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Sciences Po, La Sorbonne… Pourquoi les mobilisations étudiantes pour Gaza ne sont pas très surprenantes

Photo d'illustration prise à Sciences Po Lyon, le 2 mai 2024.
JEFF PACHOUD / AFP Photo d’illustration prise à Sciences Po Lyon, le 2 mai 2024.

JEFF PACHOUD / AFP

Photo d’illustration prise à Sciences Po Lyon, le 2 mai 2024.

POLITIQUE – Pour la deuxième fois en moins de dix jours, la police est intervenue ce vendredi 3 mai dans l’enceinte de Sciences Po Paris pour déloger quelques dizaines d’étudiants pro-palestiniens qui occupaient les locaux. Ceci, alors que le mouvement touche certains autres sites universitaires, comme la Sorbonne, le campus de l’ENS à Paris ou encore les écoles de journalisme.

Comparée à l’échelle américaine où les campus d’une quarantaine d’universités connaissent une vague de mobilisation, avec des interventions musclées de la police, la situation en France reste mesurée en dehors des campus de Sciences Po à Paris et en région.

L’exécutif affiche cependant son « fermeté ». « Il n’y aura jamais de droit au blocus et jamais de tolérance face à l’action d’une minorité active, dangereuse, qui cherche à imposer ses règles, une idéologie d’outre-atlantique, à nos élèves et à nos professeurs. » a lancé le Premier ministre en déplacement à Pirou (Manche) le 27 avril. Gabriel Attal suit de près le dossier et a « a demandé l’intervention (de la police, NDLR) dès que l’administrateur provisoire a été réquisitionné » de Sciences Po Paris, a précisé Matignon le 3 mai, pour mettre fin à la nouvelle séquence de blocage.

Avant Gaza, le Vietnam (et pas seulement aux Etats-Unis)

En fait, voir des étudiants se mobiliser dans un contexte de conflit international n’a rien de nouveau. Proche HuffPost Robi Morder, président du GERME (Groupe d’études et de recherches sur les mouvements étudiants), et chercheur associé au Laboratoire Printemps, revient sur les mobilisations contre le fascisme dans l’entre-deux-guerres mais surtout celles contre la guerre du Vietnam (1955-1975).

En mars 1968, les étudiants occupent la faculté de Nanterre et lancent le « Mouvement du 22 mars « , UN « détonateur » de mai 1968, pour l’historienne Michelle Zancarini-Fournel. Les exigences de l’époque sont diverses mais « la première a été la libération d’un militant du Comité Vietnam (CVN) arrêté quelques jours auparavant »a expliqué l’historien à Monde en 2018.

Impossible également de ne pas évoquer la guerre d’Algérie et la grande manifestation lancée par l’Unef le 27 octobre 1960. Avec cependant une différence de taille : la France était alors directement concernée, ce qui n’est pas le cas dans le conflit israélo-palestinien. Par ailleurs, la suppression du sursis militaire (arrêté du 11 août 1959) qui concernait les étudiants, susceptibles d’être envoyés sur les champs de bataille, fournit un motif supplémentaire de rassemblement dans les années 1960.

« La mobilisation étudiante sur les conflits internationaux n’a rien de nouveau. Mais il faut à chaque fois se demander pourquoi cela se fait sur certains conflits et pas sur d’autres. résume Robi Morder.

La lutte contre le colonialisme, un élément mobilisateur

Si la mobilisation étudiante pour la guerre d’Algérie n’est pas tout à fait comparable à celle pour la cause palestinienne, il existe cependant un point commun : la lutte contre le colonialisme, français pour l’Algérie des années 1950, israélien pour le conflit actuel au Moyen-Orient. Fin 2023, l’ONG israélienne PeaceNow recensait environ 146 colonies israéliennes officielles en Cisjordanie, auxquelles s’ajoutent au moins autant de colonies non reconnues par l’administration israélienne. Cela constitue une violation totale des dizaines de résolutions adoptées à l’ONU depuis la fin de la guerre des Six Jours.

messages « colon un jour, colon toujours » ont ainsi été tagués sur certains établissements alors que ce vendredi, le syndicat des lycées USL a appelé à « mobilisation au sein des établissements pour un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, la reconnaissance de l’Etat palestinien et la fin de la colonisation » .

La lutte contre le colonialisme agit comme un « phénomène d’identification »décrypte Robi Morder. « Il est évident que tout combat anticolonialiste qui apparaît comme tel est susceptible d’intéresser de nombreux étudiants qui sont, pour des raisons d’origine ou d’opinion, attachés à cette question. » Et de citer, en contre-exemple, le cas de la guerre en Ukraine où cet aspect ne s’est pas imposé, du fait de la proximité territoriale d’une part mais aussi de la représentation dans l’imaginaire collectif de la colonisation : contre les peuples. « de couleur ou de religion différente »ce qui n’est pas le cas en Ukraine.

Un « mouvement de cœur » pour « les écrasés »

« La population étudiante a toujours fait preuve d’un effusion de cœur et toujours pour ceux qui sont écrasés, rarement pour les autoritaires », L’avocat pénaliste Henri Leclerc abonde sur France Inter. « Ce qui se passe à Gaza est quelque chose de choquant. Personne ne conteste que le 7 octobre est une horreur absolue, que c’est un acte barbare (…) mais la réponse donnée est épouvantable”a affirmé le président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme sur France Inter, évoquant une « mouvement du cœur ».

Au-delà de la seule lutte contre la politique de colonisation, Robi Morder met également en avant un « spécificité » de Sciences Po où, de par son statut d’institut d’études politiques, le conflit israélo-palestinien et ses répercussions font partie des thématiques étudiées. « Les étudiants y sont donc particulièrement sensibles »observe le spécialiste et les opérations de communication ou de sensibilisation menées par les étudiants des pays cobelligérants ont plus de résonance.

Cependant, contrairement aux États-Unis où les revendications remettent directement en question la politique de Joe Biden à l’égard d’Israël, en France elles ne restent pas limitées au secteur de l’enseignement supérieur. Ainsi à Sciences Po Paris, le blocus de l’institut a été levé dans la soirée du jeudi 2 mai et une dizaine d’étudiants ont entamé une grève de la faim après que la direction a refusé de lancer une enquête interne pour examiner les partenariats entre l’école parisienne et des établissements israéliens.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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