Le groupe de santé Filieris, basé à Decazeville, a recruté début septembre un médecin, connu pour être une figure du mouvement antivax en période de Covid, sans avoir apparemment eu connaissance des prises de position qui l’ont conduit devant la justice en 2022.
L’affaire n’a pas fait grand bruit, mais elle suscite des interrogations. Le 1er septembre 2024, le groupe de santé Filieris (lié au régime minier), implanté à Decazeville, se retrouve sans médecin permanent. L’un d’eux vient de prendre sa retraite, et le second a été victime d’un drame durant l’été. Le 2 septembre, un remplaçant arrive au sein du groupe, pour tenter de faire face au désert médical qui touche le Bassin, et plus largement toutes les zones rurales du pays.
Huit jours plus tard, le poste, qui venait d’être repris, se libère. Les patients sont informés par SMS que tous les rendez-vous en cours sont annulés. Que se passe-t-il ? Le médecin recruté est en fait Denis Agret. S’il se considère comme un « lanceur d’alerte », le médecin est plus connu pour avoir été une figure du mouvement antivax pendant la période du Covid.
À cet égard, il a été condamné, en 2022, à six mois de prison avec sursis pour menaces de mort contre des personnes chargées d’une mission de service public, et s’est vu interdire d’exercer pendant trois ans par le tribunal correctionnel de Montpellier.
En octobre 2023, après un appel, le Conseil national de l’Ordre des médecins s’est prononcé sur son cas et l’a autorisé à reprendre son exercice, en l’absence de preuve d’un état pathologique qui rendrait dangereux l’exercice de sa profession.
« Je suis fatigué de cette situation »
Mais à Decazeville, personne ne semble être au courant de ses positions et de ses convictions.
A tel point qu’au bout d’une semaine, Denis Agret est convoqué par sa hiérarchie pour évoquer ces éléments, visiblement omis lors du recrutement. « Ils m’ont dit qu’il allait y avoir un conflit d’image, qu’avec la campagne de vaccination contre la grippe qui approche, cela pourrait poser problème. »
Le médecin aurait donc décidé de partir de son propre chef, en laissant une note qui expliquerait son départ suite à un désaccord avec la direction. « Je suis fatigué de cette situation. » L’homme, au bord des larmes, martèle qu’il fait simplement son « travail » et ne s’est jamais considéré comme un « antivax ». Selon lui, ce serait même « tout le contraire ».
« Je suis pour la vaccination. Or, et ce n’est pas moi qui le dit, ce sont des études, notamment celle de l’agence du médicament, qui démontrent l’augmentation des cas de myocardites dans la population, et un lien avec les doses de vaccin contre le Covid peut être établi. » Convaincu, Denis Agret procède à l’orientation quasi systématique de ses patients aveyronnais vers une IRM cardiaque.
Des prescriptions qui auraient posé des problèmes aux cardiologues de Rodez. « Apparemment, mes recommandations en ont fait rire certains. C’est assez grave de prendre ça à la légère. » Et justifie son retrait du groupe Filieris par sa condamnation pour menaces de mort contre un membre de l’ARS. « Avec le cumul des peines et ma condamnation avec sursis, je risque trop s’il y a un problème, donc pour le moment je préfère ne plus exercer. »
Un processus de recrutement flou
A la question « qui s’est occupé de votre recrutement ? », Denis Agret est ferme. « Il n’y a pas d’erreur de casting, si c’est ce que vous voulez dire ». Alors que des rumeurs courent sur un recrutement par un cabinet extérieur qui travaille pour Filieris, le médecin confie qu’il s’agit « simplement d’une personne qui est attentive à ce que les citoyens aient accès à un professionnel qui les écoute, quelqu’un qui les soigne. Tout le contraire du gouvernement actuel. Ils comprendront un jour que sans médecin, ils auront du mal à se faire soigner ».
Cette personne, qui selon Denis Agret connaissait un membre de la direction du groupe de santé, les aurait mis en contact, et c’est ainsi que l’embauche s’est déroulée. De son côté, contacté à plusieurs reprises, Filieris n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.