Le géant pharmaceutique français Sanofi brade une centaine de marques vendues sans ordonnance, dont Doliprane. De quoi raviver les craintes d’une pénurie de la molécule la plus vendue en France.
Le numéro cinq mondial de l’industrie pharmaceutique en vend une centaine. Sanofi a décidé de céder Opella, sa filiale de santé grand public, au fonds américain CD&R, pour plus de 15 milliards d’euros.
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Spécialisée dans les produits sans ordonnance et les compléments alimentaires, présente dans une centaine de pays, Opella commercialise des marques très populaires, comme Dulcolax, Lysopaïne, Maalox ou le célèbre Doliprane. «Cette filiale est ce qu’on appelle en économie une vache à lait», explique l’économiste de la santé Frédéric Bizard. « Elle est sans risque, elle garantit des flux financiers annuels supérieurs à 5 milliards d’euros, et offre une rentabilité de 20 % de son résultat opérationnel.
Beaucoup de questions
Si Sanofi vend une activité aussi rentable, c’est pour se recentrer sur des segments à plus forte valeur ajoutée, comme l’oncologie, les maladies infectieuses ou les vaccins. « Ces produits innovants sont encore plus rentables et la plupart des Big Pharma adoptent la même stratégie que celle de Sanofi, encouragées par les plus grands cabinets de conseil. En réalité, ce sont des entreprises à la gestion essentiellement financière, qui se contentent de racheter et de revendre des molécules au plus offrant », résume Frédéric Bizard.
Cette scission soulève de nombreuses questions. Sur le plan social, cela fait craindre des licenciements sur les sites industriels historiques du Doliprane. Les usines de Lisieux, dans le Calvados et de Compiègne, dans l’Oise, produisent chaque année plus de 450 millions de boîtes du médicament le plus vendu en France. « Il devrait y avoir quelques délocalisations, car c’est un produit très facile à développer, qui ne nécessite pas de technologie avancée », prévient l’économiste de la Santé.
La France servie après les autres
C’est pourquoi le ministre français chargé de l’Industrie Marc Ferracci a demandé des engagements à Sanofi et au futur repreneur visant à garantir le « maintien du siège et des centres de décision sur le territoire national » et « l’empreinte industrielle française d’Opella.
Car l’autre enjeu est bien sûr l’approvisionnement du pays en paracétamol, qui a connu des tensions en France durant l’hiver 2022-2023. Pour Frédéric Bizard, la vente d’Opella est « la garantie d’une pénurie accélérée. Nos prix d’achat du Doliprane étant inférieurs aux prix européens et sans comparaison possible avec les prix américains, le marché français sera servi après tous les autres », prédit-il. .
Une telle situation pourrait se produire dans les trois à cinq prochaines années, le temps que Sanofi se débarrasse des 50 % qu’il détient encore dans Opella. L’opération constitue, selon l’économiste, « un très mauvais signal dans un pays où la désertification pharmaceutique ne cesse de s’accélérer ».