L’Union européenne a demandé à ses membres de retirer du marché plusieurs centaines de médicaments génériques, estimant que leur efficacité avait été mal évaluée. Les agences nationales de santé ont jusqu’à lundi pour se prononcer, tout en veillant à ne pas priver les patients de traitement.
La Commission européenne a demandé fin mai aux États de l’UE de suspendre l’autorisation d’environ 400 médicaments génériques, en leur accordant un délai d’un mois. Il expirera lundi. Les génériques sont des médicaments dont la molécule de base, le principe actif, est tombée dans le domaine public. Leur fabrication n’est donc plus réservée au titulaire de leur brevet.
Leur autorisation suit des règles beaucoup moins strictes qu’un nouveau traitement. Le fabricant de génériques, comme l’israélien Teva ou le français Biogaran, ne doit pas prouver à nouveau leur efficacité clinique ou leur absence de danger. Il lui suffit de démontrer in vitro que le médicament générique libère la même quantité de substance active que son modèle. C’est la « bioéquivalence » et c’est là le problème ici.
Souvent, les fabricants de génériques ne réalisent pas ces tests eux-mêmes. Ils font appel à des sous-traitants, appelés « organismes de recherche sous contrat », des CRO. Cependant, l’autorité européenne de la santé, l’Agence européenne des médicaments (EMA), a découvert que l’un de ces groupes, l’indien Synapse Labs, ne réalisait pas ces tests avec la rigueur requise. « Pour la majorité des traitements testés par Synapse Labs, (…) les données sont manquantes ou insuffisantes pour prouver la bioéquivalence », résumait l’EMA en mars.
Les 400 médicaments ciblés couvrent une large gamme : médicaments anticancéreux, notamment contre la leucémie et le cancer du sein, antidiabétiques, thérapie contre l’infection par le VIH, antiépileptiques, traitement de la schizophrénie, etc.
De nombreux producteurs de génériques ayant recours aux services de Synapse, l’inquiétude ne se limite pas à un seul fabricant de génériques mais concerne tous les principaux acteurs du secteur. Les pays de l’UE sont inégalement touchés, selon les traitements qui y sont autorisés. La France, par exemple, est assez touchée avec 72 médicaments problématiques.
Il n’y a pas de danger immédiat et les autorités sanitaires, tout comme les associations de patients, veillent à ne pas créer la panique. « Il n’y a aucun défaut de fabrication », a insisté Yann Mazens, l’un des dirigeants de France Assos Santé, la principale fédération française d’associations de patients.
Mais « nous sommes confrontés à des produits qui n’ont potentiellement pas la même efficacité car les études ne répondent pas aux normes », a-t-il déclaré. Et si cette moindre efficacité n’est pas prouvée en l’état, elle reste une possibilité et les patients concernés courent donc le risque d’être moins bien soignés, parfois pour des pathologies graves et mortelles.
Les autorités nationales ne vont certainement pas retirer tous ces médicaments du marché lundi. D’abord parce que certains fabricants de ces génériques ont déjà répété des tests et prouvé la bioéquivalence des traitements de la liste. Ensuite et surtout, la Commission européenne a laissé une large marge de manœuvre aux États pour ne pas retirer immédiatement les traitements irremplaçables pour les patients.
« Ces médicaments critiques sont ceux qui auraient des parts de marché importantes ou n’auraient pas d’alternative thérapeutique », a souligné l’agence française du médicament, l’ANSM. Dans ce cas, Bruxelles donne aux Etats jusqu’à deux ans pour retirer définitivement un traitement, dans le cas où des données concluantes n’auraient toujours pas été fournies par le fabricant.
L’ANSM, qui prendra une décision lundi mais ne communiquera pas publiquement dans l’immédiat, se refuse pour l’instant à donner un quelconque ordre de grandeur sur le nombre de retraits immédiats. De même, en Allemagne, autre pays concerné par de nombreuses références de traitements, l’Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux s’est abstenu de tout commentaire.
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