Safran, Spirit, Pratt… Quand Airbus est plombé par ses plus gros fournisseurs
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Safran, Spirit, Pratt… Quand Airbus est plombé par ses plus gros fournisseurs

Safran, Spirit, Pratt… Quand Airbus est plombé par ses plus gros fournisseurs

Mi-juillet, lors du salon aéronautique de Farnborough (Royaume-Uni), Christian Scherer, le directeur de l’aviation commerciale d’Airbus, n’a pas hésité à pointer du doigt le groupe de coupables.Tout d’abord, 98% de nos fournisseurs livrent dans les délais.a déclaré le leader, rejetant toute notion de «chaos« . Mais certains de ces goulots d’étranglement proviennent malheureusement de grands fabricants d’équipements, de grandes entreprises dont on s’attendrait à ce qu’elles aient les moyens de résoudre et de dénouer ces nœuds. (…)».

Des retards affectant de nombreux équipements

Quelques jours plus tard, Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, martelait le message : « En 2022, la situation concernait un grand nombre de fournisseurs (…). Désormais, nous sommes confrontés à un nombre limité de problèmes mais qui concernent des fournisseurs plus importants ». Ce qui risque de compliquer sérieusement la forte hausse des cadences de production que l’avionneur européen tente d’impulser depuis 2021. Si le niveau du trafic aérien a retrouvé cette année les niveaux d’avant Covid, l’activité industrielle du secteur aéronautique ne suit pas la même trajectoire. Les défaillances des grands équipementiers pourraient contribuer à retarder le retour au niveau de livraison de 2019, attendu au mieux pour 2026 selon le cabinet de conseil AlixPartners.

Ces retards concernent en premier lieu les moteurs, mais aussi les sièges, les trains d’atterrissage et certaines pièces d’aérostructures. Tous ces éléments sont fournis directement aux chaînes d’assemblage des avionneurs, mais tardent désormais à revenir dans les délais sur les sites d’Airbus malgré les plus de 8 500 commandes d’avions en attente. Après les déclarations des dirigeants d’Airbus cet été, Safran a fait son mea culpa, reconnaissant ses propres difficultés.

Les moteurs en première ligne

Et c’est particulièrement vrai pour le moteur Leap, qui équipe les deux tiers de l’A320neo, fabriqué avec l’américain GE Aerospace au sein de leur société commune CFM International. Alors que 785 moteurs avaient été livrés au premier semestre 2023, seuls 664 l’ont été au 1euh Au premier semestre de cette année, une baisse de 15 %. Sur les sites d’Airbus, les planeurs – des avions sans moteurs – se multiplient. Au second semestre, Safran estime pouvoir livrer entre 900 et 1 000 Leap.

Safran se dit victime de la défaillance du constructeur américain Howmet Aerospace, qui fabrique les pales du corps haute pression du Leap. Le sous-traitant aurait livré trop de pièces non conformes, ralentissant GE Aerospace. Depuis, le patron de Howmet a annoncé dans la presse américaine qu’au contraire sa production augmentait fortement, sans toutefois préciser si elle souffrait de problèmes de conformité. « Safran n’a pas pu nommer son partenaire au sein de CFM, mais je peux vous dire que GE Aerospace est également directement responsable des retards, accompagne un industriel du secteur aéronautique français. L’entreprise américaine ne livre pas les pièces de moteur dont Safran a besoin.

Des normes plus strictes pour les sièges

Les retards de livraison du côté de Safran concernent également le train d’atterrissage de l’A330neo, comme l’avait annoncé le constructeur cet été.Ils s’expliquent par des grèves menées sur des sites canadiens au printemps, mais les retards ont depuis été rattrapés.« , assure l’équipementier. Quant aux retards supplémentaires dans les livraisons de sièges d’avion, ils seraient liés au durcissement des normes de sécurité à respecter sur ces équipements depuis l’incident du Boeing 737 MAX d’Alaska Airlines, survenu le 5 janvier. Chez Safran, l’équipe d’experts en charge du suivi des performances des fournisseurs a été doublée. L’équipementier s’est également mis d’accord avec Airbus sur le niveau de livraisons à assurer en 2025.

Autre groupe impliqué, explicitement cité par Airbus : le motoriste Pratt & Whitney, appartenant au géant RTX (ex-Raytheon Technologies). L’entreprise américaine fournit l’autre moteur équipant l’A320neo, le PW1100G. Or, depuis son entrée en service en 2016, ce système de propulsion à l’architecture spécifique connaît de nombreux problèmes techniques, entre manque de durabilité de certains composants et contamination par des poudres métalliques pour d’autres. De quoi clouer au sol des centaines d’avions dans le monde, pour cause d’inspections, et réduire de facto les capacités de livraison de nouveaux appareils Airbus. Des défaillances qui touchent aussi l’A220.

