« Sa puissance apparaît inégalée dans l’histoire de l’humanité »
« Olaf est un idiot. » Jeudi, le milliardaire américain Elon Musk l’a écrit en allemand (« Olaf ist ein Narr ») sur son réseau social X (anciennement Twitter), réagissant à la perspective de nouvelles élections en Allemagne. La veille, il avait été invité par Donald Trump, tout juste élu, à participer à un entretien téléphonique avec Volodymyr Zelensky, avec qui il semble avoir des contacts réguliers, son groupe ayant fourni des satellites Starlink pour aider les forces ukrainiennes à communiquer malgré les coupures de réseau. . Ces deux faits récents, parmi tant d’autres parce qu’Elon Musk bombarde sa plateforme de messages et aime faire parler de lui, démontrent clairement le rôle qu’il entend jouer non seulement dans son pays mais à l’échelle mondiale.
« Sa puissance, plus que sa puissance, semble inégalée dans l’histoire de l’humanité. Il dispose de ressources économiques, financières, médiatiques et géopolitiques puisqu’il dialogue avec Benyamin Netanyahou, Vladimir Poutine… Son empire industriel couvre des domaines aussi différents et cruciaux que l’automobile, l’espace, l’intelligence artificielle, le numérique. . Par », publié au Seuil.
« Il se projette facilement, dans ses réflexions, à 50 ou 150 ans »
« Transformation physique »
L’homme est crédité d’un tel pouvoir qu’une personne contactée pour cet article, qui le connaît un peu, a préféré ne pas être citée. Voici ce qu’il nous dit du magnat (tycoon, NDLR) : « Je l’ai rencontré à plusieurs reprises entre les années 1990 et le milieu des années 2010. Ce qui m’a frappé, c’est sa transformation physique. Je me souviens d’un être plutôt frêle, presque chauve. Il est passé inaperçu. On sent qu’il s’est construit un charisme, sans doute grâce à une pratique intensive de musculation. Au début, la star de la famille Musk était plutôt son frère Kimbal… L’autre chose frappante, c’est son rapport au temps. Il se projette facilement, dans ses réflexions, dans 50 ou 150 ans. »
Elon Musk est devenu une star du business lorsqu’il a pris le contrôle de Tesla, constructeur américain de voitures électriques, en 2008. Depuis, son succès, sa fortune, ses excentricités, ses excès, ses liens avec Hollywood, notamment sa romance tumultueuse avec l’actrice. Amber Heard, ont alimenté d’innombrables portraits, à tel point que les intrigues de son existence sont connues. L’enfance solitaire et malheureuse en Afrique du Sud, les relations difficiles avec un père ingénieur et promoteur, la passion précoce pour les jeux vidéo et l’informatique, l’exil, à 17 ans, sans le sou, au Canada, de brillantes études d’économie et de physique, le premier coup d’État avec le succès de PayPal, société pionnière du paiement sécurisé sur Internet, qu’il a revendu pour 200 millions de dollars, la création en 2002 de Space X pour développer des véhicules spatiaux allant même jusqu’à conquérir Mars, Tesla, le rachat de Twitter en 2022… L’homme privé fascine aussi les médias. Sa vie amoureuse erratique, ses douze enfants, parfois surnommés « X » ou « Y »…
« Virus réveillé »
Connu pour sa gestion brutale, Elon Musk, aujourd’hui âgé de 53 ans, est devenu le champion des libertariens, un mouvement qui déteste l’État et prône une liberté maximale pour les individus. Plus récemment, il s’est également positionné avec brio sur les questions de société, partant en croisade contre le « wokisme ».
Un épisode très personnel semble être à l’origine de cette cause dont il a fait une priorité : le changement de sexe, à l’âge de 18 ans, de sa fille Vivian Jenna. « Mon fils est mort, tué par le virus réveillé. J’ai juré de détruire ce virus après ça… » a-t-il confié dans une interview au média conservateur « The Daily Wire ».
« Il a transformé X en une arme de propagande d’extrême droite, en permettant aux personnes interdites pour propos haineux d’y revenir »
Petit à petit, l’ancien progressiste, qui a soutenu Hillary Clinton en 2016 puis Joe Biden en 2020, s’est rapproché de la droite radicale. Il n’est pas le seul patron de la Silicon Valley à avoir connu cette évolution. Certains ont apporté publiquement leur soutien à Donald Trump, comme Peter Thiel, co-fondateur de PayPal, dont le futur vice-président JD Vance était un employé. D’autres, comme Jeff Bezos, ont gardé un silence prudent.
« Pendant longtemps, des années 1990 à la fin des années 2010, le développement de la « Vallée » a été aligné sur l’agenda démocrate », note Olivier Alexandre. Bill Clinton et Al Gore ont défendu l’idée selon laquelle les États-Unis devaient jouer un rôle de premier plan dans le nouveau monde numérique et mondialisé d’Internet. Mais dès 2020, l’administration Biden durcit le ton face aux géants du numérique, veut introduire des réglementations contre les monopoles, nomme une forte personnalité, Lina Khan, à la tête de l’agence antitrust américaine… À cela s’ajoutent des mesures économiques. difficultés liées au covid, puis inflation. Nous avons vu les patrons des grandes entreprises technologiques se rassembler autour de Trump. Ils n’aiment pas forcément ça. Mais ils estiment que c’est la moins mauvaise pour leurs intérêts. »
Campagne active
Ces dernières semaines, le tout-puissant Elon Musk a utilisé très activement « sa » plateforme X pour faire campagne pour Donald Trump. « Il a transformé massivement les moyens alloués à la modération », analyse Jen Schradie, sociologue du numérique, auteur de « L’Illusion de la démocratie numérique. Internet est-il de droite ? » (Quanto).
Quel sera le rôle politique, dans les prochains mois, de celui que les médias américains ont surnommé « l’autre vice-président des Etats-Unis » ? Nous parlons de lui qui mène une réforme radicale de l’administration fédérale. Certains doutent de la pérennité de son alliance avec Donald Trump. Pour l’instant, c’est la lune de miel. Les deux hommes affichent volontiers leur proximité. Deux personnalités aussi mégalomanes et imprévisibles parviendront-elles à travailler ensemble dans la durée ? Jusqu’à il y a quelques mois, ils se connaissaient à peine…