PORTRAIT- Après des débuts difficiles dans le métier et plusieurs films où il explorait déjà le sexe et la marginalité, le cinéaste américain indépendant de 53 ans vient d’être reconnu à Cannes.
Un juré américain ne quitte jamais la table des délibérations tant qu’il n’est pas assuré qu’un Américain remporte un prix. Un juré français n’en sort jamais avant d’être sûr qu’aucun Français n’en sort avec une distinction. Nous avons reçu cette blague de Vincent Lindon. Une chose est sûre, la présidente du jury, l’Américaine Greta Gerwig, n’a pas hésité à décerner la Palme d’or à son compatriote Sean Baker. Elle n’est pas la première. Tarantino l’a donné à Michael Moore pour Farenheit 9/11 en 2004 et de Robert de Niro à Terence Malick pour L’arbre de la vie en 2011. Nous n’en tiendrons pas rigueur à Greta Gerwig ou à son jury car Anora enthousiasmé les festivaliers.
Sean Baker, 53 ans, n’est pas le cinéaste indépendant américain le plus connu. Il n’a pas la notoriété de James Gray ou de Jeff Nichols. Au contraire, il a pas mal ramé avant cette consécration cannoise. Son nom va désormais résonner partout après la Palme d’or décernée à un film quasiment inclassable tant il parvient à réunir tous les genres (thriller, satire, burlesque) dans une grande fuite en avant, des bidonvilles de Brooklyn aux villas. luxe. Anora ça ne ressemble à rien d’autre qu’à un remake de Une jolie femme par les frères Coen ou Safdie.
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Goût pour les marginalisés
Sean Baker était presque déçu suite à la présentation deAnora à Cannes. Cette rencontre entre une prostituée new-yorkaise et le fils d’un oligarque russe n’a pas créé de polémique. Il voulait que cela divise, il mettait tout le monde d’accord. Les critiques aiment le jury. Il ne recule pas devant son plaisir ce soir et consacre sa palme « à toutes les travailleuses du sexe, passées, présentes et futures. »
Dans son discours, il fait également l’éloge du cinéma, alors qu’il s’est révélé avec un film entièrement tourné avec un iPhone, Tangerine, en 2015. Remarqué aux festivals de Sundance et de Deauville, cet OVNI suit le parcours de deux prostituées transgenres au cours d’une journée à Los Angeles. Son prochain film, Le projet Floridesur une gamine et sa mère vivant dans un motel miteux près de Disney World, confirme son goût pour les marginaux et les castings sauvages – hormis Willem Dafoe, il recrute ses acteurs sur Instagram ou au supermarché.
Excès de toutes sortes
Le sexe et sa marchandisation sont le grand sujet de Sean Baker. En 2021, en Fusée rougesa première sélection à Cannes, il met en scène une star du porno interprétée par Simon Rex. Anora, elle est interprétée par l’actrice Mikey Madison. Elle n’aurait pas volé un prix d’acteur. L’actrice de 25 ans, vue dans Il était une fois à Hollywood Et Crier, formé à la pole dance pendant trois mois. Mais sa performance n’est pas seulement acrobatique. Elle incarne avec une intensité folle cette Anora bien décidée à prendre sa part du rêve américain, quitte à se marier à Las Vegas avec un fils à papa russe, un adolescent irresponsable et débile. Un mariage qui va provoquer la colère des parents en voyage à Moscou et l’intrusion d’un trio de sbires aux allures de bras cassés.
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Sean Baker a parlé de son désir précoce de cinéma et de ses études à l’Université de New York. Son entrée dans la profession est contrariée par des excès en tous genres et une addiction à l’héroïne. « J’ai perdu beaucoup de temps, explique-t-il à l’AFP. C’est pourquoi quand on regarde mes homologues, ils ont dix ans de moins que moi. J’ai traversé des moments difficiles. » Sean Baker a gravi les échelons en montant des vidéos de mariage et des films d’entreprise avant de réaliser ses premiers films de fiction. A Cannes, il atteint les sommets. Anora dispose déjà d’un prestigieux distributeur américain, le studio indépendant Neon, qui a distribué les quatre dernières Palmes d’Or aux Etats-Unis dont Anatomie d’une chute, de Justine Triet. Autour’Anora pour conquérir le monde.