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Scènes de chaos, invasion du Parlement… Les manifestations au Kenya contre la hausse de la TVA ont fait plusieurs victimes

RAPPORTS – La journée de mobilisation des jeunes à Nairobi a donné lieu à de violents affrontements avec la police. L’armée a été déployée et le président Ruto devrait prendre la parole en fin de journée.

À Nairobi (Kenya)

Des milliers de jeunes sont descendus mardi dans les rues du centre-ville de Nairobi pour clamer leur colère contre le coût de la vie élevé et la décision du gouvernement d’augmenter la TVA sur plusieurs produits de première nécessité. Vêtus de noir, arborant des drapeaux kenyans et des pancartes provocatrices, ils scandent des slogans contre le président William Ruto et sa controversée loi de finances.

Florence, 24 ans, brandit une pancarte accusant Ruto d’être un voleur : «  Je n’ai pas de travail depuis quatre ans, je ne gagne pas d’argent, je souffre déjà, mais tous les prix vont augmenter, ce n’est pas juste ! » Les jeunes sont les premières victimes de la hausse des prix, puisque plus de 30 % sont touchés par le chômage. Alors que les manifestations au Kenya sont généralement dirigées par le parti d’opposition, celui-ci se distingue par sa jeunesse, son caractère apolitique et, jusqu’à cette semaine, son pacifisme. Le mouvement, baptisé Occupy Parliament, s’est rapidement structuré sur les réseaux sociaux.

Nairobi, Kenya.
Le Figaro

 » Ruto doit partir, j’ai voté pour lui, mais il nous a trahis, nous ne voulons ni de sa loi ni de son gouvernement. Aucun politicien ne nous soutient, c’est seulement nous, la jeunesse kenyane, qui devons lutter « , s’écrie James, un étudiant de 22 ans.

Le Parlement envahi

A midi, cette ambiance déjà animée a rapidement laissé place à des déferlements de violence alors que le texte venait d’être voté. Tandis que la police faisait usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau, certains manifestants ont réussi à pénétrer dans le Parlement, saccageant et incendiant une partie des locaux.

La réaction policière s’est ensuite fait plus brutale, avec de nombreux coups de feu retentissant dans le centre de la capitale. Le bilan humain pourrait être lourd, avec déjà à déplorer cinq morts et des centaines de blessés. Les associations de défense des droits de l’homme font également état de vingt-quatre enlèvements de dirigeants présumés depuis la veille et de plus d’une cinquantaine d’arrestations lors de la manifestation. L’armée a été déployée et le président kenyan William Ruto pourrait s’adresser au pays plus tard dans la journée pour annoncer des mesures d’urgence.

L’ampleur des protestations a surpris le gouvernement, et certaines des mesures les plus controversées ont déjà été supprimées du texte. Il s’agit notamment des taxes sur le pain, les serviettes hygiéniques, l’huile de cuisson, le sucre, les voitures et les paiements mobiles. Des concessions jugées insuffisantes par les manifestants.

Un budget sous pression

Ces mesures sur les produits de consommation de base sont particulièrement critiquées dans un contexte d’inflation persistante, à 5,1% sur un an, selon la Banque centrale kenyane. Le président Ruto, élu en 2022 sur la promesse d’aider les plus pauvres, s’est déjà aliéné une partie de la population en ayant augmenté l’impôt sur le revenu et les cotisations santé et doublé la TVA sur l’essence.

Tiraillé entre ses impératifs budgétaires et la pression de la rue, le président Ruto envisage de lever 2,18 milliards d’euros supplémentaires via la loi de finances afin d’assainir les comptes du pays. Elle s’attend ainsi à un déficit budgétaire de 3,3% du PIB, contre 5,7% pour l’exercice en cours.

Le chef de l’Etat a hérité d’une dette colossale de ses prédécesseurs tandis que le shilling kenyan a subi une forte dépréciation. Il cherche désormais à réduire sa dépendance aux emprunts pour joindre les deux bouts. La dette publique s’élève à 76 milliards d’euros – soit un peu plus de 70 % du PIB – tandis que le service de la dette s’élèvera à 7,2 milliards d’euros au cours du prochain exercice budgétaire. De quoi absorber plus de la moitié des recettes fiscales.

Le Kenya est sous un programme du Fonds monétaire international (FMI) depuis 2021. Lequel conditionne son aide à une hausse des impôts et à de sérieuses réformes fiscales, constatant que le pays ne prélève pas suffisamment d’impôts.

Mais les manifestants se montrent peu sensibles à ces arguments budgétaires. Le FMI apparaît clairement comme la plume cachée de cette loi de finances.  » Nous ne sommes pas les rats de laboratoire du FMI « , peut-on lire sur un panneau.

Certains soutiennent qu’il vaudrait mieux que le Kenya fasse faillite plutôt que de se soumettre à ces mesures fiscales drastiques. Ils critiquent la mauvaise gestion de l’État, les coûts croissants de la classe politique et la corruption qui affecte le pays, citant des exemples de scandales en cours, notamment une affaire d’emplois fictifs à grande échelle. «  Ruto et son gouvernement n’ont pas la légitimité pour nous imposer ces nouvelles taxes. Nous ne leur faisons pas confiance « , James se met en colère.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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