Bourse Entreprise

Scénario Cac 40 : le canal haussier mis à l’épreuve par les banques centrales

Alors qu’il était déjà secoué par l’actualité politique française, le CAC 40 a souffert, en juillet, de la volatilité liée à la Banque du Japon et à la Fed.

Il semble bien loin le début marqué de la correction du CAC 40, liée à l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République… Une annonce qui a vu l’écart entre les taux de référence à 10 ans de la France et de l’Allemagne (« spread OAT-Bund ») passer de 0,50% à 0,85% en quelques jours, et le CAC 40 corriger plus fortement que ses voisins européens comme le Dax 30 allemand ou le FTSE MIB italien. Actuellement, le spread est à 0,73%.

La saison des résultats s’est ensuite ouverte avec pas mal de résultats inférieurs aux attentes et quelques projections prudentes. La correction des valeurs de luxe depuis quelques mois, même pour les plus fortes, pèse également sur l’indice, et elle intervient dans un environnement où la visibilité économique sur la Chine reste limitée. Mais il semble désormais que l’essentiel de la correction se soit transmis à ces valeurs de luxe, certains multiples de valorisation étant devenus plus raisonnables qu’en début d’année.

Après le stress politique et la saison des résultats, ce sont les banques centrales qui sont venues porter le coup de grâce au CAC 40. Pas la BCE, non, mais la Banque du Japon et la Réserve fédérale.

Tout a commencé le 31 juillet lorsque la Banque du Japon a annoncé, alors que le consensus ne l’attendait pas, une nouvelle hausse de taux de 25 points de base. Pour rappel, elle avait déjà procédé à une première hausse de 10 points de base quelques mois plus tôt pour envoyer des signes d’un début de changement dans sa politique monétaire ultra-accommodante. Il faut rappeler que le taux principal de la Banque du Japon était encore négatif en début d’année à -0,10% alors que la fourchette de taux de la Fed était de 5,25%-5,50% ! Un écart majeur qui a favorisé l’affaiblissement du yen face au dollar et encouragé les opérations spéculatives de « carry trade ».

La Banque du Japon avait donc procédé à une première hausse de taux au premier semestre pour limiter la chute du yen, sachant par ailleurs qu’elle était intervenue à quelques reprises sur le marché des changes directement, le tout dans un contexte où l’inflation au Japon et la hausse des salaires permettaient à la Banque du Japon de changer sa position ultra-accommodante. C’est dans ce contexte qu’elle a procédé à une deuxième hausse de taux alors que le marché s’attendait plutôt à un mouvement à la rentrée.

Cette décision de la BoJ a catalysé le dénouement des opérations de carry trade, entraînant une chute des indices, dont le CAC 40.

Mais la Réserve fédérale et Jerome Powell ont également contribué à la volatilité de ces derniers jours.

L’abondance d’informations communiquées par Jerome Powell a surpris certains observateurs, notamment lorsqu’il a parlé sans détour des risques d’un atterrissage brutal. Non pas qu’il anticipe réellement un atterrissage brutal de l’économie, sinon les taux auraient déjà été abaissés, mais le fait d’aborder ce risque alors qu’il a jusqu’ici décrit l’économie et l’emploi comme « solide « , montre peut-être que des inquiétudes sous-jacentes concernant la croissance émergent au sein de l’institution.

Les risques perçus au sein de la Fed sont désormais beaucoup plus équilibrés : alors que l’inflation était jusqu’à présent la principale préoccupation de la Fed, Jerome Powell a expliqué hier que « Les risques liés au mandat d’emploi sont désormais réels « .

Et lorsqu’on l’interroge sur la possibilité d’une baisse des taux de 0,50% au lieu de 0,25%, il répond que cette hypothèse n’est pas retenue » pour l’instant « .

Même s’il a rappelé que la Fed restait dépendante des données économiques pour prendre ses décisions, il a clairement désigné la réunion de septembre pour une première baisse des taux. Allant même plus loin en expliquant sans détour que des discussions avaient même eu lieu au sein du comité pour une première baisse des taux… dès juillet !

Le ton étonnamment doux, voire quelque peu craintif, de Jerome Powell sur l’économie a ajouté de l’huile sur le feu dans un marché déjà sous tension.

C’est dans ce contexte que le Cac 40 est venu chercher le fond du canal haussier, dans lequel il évolue depuis 2020, à proximité des 7 000 points. L’une des raisons de la faiblesse du Cac 40, citée plus haut, est toujours celle de la demande intérieure chinoise, qui freine la dynamique de certaines valeurs françaises et plus généralement européennes, dont celles du luxe. Même si ces signaux sont faibles pour l’instant, on observe une petite reprise de l’inflation dans le pays, qu’il faut voir de manière positive car la Chine a connu une période de déflation en 2023. Un rebond modéré des prix pourrait survenir en parallèle d’un rebond de la demande intérieure, qui favoriserait les importations. Et, à ce propos, les derniers chiffres de la balance commerciale chinoise ont montré un rebond des importations plus important que prévu. Sans compter celui du PMI des services entre juin et juillet.

Enfin, il y a le petit rebond des obligations à haut rendement en Chine, le compartiment obligataire le plus risqué, celui exposé à l’immobilier. Alors que les actions chinoises sont en baisse, on observe une divergence avec la trajectoire des obligations à haut rendement… Une divergence positive dans les mois à venir pour les actions chinoises ? Et plus généralement pour les actions françaises exposées à la Chine ?

Le Cac 40 a corrigé plus fortement que je ne le pensais initialement, mais l’analyse macro/marché ne pointe pas vers un scénario où l’indice aurait formé un pic de long terme au-dessus de 8 200 points avant d’entrer dans plusieurs années de « bear market » comme lors de la bulle internet ou de la crise des subprimes. Il a déjà connu deux fortes corrections en 2020 et 2022 et les multiples de valorisation sont revenus à des niveaux normaux.

Le risque pourrait venir d’une poursuite de la correction sur les marchés américains et d’une faiblesse temporaire de l’économie outre-Atlantique, ce qui prolongerait un peu la pression sur l’indice français, mais le début des baisses de taux de la BCE et quelques signaux un peu moins négatifs sur l’Allemagne n’offrent pas de fondement à un scénario catastrophe.

Le scénario de canal haussier en place depuis 2020 semble encore avoir des arguments en sa faveur et toute sortie par le bas de ce canal pourrait davantage s’apparenter à un « bear trap » (c’est à dire un mouvement de cassure à la baisse mais suivi d’un retour relativement rapide au dessus de la zone de cassure) qu’à un mouvement de baisse durable.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
Bouton retour en haut de la page