Sabah Aib élue, les miss, une affaire au Nord
Plus de 5 000 places vendues en quarante-huit heures, des billets revendus secrètement deux fois leur prix, des voitures de supporters armées de banderoles et de couronnes en plastique… S’ils sont encore si nombreux cette année à affluer au stade couvert de Liévin Assister à l’élection de la nouvelle Miss Nord Pas-de-Calais, le 19 octobre, ce n’est pas seulement encourager sa candidate préférée et profiter du spectacle. Mais aussi et surtout découvrir le visage de celle qui pourrait bien accomplir un exploit : être la cinquième reine du Nord à devenir Miss France en dix ans. Après les sacres successifs de Camille Cerf et Iris Mittenaere en 2015 et 2016, puis celui de Maëva Coucke en 2018, la région a eu l’heureuse surprise de voir une quatrième nordiste sacrée : Ève Gilles, en 2024. Une coïncidence ? Pas vraiment. Avec un tel palmarès, on pourrait plutôt parler de secret des affaires.
Vu l’ampleur de la soirée électorale régionale, on s’attendait à découvrir une grande équipe en action, dans laquelle petites mains et têtes pensantes travaillent ensemble. Mais, en coulisses, il y en a deux (ou presque) : « Will et Anne-So ». Anne-Sophie Sevrette, la déléguée régionale en charge du Nord-Pas-de-Calais pour Miss France, et William Cerf (aucun lien avec Miss 2015), son directeur artistique, forment un duo aussi sympathique que redoutable. Cela fait moins de quatre ans qu’elles ont pris les rênes du comité, mais ces deux passionnées de Miss semblent avoir mis au point la recette du succès.
Elles n’étaient pas aux commandes lorsque Camille, Iris et Maëva ont été élues, mais elles n’étaient pas loin. Anne-Sophie, qui fut Miss Liévin en 2008, à 17 ans, puis Miss Artois-Hainaut, était chorégraphe. Cette jolie blonde à l’accent chaleureux ch’ti et aux faux airs de Sylvie Tellier a participé au concours Miss France en 2009. Elle est repartie sans couronne mais avec le prix Sympathie et le contact de William, coiffeur pour cette élection. Lui aussi est originaire du Nord, lui aussi a une histoire avec les Miss. Il apprend le métier dans les salons de coiffure tenus par sa mère, avant d’être repéré à 15 ans par Geneviève de Fontenay, alors qu’il est stagiaire pour une élection régionale. C’est en coiffant avec brio les cheveux bouclés de Sonia Rolland qu’il a attiré l’attention de la dame au chapeau. William devient adjoint dès l’élection suivante : celle de Sylvie Tellier en décembre 2001.
Depuis, il ne cesse de styliser les candidates Miss France, tout en s’impliquant au sein du comité Miss Nord Pas-de-Calais. C’est là, dans sa région natale, qu’il rencontre Camille, puis Iris et Maëva. Pour cette dernière, le secret de son sacre saute aux yeux : « Son prénom est William, son nom est Cerf. Chaque Miss du Nord élue Miss France le lui doit. Lorsqu’il repère une fille, il identifie son potentiel et sait alors où il veut l’emmener dans la compétition. C’est un visionnaire. » Il a même prédit à son amie Anne-Sophie le sacre d’Iris Mittenaere à Miss Univers, alors qu’ils accompagnaient la toute jeune Miss Flandre 2015.
Professionnaliser l’élection régionale
En 2020, alors que la patronne des Miss, Sylvie Tellier fait le ménage dans les délégations régionales, Anne-Sophie Sevrette est nommée à la tête du comité Miss Nord Pas-de-Calais. Sa mission est de le dépoussiérer et choisit William comme bras droit. Un binôme complice et complémentaire : à elle, la gestion du comité et des relations extérieures ; pour lui, l’artistique et l’image. Photographe et vidéaste pour les portraits des candidats, qu’il a coiffés et maquillés lui-même, il s’occupe également des retouches photos, des réseaux sociaux… La première ambition du duo était de « professionnaliser l’élection régionale ». Il s’agit de concevoir un concours-spectacle vendu aux mairies et aux établissements qui peuvent ainsi élire leur Miss locale. Dix-sept jeunes femmes ont été sacrées en 2024, elles seront vingt l’année prochaine. « Nous sommes partout dans le Nord : avec Miss Lille, Miss Béthune, Miss Arras… Contrairement aux autres délégations qui ne disposent que de deux ou trois élections départementales », explique Anne-Sophie. Si nos filles sont si prêtes lorsqu’elles se présentent à Miss France, c’est parce qu’elles se sont déjà produites localement. » Pour « trouver la perle », le couple est prêt à « visiter toute la région chaque année », explique William, qui garde constamment les yeux ouverts pour repérer une potentielle reine de beauté dans la rue ou à la terrasse d’un café.
