Sandrine Collette, prix Goncourt des lycéens, aime « les retours des libraires »
L’auteure, qui vit à La Comelle dans le Morvan, a renoué avec ses racines familiales. Elle nous avait récemment reçus. Pour une interview très sensible, surtout lorsqu’elle affirme être contre la présence du loup, au risque de ne pas se faire d’amis. Mais Sandrine Collette a de fortes convictions.
«Je n’avais pas de journal. J’ai écrit des aventures. Ma grand-mère était à Saint-Léger sous Beuvray. J’allais acheter des blocs de papier avec des lignes bleu très clair. J’ai écrit des histoires sur les dragons et les princes. J’avais 7/8 ans », se souvient Sandrine Collette. Alors qu’elle a grandi à Paris, son visage s’illumine lorsqu’elle évoque ses vacances d’alors, ses séjours réguliers dans le Morvan.
Nous sommes fin octobre, c’est le week-end de la Foire de la Châtaigne à Saint-Léger sous Beuvray. Sandrine Collette nous accueille dans sa maison, à l’intérieur stylé, au pied du Morvan. Pour une interview et une séance photo… Il fait beau. C’est dimanche. Elle revient du marché de l’Etang sur Arroux. Parce que Sandrine Collette adore les marchés. « J’adore les fromages sélectionnés par Thierry Lequin », dit-elle en parlant du marché d’Autun où elle se rend régulièrement le vendredi.
Nous sommes fin octobre, le verdict du Goncourt est tout proche et c’est la tempête qui s’élève autour d’elle, depuis qu’on annonce qu’elle était dans le dernier carré du dernier Goncourt. « Oui, je suis très heureux. Évidemment. À ma maison d’édition aussi. Mais, par miracle, je sais que je n’aurai pas le Goncourt. J’en suis convaincue, c’est Kamel Daoud qui l’aura», murmure-t-elle lors de l’entretien qu’elle nous a accordé. Et comme pour appuyer ses propos, Sandrine Collette ajoute : « J’ai déjà informé ma maison d’édition. Quand le verdict du Goncourt est annoncé, on ne pleure pas ! Victoire ou pas ou ne pleure pas. Elle avait bien aperçu Sandrine Collette. Kamel Daoud a gagné la journée.
Même si le Goncourt fait rêver tous les écrivains, Sandrine Collette tente de garder la tête froide. « Ce qui me plaît, ce sont les retours des libraires. Parce qu’ils savent tout de suite si un livre va marcher ou non. Ils ont un contact direct avec le public. Et j’aime discuter avec eux, connaître leurs opinions.
Fin octobre, Sandrine Collette était sereine. Comme une force tranquille au milieu des vents du Morvan. Même si elle ne le disait pas, elle se doutait qu’au moins un prix reviendrait pour son roman « Madelaine Before Dawn ».
Il a donc reçu, ce jeudi, la consécration d’être élu « Goncourt des Lycéens ». Et un livre qui parle aux jeunes, c’est un joli signe pour l’avenir. Comme une étape dans sa carrière d’écrivain.
Car Sandrine Collette avait déjà connu le succès avec sa précédente publication « Nous étions des loups » qui s’est élevée à 120 000 ventes. C’est ce dont rêvent de nombreux écrivains.
Interrogé sur le loup qui tue les troupeaux en Saône-et-Loire, sa réponse est franche : « La biodiversité ne mérite pas ça. Nous sommes dans une démographie qui ne nous permet plus d’avoir des loups. J’ai des chevaux.
Nous avons cohabité avec les loups de force. Ce n’était pas un choix. Nous l’avons éradiqué. Le loup est très beau aux Etats-Unis sur des centaines de milliers d’hectares, mais pas ici. Nous n’avons pas de place pour le loup. Je sais que je ne me fais pas d’amis en disant ça… »
Sandrine Collette n’a pas peur d’afficher ses convictions. Très sensible, elle ne cache pas ses émotions. Elle est ainsi bouleversée lorsqu’elle parle de son papa bien-aimé décédé trop tôt. Cette sensibilité superficielle transparaît dans ses livres.
Comment en est-elle arrivée à l’écriture ? C’est le calme de sa vie, retrouvé avec son compagnon, qui a aligné les planètes, pour qu’elle retrouve « l’énergie pour écrire » et publier. «J’avais la capacité mentale d’écrire. J’ai commencé en rentrant du travail. J’écris quand il pleut et surtout en hiver.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est avant « Nous étions des loups » qu’elle a écrit « Madelaine avant l’aube » (Jean-Claude Lattès).
Elle avait volontairement reporté l’envoi à son éditeur de « Madelaine avant l’aube »… Elle en parle avec passion pour situer les choses clairement : « Contrairement aux idées reçues, mon livre n’est pas situé. Pas dans le Morvan. C’est la France rurale, il y a 300 ans. L’idée n’était pas de cantonner le livre à une région, ni à une date. Ce n’est pas un Romain historique. C’est une histoire de famille. De domination. Avec autant de thèmes actuels. On peut le dater si on veut. Je parle du grand hiver, en 1709, quand la Seine gelait à Paris, le vin se figeait dans les verres. Mais je ne voulais pas le limiter à 1709. C’est pour moi un conte-roman.
Sa vie, sa percée dans le monde très dur de la littérature, ressemble aussi à un conte. Elle aime sa nouvelle vie. Evidemment pour des titres littéraires dont on sait qu’ils sont très aléatoires. Mais parce qu’on le sent si bien dans le Morvan, au pied du Mont Beuvray, dans cette commune de La Comelle où l’on ne passe pas, mais où l’on vient.
« Quand mon père a repris une maison à La Comelle, je me suis dit « c’est ma maison ! Elle y a élu domicile il y a 11 ans.
A La Comelle, presque tout le monde se connaît. Alors, quand on croise deux retraités profitant des belles journées d’automne, ils connaissent évidemment l’auteur dont le dernier roman est plébiscité depuis sa sortie en août.
« Elle habite en haut de la deuxième rue à droite », nous dit-on. Notre première rencontre avec la romancière a donc eu lieu alors qu’elle était sur une tondeuse autoportée. « Ça me permet de me détendre, car la pression est forte », dit-elle avec un grand sourire.
Elle sourit de sa sélection dans le carré final et de la tempête médiatique qui s’était produite, avec encore et toujours des demandes d’interviews, de rencontres, de tournages… « J’ai même fait envoyer mes relevés de notes à un ancien professeur de fac qui m’a demandé. J’ai pu constater, ce que j’avais oublié, que j’étais bon en biologie. Son agenda depuis octobre se remplit à la vitesse du TGV qu’elle prend pour rejoindre Paris. Parce qu’elle préserve son petit nid à La Comelle. Elle ne reçoit pas d’invités chez elle, mais se réunit ailleurs. Sauf, sauf, à de très rares exceptions près.