Vers un démembrement de Spirit entre Boeing et Airbus

Du côté de l’américain Spirit, ces difficultés – connues de longue date – ont été mises en lumière ces derniers mois, contribuant à des problèmes de qualité chez Boeing. Mais le sous-traitant fournit aussi Airbus : il livre notamment des ailes et la section centrale du fuselage de l’A220 via son usine de Belfast (Irlande) ainsi que des sections de fuselage de l’A350 depuis son usine de Kinston (Caroline du Nord, Etats-Unis) et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), en France. La finalisation du rachat de ces sites entre Airbus et Boeing devrait également être annoncée dans les prochaines semaines. Enfin, plusieurs interlocuteurs du secteur aéronautique citent l’américain Honeywell parmi les grands groupes livrant en retard, impactant notamment l’A320.

Si les difficultés de certains grands équipementiers et motoristes ne sont pas nouvelles, Airbus ne peut que constater leur propagation à un plus grand nombre d’acteurs et leur incapacité à les résoudre. Comment expliquer une telle situation ? Les coupes drastiques opérées dans les effectifs aux États-Unis au plus fort de la pandémie ont laissé des traces, entraînant la perte de compétences qui font aujourd’hui cruellement défaut.

« Christian Scherer a passé une grande partie de la pandémie à essayer de persuader les principaux fournisseurs d’Airbus qu’ils devraient se préparer à une ruée inévitable vers les avions lorsque les passagers voleront à nouveau.nous lisons dans un article du Wall Street Journal, publié le 13 août. Ils n’ont pas tenu compte de son avertissement, a-t-il déclaré. « L’inflation sur les prix des matières premières et de l’énergie contribue également à rendre plus acrobatique l’augmentation des cadences de production. La possible sous-estimation des besoins futurs d’Airbus se cache sans doute aussi dans une stratégie délibérément poursuivie par certains équipementiers.

Entre avionneurs et compagnies aériennes, le cœur balance

A savoir : préserver, voire augmenter, les capacités de production afin de pouvoir livrer directement aux compagnies aériennes, répondant à leurs besoins de maintenance et de rénovation, et non aux avionneurs. Une vente de matériel bien plus lucrative que celles réalisées dans le cadre de la première monte.Je ne donnerai pas de chiffre, mais je souhaite pouvoir livrer un certain nombre de moteurs de rechange directement aux compagnies aériennes.affirmait Olivier Andriès, PDG de Safran, en décembre dernier, comme le rapportait à l’époque L’Usine Nouvelle. Nous devrons en effet livrer plus de moteurs de rechange que prévu, notamment pour les entreprises opérant en Inde et dans le Golfe. (en raison d’environnements difficiles, note de l’éditeur).»

Pour surmonter ces difficultés, Airbus a récemment décidé d’augmenter le nombre de ses salariés sur les sites de ses principaux fournisseurs, comme Safran, Honeywell, Pratt & Whitney ou encore CFM International. L’avionneur parviendra-t-il à atteindre les 770 livraisons prévues cette année, contre 735 l’an dernier ? Le groupe subit d’autant plus de pression qu’il avait déjà dû revoir à la baisse ses ambitions en juin dernier, fixées auparavant à 800 appareils.

Une croissance semée d’obstacles

Le calendrier de livraison de l’A320neo, qui représente de loin les plus gros volumes pour le constructeur, a été repoussé : la cadence de 75 A320 par mois qui devait être atteinte en 2026 est désormais attendue pour 2027. En 2022, le groupe pensait atteindre ce niveau dès 2025. L’avionneur devra encore patienter avant de dépasser le pic historique de 2019, avec 863 livraisons cette année-là. Les compagnies aériennes s’impatientent, et certaines pourraient demander des compensations si les retards de livraison se poursuivent.

« Guillaume Faury est rattrapé par son honnêteté« , explique un ancien cadre supérieur d’Airbus, justifiant la chute de plus de 20% du cours de l’action Airbus depuis fin mars. Il ajoute : « Il a joué la carte de la transparence et a dû revoir ses objectifs à la baisse, quand les dirigeants précédents visaient plus bas pour être sûrs de les dépasser. » Si ce bras de fer entre avionneurs et grands fournisseurs n’a finalement rien de nouveau, il prend une intensité particulière à l’heure d’une forte augmentation des cadences de production. Et il prend aussi de court les plus petits, à condition qu’ils respectent effectivement le calendrier industriel établi par Airbus. « Les bons élèves voient leur trésorerie immobilisée et sont parfois obligés d’arrêter les machines« , confie le patron d’un sous-traitant aéronautique. Si le secteur aéronautique relève le nez et profite d’une demande d’avions sans précédent, sa croissance ne se fait pas sans problèmes.

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