SANTÉ. Perturbateurs endocriniens : comment les éviter ?
Ils sont partout, ou presque : les perturbateurs endocriniens se cachent dans notre alimentation, dans l’air que nous respirons et dans certains objets du quotidien. Voici comment les débusquer et, si possible, les éviter.
Il s’agit d’un véritable phénomène de santé publique. Depuis la découverte de leurs effets nocifs, de nombreux problèmes de santé ont été attribués aux perturbateurs endocriniens. Le professeur d’endocrinologie Nicolas Chevalier de l’université de Nice-Sophia-Antipolis donne une conférence ce mercredi 16 octobre à Clermont-Ferrand, afin d’en savoir plus sur ces molécules loin d’être inoffensives. La conférence « Perturbateurs endocriniens : coup de pub ou réelle inquiétude ? sera donné en accès libre, à l’amphithéâtre Polydôme à 19h30
« Un perturbateur endocrinien est une molécule totalement extérieure à notre organisme, qui est le plus souvent produite par l’industrie chimique et que nous consommons par notre alimentation, notre eau, notre respiration ou au contact de la peau, notamment via les produits cosmétiques »explique le professeur Chevalier. Ces molécules vont interférer avec notre système endocrinien endogène. « Cela affecte toutes les fonctions endocriniennes possibles. Les plus connus sont les problèmes de reproduction, mais au fil du temps, on s’est rendu compte qu’ils sont également liés aux maladies de la thyroïde, aux problèmes de diabète, à l’obésité et aux troubles neurologiques, notamment chez les jeunes enfants. »
« Le plus connu est probablement le bisphénol-A, il a ému l’opinion publique après la restriction de son usage. Il existe des substituts tout aussi dangereux. »indique Nicolas Chevalier. Mais ce n’est pas tout : « On a les phtalates qui sont des constituants du plastique, on a les perfluorés qui sont ce qu’on appelle des polluants « éternels » puisqu’on n’arrive pas à les éliminer. Ils restent très longtemps dans le sol ou dans l’eau et sont utilisés. notamment comme agent antiadhésif dans l’industrie culinaire ou imperméabilisant sur nos vêtements. Nous avons des dioxines qui sont des déchets de combustion, polybromés ou organochlorés, qui sont principalement des produits industriels qui ont été réglementés, mais pour lesquels nous sommes encore exposés au quotidien. base, malheureusement.
« Ils vont imiter nos hormones endogènes »explique le professeur Chevalier. Les pathologies qui en résultent sont nombreuses : « Cela peut conduire à des tumeurs hormono-dépendantes, comme le cancer du sein, de la prostate, des testicules ou de la thyroïde. Ils peuvent également bloquer les fonctions hormonales endogènes ou interférer avec le système hormonal. Pour les pathologies de la reproduction, on peut citer les malformations de l’appareil reproducteur aussi bien chez les garçons que chez les filles, la non-descente des testicules, la puberté précoce chez les petites filles, la ménopause précoce également, le syndrome des ovaires polykystiques. On voit aussi des pathologies thyroïdiennes qui peuvent avoir un impact pendant la grossesse avec des séquelles neurologiques chez l’enfant ». Du côté métabolique, plus récemment, un lien a été mis en évidence avec la survenue du diabète de type 2 et éventuellement de l’obésité.
« Nous baignons quotidiennement dans une soupe de perturbateurs endocriniens. C’est triste à dire »regrette Nicolas Chevalier. Alimentation, eau, cosmétiques, vêtements, rien n’est épargné dans les produits du quotidien : « Notre alimentation est un gros vecteur de contamination, comparée aux pesticides et aux produits que nous ajoutons à notre alimentation. Il existe des plastiques présents autour des aliments que nous pouvons consommer. Il y a aussi la pollution atmosphérique. Il y a aussi l’eau qui est une source essentielle de contamination. Les eaux sont surveillées par les métropoles, mais parfois des contaminations échappent à cette surveillance. On peut citer par exemple la contamination perfluorée dans la vallée du Rhône au sud de Lyon qui était extrêmement exposée à ces molécules.
Il existe aussi des vecteurs cosmétiques, prévient l’endocrinologue : « Les perturbateurs endocriniens sont capables de traverser notre peau et d’interagir avec notre organisme. On le retrouve dans le maquillage, les crèmes et les produits anti-âge pour la peau. On le retrouve également dans les objets de puériculture : « Tous les jouets en plastique contiendront des perturbateurs endocriniens, ce qui permettra aux jeunes enfants de les mettre plus facilement en bouche. Il peut donc grignoter et manger des niveaux supplémentaires de perturbateurs.
Il est très difficile de ne pas être du tout en contact avec ces molécules. En revanche, on peut limiter notre exposition, indique le professeur : « Il faut essayer de connaître le circuit de fabrication de ce que l’on achète. Les aliments biologiques doivent être privilégiés lorsque cela est possible. Vous devez bien laver et éplucher vos fruits et légumes puisqu’une grande partie des polluants restent dans la peau. Il est préférable de boire de l’eau du robinet plutôt que de l’eau en bouteille plastique, car les bouteilles en plastique contiennent tout un tas de microplastiques qui seront présents. En matière de jouets, privilégiez ceux en bois et, si possible, d’occasion. Lorsque l’objet est déjà utilisé, une partie des produits toxiques a déjà été éliminée. Pour tout ce qui est vestimentaire, préférez le coton et la seconde main. Au quotidien, je recommande de limiter tous les produits ménagers, notamment les parfums de synthèse qui contiendront des molécules extrêmement toxiques. Il vaut mieux revenir aux remèdes de bonne vieille grand-mère : frotter avec du vinaigre blanc, utiliser du bicarbonate pour nettoyer plutôt que d’utiliser tous ces produits qu’on peut avoir quotidiennement dans notre cuisine.
« C’est un véritable problème de santé publique, puisque nous sommes tous exposés. insiste Nicolas Chevalier. Malgré tout, des évolutions positives sont soulignées : « Notre contamination a évolué au fil des décennies. La contamination que nous avons connue au début des années 2000 était bien plus importante qu’aujourd’hui. Cela va dans le bon sens mais il reste encore des molécules à prendre en compte. En effet, de nombreux cas ont été enregistrés :Au global, en termes de coûts de santé publique au niveau européen, il a été estimé à 157 milliards d’euros chaque année pour traiter les pathologies induites par les perturbateurs endocriniens. C’est un fardeau qui n’est pas négligeable. Deux chercheurs ont établi un registre européen des maladies qui identifie chaque année environ 40 000 cas d’obésité infantile, liés à l’exposition au bisphénol-A, ainsi que 12 000 cas de diabète de type 2 chaque année en Europe, liés à l’exposition. aux polluants.