Son intervention auprès du vestiaire de Weed avait été l’un des moteurs de l’improbable suite de la saison 2015. Dix ans plus tard, alors que le SM Caen se retrouve dans une situation comparable, mais en Ligue 2, Gérard Baglin analyse les maux actuels du Stade Malherbe, et l’incapacité du club à se relancer depuis plusieurs années.
Barrageiste, le SM Caen joue un match crucial dans la course au maintien en Ligue 2, ce vendredi 17 janvier, face à l’AC Ajaccio, premier relégable direct. Les deux équipes restent sur une mauvaise série de quatre défaites consécutives en championnat. Pire, Malherbe n’a pris qu’un point sur 18 depuis mi-novembre et n’a que 15 points au compteur alors même qu’on vient de dépasser la mi-saison.
Ce triste bilan à la sortie des vacances de Noël était exactement le même il y a dix ans, à la différence que le club évoluait dans l’élite ! Avec 15 points à la même date en janvier 2015, Caen était dernier du classement, quelques mois après sa montée en Ligue 1.
A l’époque, malgré la tempête, les dirigeants caennais avaient renouvelé leur confiance à Patrice Garande, et avaient accédé à une demande particulière du coach : que Gérard Baglin, coach des dirigeants d’entreprises, puisse intervenir auprès du groupe et du staff.
Quand ça ne marche pas, dans une équipe de football ou dans une entreprise, c’est souvent parce qu’il y a des non-dits. Gérard a fait en sorte que les joueurs puissent s’exprimer, sans crainte, devant le staff, qu’ils disent tout ce qui leur tenait à cœur à travers plusieurs rencontres, cela les a soulagés.
Patrice Garande, ancien entraîneur du SM Caen (2012-2018)
Suite à ces interventions, Malherbe entame une fantastique et improbable remontée au classement, avec notamment une série de six victoires et un match nul. Au final, Caen tient le coup facilement et termine le championnat à la 13ème place.
Une décennie après cet exploit retentissant, nous sommes allés retrouver Gérard Baglin. Toujours actif à Caen dans son bureau Psynergie, il propose sa propre analyse de la situation actuelle du SMC, et de son incapacité à retrouver la stabilité, et l’élite depuis sa relégation.
Gérard Baglin : « Depuis 2018 et le moment particulier de l’éviction de Jean-François Fortin, il y a une cassure, une blessure morale qui est restée là. Je me souviens que Fortin allait voir les supporters, les employés, et se mettait à pleurer… Il y a tout un tas de choses émotionnelles qui sont restées coincées, une blessure émotionnelle qui doit être cicatrisée. Et ce n’est pas un hasard si l’on voit se succéder des présidents, des entraîneurs, des joueurs, sans qu’il y ait de résultats. Cet événement a beau avoir semé une forme de division ou de désalignement au sein du club, son ADN a été en quelque sorte détruit. Et cela pourrait encore influencer la façon dont il fonctionne aujourd’hui.»
Gérard Baglin : « C’est une hypothèse que je formule et que je vérifie dans beaucoup d’organisations lorsqu’il y a un traumatisme transgénérationnel. On le voit dans les familles quand il y a un conflit qui n’est pas résolu, il se transmet de génération en génération. Et c’est le même chose pour une entreprise, pour un club Tant qu’on ne s’est pas occupé de la cause, le club aura du mal à trouver cette unité car l’argent ne fait pas tout pour rassembler un club, car il l’est. un lieu de passion et d’émotion.
Gérard Baglin : « Les mauvais résultats, la succession des dirigeants, des entraîneurs sont les symptômes d’une cause, d’une blessure originelle. Pour la soigner, cela ne peut se faire que si les dirigeants du présent acceptent de reconnecter les choses du passé ». vu aussi que Fayza Lamari voulait déjeuner avec Jean-François Fortin, ce serait un bon début (Fin novembre, Foot Normand révélait que la mère de Kylian Mbappé avait initié une rencontre avec l’ancien président. Caennais lors de Caen – Rodez, NDLR).
Nous devons reconnaître l’histoire, identifier ses événements traumatisants et les inclure dans un récit positif pour en tirer des leçons. Il faut aussi restaurer la confiance, promouvoir une culture de transparence et d’harmonie au sein du club. Il faut enfin créer un projet collectif fort, recentrer tous les efforts sur une vision commune qui donne du sens au club, tout en pansant les divisions passées.
Reste à espérer que le SM Caen mette rapidement fin à ses fantômes du passé, car force est de constater que le club est hanté par une certaine malédiction depuis 2018. Evidemment, il est possible de trouver des explications plus terre-à-terre : mauvais décisions, choix inappropriés des joueurs, des managers…
Pourtant, après n’avoir connu que deux entraîneurs en 13 ans, Malherbe en a verrouillé dix en huit ans. Après une époque Fortin qui a duré 16 ans, quatre présidents viennent de se succéder depuis l’éviction des Manchois. Depuis trop d’années, le drakkar SM Caen navigue en eaux troubles, il est grand temps de trouver un cap pour – enfin – voguer vers des lendemains heureux.
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