Samy Charifi Alaoui, l’ambianceur des cortèges CGT

Perchés sur le toit du camion des cheminots CGT du secteur Paris-Est, derrière les platines, Mike, Hervé, Nicolas et Samy balancent le son et chantent « Vous êtes la CGT ».
Devant eux, une onde humaine dont les corps sont parcourus de vibrations graves ondule, s’entoure et répond « Nous sommes la CGT ». La musique est solaire. Il faut dire qu’il vient tout droit des Antilles. Le remix du zouk Thim Vibes, signé DJ Ludo’vick, accompagné d’une reprise du gimmick « Nous ne sommes pas fatigués », est devenu l’hymne d’une jeunesse qui s’oppose à la réforme des retraites et aux manœuvres de l’exécutif visant à l’imposer.
#demonstration6april #PensionReform #PensionReforms
PAS DE PAUSE, PAS D’ESSOUFFLEMENT ✊
Parce que :
« NOUS SOMMES CGT, VOUS ÊTES CGT 🎶🎵🎤📢✊ NOUS SOMMES CGT, VOUS ÊTES CGT 🎵🎶🎤📢✊ » pic.twitter.com/XNyNsBd3lv— Méchant Cégétiste (@Papalimalima1) 6 avril 2023
« Changer la forme, sans changer le fond »
Signe des temps, après avoir été repérée mi-mars par le média Brut, la vidéo postée sur TikTok, le réseau social préféré des jeunes, s’est hissée dans le top 5 des tendances les plus populaires (contenu massivement partagé). échangé, détourné. Tant de tiktokeurs se sont mis en scène dansant.
Au départ, l’idée était « simplement pour donner envie aux gens de participer à des événements que nous trouvions un peu redondants »mais aussi rompre avec « les images de casse véhiculées », confie Samy, secrétaire général de la CGT des cheminots de Paris-Est. Clair, « changer la forme, sans changer le fond »Pour « réunir le plus de monde possible ». Les textes sont travaillés, accompagnés de sons remixés à la « Sauce CGT ».
Nous sommes même un peu dépassés. La foule se densifie. Et nous recevons de nombreux messages de sympathie de jeunes qui nous demandent comment adhérer à la CGT. » Samy Charifi Alaoui, secrétaire général des cheminots de Paris-Est
A chaque épreuve, ils interagissent tout au long du parcours avec la foule galvanisée. Et il fonctionne. « Nous sommes même un peu dépassés, le conducteur de train s’amuse en Île-de-France sur les lignes de RER E ou B . La foule se densifie. Et nous recevons de nombreux messages de sympathie de jeunes qui nous demandent comment adhérer à la CGT. Même si certains camarades trouvent que c’est un peu trop carnavalesque, il faut utiliser ce semblant de « notoriété » pour faire passer des messages. Là, on a un public qui veut entendre. »
Présent la semaine dernière au congrès de la CGT à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Samy multiplie également les échanges avec ses camarades venus de toute la France. « Beaucoup d’entre eux me demandent conseil, beaucoup ont cette envie de bousculer notre forme de militantisme, qui est un peu restreinte, de développer le même concept sur leur territoire, dans leur entreprise »dit le cheminot.
Après avoir « arrêté l’école à 18 ans », il multiplie les boulots jusqu’à ses 26 ans, sans jamais prendre de vacances
Cette volonté de promouvoir la centrale syndicale, il faut sans doute la chercher dans l’histoire de Samy. Celui d’un jeune salarié de Seine-Saint-Denis qui, après avoir« a arrêté l’école à 18 ans », multiplie les boulots jusqu’à ses 26 ans, sans jamais prendre de vacances. Il a été tour à tour ambulancier, technicien de distributeurs automatiques, gérant de magasin de produits orientaux, agent de sécurité, et enfin chauffeur-livreur chez UPS. Il rejoint alors la CGT, mécontent du syndicat majoritaire CFDT. Il s’engage, mais, très vite, il en paie le prix. Quand il est devenu le meilleur pilote de France, le projet était qu’il devienne superviseur, qu’il devienne chef d’équipe. Rapidement, après la cérémonie et la remise d’un blouson Porsche à l’effigie d’UPS, la direction lui aurait fait comprendre que sa promotion n’aurait pas lieu du fait de son appartenance à la CGT.
« On me l’a dit concrètement. Alors, poursuit le syndicaliste , j’ai senti les tensions, les relations se sont rapidement détériorées. Comme je n’avais aucun problème à quitter un emploi et à en obtenir un autre, j’ai démissionné. » Il a donc décidé de rejoindre le secteur public. Il a postulé à la RATP et à la SNCF. Les tests en poche, il s’informe et choisit la SNCF, où travaille son beau-père. Depuis, il n’a jamais quitté ses trains. Fonctionnaire syndical, il s’oblige à rester en cabine au moins deux fois par mois.
Ce mardi, les cinq militants sont allés enregistrer dans un studio juste après la tenue de leur assemblée générale. Si, avec cette starification, Samy et ses amis veulent « développer plein de choses »la lutte contre la réforme des retraites n’est pas terminée.
« Nous devons encore convaincre que le retrait est à portée de main. Le CPE est passé, il est toujours inscrit dans les textes de loi mais il n’est cependant pas appliqué »il explique. « Ce que la loi a fait, la rue peut le défaire. » C’est pourquoi, rappelle-t-il, » on ne perd rien « . Un autre classique des démonstrations.
Grb2