Cours de maquillage, stages de mise en scène, conseils de style, initiation aux réseaux sociaux… Les candidats rejoignent un véritable « centre de formation ». Elles sont également soumises à une épreuve de culture générale et à un grand oral, épreuves inspirées des étapes clés de Miss France. Au-delà de cet accompagnement pratique, Anne-Sophie et William s’occupent d’un aspect qui peut tout changer : le moral de leurs protégés. Elles guettent le moment de doute que chacune finit par traverser et qui peut mettre en péril leurs chances de victoire, comme ce fut le cas d’Agathe Cauet, Miss Nord-Pas-de-Calais 2022, arrivée première dauphine au niveau national. en 2023. « Elle a eu peur quelques jours avant les élections. Nous y avons mis tellement de passion qu’elle n’a pas osé nous en parler pour ne pas nous décevoir. Alors que l’année suivante, Eve nous a dit qu’elle se sentait seule, nous avons donc pu lui redonner de l’énergie. » Miss France 2024 confirme l’importance de ce suivi psychologique : « Chaque soir, j’avais Anne-Sophie et William au téléphone pour débriefer la journée ou me vider la tête. Si j’ai été élue Miss France, c’est en partie grâce à elles. »
Dès le premier casting d’Ève Gilles – cheveux courts et silhouette élancée – le duo à la tête du comité Nord Pas-de-Calais avait identifié son potentiel, mais aussi son côté atypique. « Elle avait tout : de l’énergie, du bavardage, de la classe, de la spontanéité… Nous n’avions jamais eu un profil comme le sien. On lui a demandé si elle était prête à accepter le fait qu’elle était différente. »
Déjà, lors de l’élection de Maëva Coucke, Anne-Sophie et William avaient été témoins d’attaques sur sa maigreur et ses cheveux roux. « Les Français n’aiment pas beaucoup le changement en général, et beaucoup ont encore une certaine idée de ce que devrait être une Miss France », estime Ève. Mais on peut bousculer les codes, lentement mais sûrement. » William demande seulement que : « Un de nos rêves serait d’envoyer une fille ronde à Miss France. » La menace de harcèlement sur les réseaux sociaux décourage encore davantage les candidats potentiels. Pourtant, en coulisses, le bien-être est une priorité. Aucune injonction à garder la file, surtout quelques heures avant le lever de rideau.
Sabah Aib était la favorite, elle a été élue à 18 ans
Dans les loges du Stade couvert de Liévin, ce 19 octobre, les candidats, en peignoirs de satin et faux cils, dégustent des beignets. Parce qu’ils sont déjà habitués aux soirées électorales, ils se préparent en toute décontraction, avec Katy Perry en fond. Eve est également là, pour offrir ses derniers conseils. Hormis le risque de balbutier en réponse à la fameuse question que les membres du jury vont poser à chacun, rien ne les inquiète. Pas même le fait que toute la société Miss France ait fait le déplacement pour assister à la plus grande élection régionale, ni même que d’autres comités soient présents, à l’affût de celle qu’ils devront battre le 14 décembre pour être sacrée Miss France 2025.
Sur scène, les candidats présentent un enchaînement de chorégraphies sur des scènes rythmées, avec des changements de tenue toutes les dix minutes. Une émission qui fait office de « mini-concours Miss France ». Dans la salle, les supporters ch’tis jubilent et ne cessent de crier le numéro de leur concurrent favori. Finalement, c’est la numéro 3, Miss Villeneuve-d’Ascq, qui l’a emporté.
A 18 ans, Sabah Aib était la favorite, un choix « évident » pour la présidente du jury, Sylvie Tellier. Ravi de leur nouvelle Miss Nord Pas-de-Calais, William et Anne-Sophie sont confiants alors qu’ils lancent le compte à rebours avant le grand soir. « Nous repartons cette année avec l’espoir de réaliser un doublé, comme avec Camille et Iris. Sabah est une pépite, mais on pourrait mettre des gestes barrières pour empêcher qu’une autre Miss du Nord soit élue… » Pas de quoi décourager la nouvelle reine de beauté, bien décidée à décrocher l’écharpe Miss France 2025 : « Je vais tout mettre les chances de mon côté pour y arriver. » Et ses délégués dévoués n’y seraient pour rien.