sommes capables aujourd’hui en termes de logistique – sans parler du coût exorbitant d’une telle opération. Il faudra donc attendre très, très longtemps avant de pouvoir espérer obtenir des échantillons de cette nappe phréatique géante.

La persévérance mène toujours la charge

Pour l’instant, notre meilleur espoir de trouver des traces de vie sur Mars, en supposant qu’il y en ait jamais eu, reste incarné par Persévérance — et il se pourrait même qu’il ait déjà mis la main sur de telles preuves. Fin juillet, le rover a prélevé un échantillon d’une roche exceptionnellement prometteuse qui présentait simultanément trois indices très encourageants.

Il sera très intéressant de voir si cet échantillon contient effectivement les biosignatures tant attendues. Malheureusement, il faudra ici encore être patient. Pour rendre un verdict, il faudra attendre le retour de Retour d’échantillons de MarsLa mission très ambitieuse par laquelle la NASA va tenter de récupérer ces tubes de roche et de poussière. Pour l’heure, elle est prévue pour 2031 – mais elle sera probablement retardée, plusieurs rapports accablants ayant fustigé les préparatifs ô combien chaotiques de la mission. Il ne nous restera donc d’autre choix que d’attendre patiemment la nouvelle feuille de route que la NASA devrait présenter dans quelques semaines.

Le texte de l’étude est disponible ici.

🟣 Pour ne rien rater de l’actualité du Journal du Geek, abonnez-vous sur Google News. Et si vous nous aimez, nous vous proposons une newsletter tous les matins.