« Sale merde », « Tais-toi ou je t'égorge »… Des victimes racontent leur calvaire
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« Sale merde », « Tais-toi ou je t’égorge »… Des victimes racontent leur calvaire

« Sale merde », « Tais-toi ou je t’égorge »… Des victimes racontent leur calvaire

À la cour d’assises de Paris,

Elles lui ont fait confiance, mais sont tombées dans un piège. Une à une, les quatre victimes d’IB, 27 ans, jugé depuis mercredi par la cour d’assises de Paris, se remémorent douloureusement les événements survenus en novembre et décembre 2022. Âgées entre la vingtaine et la quarantaine, elles ont des profils différents mais semblent avoir été choisies selon des critères physiques précis : elles ne sont pas très fortes, la plupart pas très grandes, permettant ainsi à leur futur agresseur de « voir s’il avait le dessus physiquement », comme il l’a expliqué à la cour.

Ils l’ont tous rencontré sur une application de rencontres, où il s’est présenté sous le pseudonyme « cherche homme blanc soumis dans caves ». Ils se sont rendus chez lui, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Ils sont descendus dans sa cave, persuadés qu’ils se dirigeaient vers une relation sexuelle sans engagement. Et tous racontent le changement. Arrivés au bout du tunnel, au sous-sol, certains ont été insultés, tous menacés de représailles, de mort, avec un couteau, parfois tenu sous la gorge. Deux d’entre eux se souviennent d’un couteau de boucher. Au tribunal, l’accusé, qui a reconnu les quatre agressions, a nié les insultes et menaces homophobes. Mais il n’a pas pu expliquer pourquoi ces hommes, qui ne se connaissaient pas auparavant, auraient tous menti. IB risque la réclusion criminelle à perpétuité.

Un modus operandi répétitif

« Je n’ai pas eu le temps de me retourner, il m’a poussé au sol, je suis tombé, j’étais complètement coincé », raconte Paul*. Ce jour-là, raconte-t-il, il s’est senti acculé par le couteau brandi par son agresseur lorsque ce dernier s’est assis sur lui, l’empêchant de bouger les jambes. Et la violence a « dégénéré », il a tremblé au tribunal. Malgré la lame sous son cou, il a tenté de se défendre : « plus je criais à l’aide, au secours, plus il me frappait au ventre, au cou, à la tête ». « Je vais te tuer, tais-toi », lui a dit son agresseur, a-t-il dit, lui ordonnant de lui donner son téléphone portable. Paul s’est exécuté mais a refusé de lui donner son code. Il a entendu « sors » et a réussi à sortir de la résidence.

Les témoignages suivants étayent la théorie d’un mode opératoire spécifique. Contacter ou se laisser contacter sur un site de rencontre, demander le poids et la taille de la personne à qui l’on parle, puis passer rapidement à l’application Snapchat pour poursuivre la discussion jusqu’au rendez-vous. C’est une fois dans sa cave qu’IB passe à l’acte à quatre reprises en extorquant le téléphone – parfois le portefeuille ou la montre – de ses victimes, armé d’un objet tranchant.

Pour Simon* comme pour Martin*, le passage à Snapchat a contribué à créer un certain sentiment de confiance. Car sur Snapchat, on s’identifie, on a une photo. D’autant plus qu’« il maîtrisait les codes des conversations entre gays sur les applications de rencontre », ajoute Martin. De plus, « il m’a envoyé une vidéo de ses parties intimes en érection », partage Jérôme*.

Pris au piège dans un jeu de confiance

Lorsque Simon se perd en quittant la gare Guy Môquet à Paris pour se rendre au domicile de l’accusé, il est contacté en vidéo par l’homme qui lui avait donné rendez-vous. « Ce qui renforce l’aspect sécuritaire », insiste-t-il devant le tribunal. Un sentiment encore renforcé par les quelques précautions prises par l’accusé : donner l’adresse de son domicile, utiliser des photos et vidéos de lui et de son compte Snapchat personnel. Notamment lorsqu’IB rencontre un voisin et échange quelques mots avec lui, sans révéler de comportement suspect.

Mais une fois encore, tout dérape lorsque la victime parvient au bout de ce long couloir sombre, dont le sol est recouvert de bouteilles en plastique vides, de masques anti-Covid-19 et autres déchets jonchant les pieds de chaises en plastique empilées. Ces chaises seront posées sur le dos des victimes à la fin de l’agression, « dans une forme ultime d’humiliation », observe Simon. Avant d’être enfin libéré de cette emprise, un détail restera gravé dans sa mémoire. Celui du bruit de la lame du couteau contre les tuyaux. Symbole de ce « sentiment de toute-puissance qui me dépasse, de ce côté malsain de jouer à me faire peur, à m’intimider ».

Martin obéit également à son agresseur et se met à genoux. C’est quand IB soulève son tee-shirt qu’il aperçoit une lame de boucher. La peur d’avoir la gorge tranchée le submerge lorsqu’il sent la lame sur le « côté droit de la gorge ». « J’ai cru que j’allais mourir ». « Il me dit ‘ferme ta gueule ou je t’égorge’ », poursuit-il. Martin est formel : il entend « sale gros pédé, sale gros putain de pédé ».

Une méfiance installée

Seul Jérôme a eu un doute, ressentant une certaine pression de la part de l’accusé. Il y est allé quand même, descendant l’escalier qui ne menait pas à un garage comme convenu mais à une cave, alors qu’il avait exprimé sa réticence pour ce genre d’endroit. Aujourd’hui, il pense encore avoir « tort » et a du mal à se débarrasser de ce sentiment de culpabilité.

Assailli par la peur de mourir, « j’ai pensé à ma famille, à mes amis, je me suis dit que personne n’allait me retrouver si on me coupait la gorge là-bas », a-t-il décrit au tribunal, se remémorant « des minutes interminables ». « Je me sentais juste stupide, je pensais que tout allait bien se passer et je me suis retrouvé comme un pauvre animal sans défense », a-t-il ajouté.

En se débattant ou en « essayant de se protéger », comme il se corrige, Paul va finalement se rendre compte une fois dans la rue qu’il était blessé à l’oreille, au dos mais surtout à la main gauche. « Il saignait beaucoup ». Après plusieurs opérations, il n’a plus aucune sensation. Une réalité difficile à accepter quand on joue du piano.

Paul est le seul à avoir des cicatrices physiques, mais tous peinent à se remettre d’un point de vue psychologique. Le plus dur, c’est l’angoisse, la peur des autres, le manque de confiance. Et la reprise d’une vie sexuelle. Si Paul a réussi à renouer avec un nouvel homme, c’est quand même « très compliqué, ça va prendre du temps, confie-t-il avec émotion au tribunal. J’essaie de me reconstruire mais c’est très difficile. S’il (l’accusé) sortait, je déménagerais, je partirais, j’ai encore très peur ».

*Tous les noms des victimes ont été modifiés.

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