Scandale des eaux minérales : le Sénat augmente le taux de TVA de 5,5 à 20% sur l’eau en bouteille plastique
C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. « Fin janvier 2024, Le Monde et Radio France révélaient qu’une grande partie des eaux vendues sous le label minérale naturelle ou de source subissait des traitements d’épuration similaires à ceux utilisés pour l’eau du robinet. » Raphaël Daubet, sénateur du groupe RDSE du Lot, rappelle les révélations qui ont ébranlé le géant Nestlé Waters (Perrier, Vittel, Contrex et Hépar).
Un amendement adopté contre l’avis du gouvernement
Face à ce scandale, les sénateurs ont adopté à main levée, dans la nuit de mercredi à jeudi, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances (PLF) 2025, un amendement prévoyant une augmentation du taux de TVA sur l’eau en bouteille plastique à partir de 5,5 à 20%. Si le rapporteur général du budget, le sénateur LR Jean-François Husson, a donné un avis favorable, le ministre des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, s’y est opposé.
Cette affaire des eaux minérales est dans le viseur des sénateurs. Après une mission d’information, dont la rapporteure, la sénatrice écologiste Antoinette Guhl, a déjà rendu ses conclusions, le groupe PS a lancé une commission d’enquête sur le sujet.
« Enjeux environnementaux, sanitaires et sociaux »
« Cet amendement visant à supprimer la TVA réduite sur l’eau en bouteille plastique répond à des préoccupations environnementales, sanitaires et sociales », a défendu la sénatrice Renaissance Nadège Havet, auteure de l’amendement qui a été adopté. Son objet souligne que « l’impact carbone de l’eau en bouteille est considérablement plus élevé que celui de l’eau du robinet, avec des émissions 2 023 fois supérieures par litre ». Raphaël Daubet, qui défendait un amendement similaire, ajoute un autre argument :
La mesure rapportera au moins « 150 millions d’euros » à l’État « et son rendement est probablement beaucoup plus élevé », affirme Nadège Havet, qui propose que les nouvelles recettes « servent à réduire le déficit à hauteur de 5 % », « que 100 millions d’euros » soient alloués au soutien financier des élus pour la rénovation des écoles en complétant le fonds vert » et que « 37 millions soient alloués à l’aide au développement ».
« Le scandale Nestlé Waters »
« Un rapport de l’Inspection générale des finances estime que ce taux réduit a un impact sur les finances publiques compris entre 200 et 300 millions de baisse de recettes pour l’Etat », ajoute le sénateur PS de Gironde, Hervé Gillé, qui a également défendu un amendement similaire. Il pointe à son tour « le scandale Nestlé Waters », qui devrait conduire à « repenser cette politique fiscale » dans « un contexte où la question de la gestion des ressources naturelles et de la responsabilité des entreprises est au cœur des débats ». Il souligne également que « les eaux de source et minérales sont principalement consommées par les familles aisées ». Pour Hervé Gillé, « le produit pourrait être réaffecté à la politique de l’eau et à la protection des bassins versants, particulièrement nécessiteux ».
« La TVA n’est pas un outil fiscal comportemental. Vous avez régulièrement des rapports de la Cour des comptes qui le précisent », a fait valoir le ministre, estimant que « la TVA n’est pas le bon outil en la matière ».
« Il y a des urgences concernant la protection des bassins versants, qui ont besoin de moyens »
Un bref avis qui a déplu au sénateur socialiste. « Dans le contexte actuel, nous avons encore une nouvelle recette qui est significative », a souligné le sénateur girondin, avant d’ajouter : « Vous prenez 130 millions d’euros au trésor des agences de l’eau, vous n’arrivez pas à financer le plan de l’eau. Et il y a des urgences concernant la protection des bassins versants, qui ont besoin de moyens », s’interroge Hervé Gillé. Alors qu’« un grand plan d’eau est programmé en priorité, comme a pu le dire le Premier ministre, cela me paraît incohérent », dénonce le socialiste.
Les géants de l’agroalimentaire, tout comme les consommateurs d’eau minérale, n’auront peut-être aucune crainte du sort finalement réservé à cet amendement. Dans le cadre du très probable recours au 49.3, à l’issue de la procédure parlementaire d’examen de ce PLF, le gouvernement pourra retenir les amendements de son choix dans le texte final.