Voeu cher à Emmanuel Macron, le Service national universel (SNU) est loin de tenir toutes ses promesses, cinq ans après son lancement.
Dans un rapport publié ce vendredi, la Cour des comptes critique un dispositif qui n’a pas su trouver son public et dont le coût est sous-estimé par les autorités, pour des objectifs « non atteints » et « incertains ». Les Sages énoncent quelques recommandations, à déployer rapidement si l’ambition d’une généralisation devait se concrétiser : clarifier les objectifs du dispositif, créer les conditions d’un suivi budgétaire et structurer un parcours professionnel afin de répondre aux besoins des personnels d’encadrement et de maîtrise.
En janvier dernier, Gabriel Attal, alors Premier ministre, avait annoncé le lancement de « travaux » en vue de généraliser le SNU à toute une tranche d’âge (soit 850.000 jeunes) « à la rentrée 2026 ». Actuellement, le SNU, qui se découpe en trois phases (un séjour de cohésion de 12 jours, une mission d’intérêt général d’au moins 84 heures et une phase d’engagement facultative pouvant aller jusqu’à 12 mois), ne concerne que les volontaires de 15 à 17 ans.
Objectifs non atteints
Le SNU attire un nombre croissant de jeunes depuis 2021, mais le nombre de participants reste en deçà des objectifs qui avaient été fixés annuellement. En 2023, 40.135 jeunes ont pris part à un séjour de cohésion, loin de l’ambition initiale de 64.000. L’objectif de mixité sociale est également loin d’être atteint. « Les origines des jeunes participants se caractérisent, depuis 2019, par une surreprésentation de jeunes dont les parents servent ou ont servi dans le corps en uniforme et issus de catégories socioprofessionnelles plus favorisées », souligne la Cour des comptes.
Cette volonté de mixité sociale était pourtant l’un des deux « objectifs structurants » du SNU, avec l’engagement associatif. Lui aussi a été partiellement atteint : le séjour de cohésion oriente encore massivement les jeunes vers le corps en uniforme, et peu vers le service civique ou le volontariat associatif, relève la Cour des comptes. Quant à la troisième phase du dispositif, dite « d’engagement », elle est peu active : en octobre 2023, seuls 217 jeunes avaient indiqué sur leur compte personnel SNU être impliqués dans cette phase. Plus généralement, les Sages estiment que les objectifs du SNU, très nombreux, « restent incertains et donc mal compris du grand public ».
Un déploiement perfectible
La Cour des comptes regrette également une « augmentation forcée de la charge de travail malgré d’importantes difficultés de déploiement ». Ces difficultés sont liées à l’insuffisance des logements, au transport des jeunes vers les centres, à la gestion des stocks de matériel et de vêtements, ainsi qu’au recrutement et au paiement des encadrants, souvent effectués trop tardivement, ce qui nuit à la préparation des séjours.
Ces défauts de fonctionnement pourraient toutefois peser lourd financièrement si une généralisation devait se concrétiser. Car « sans stratégie d’emploi et de recrutement », généraliser le dispositif « représenterait un risque majeur », prévient la Cour des comptes. Alors que le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse évalue le coût d’une généralisation à deux milliards d’euros pour les seuls séjours de cohésion, la Cour l’estime au total entre 3,5 et 5 milliards d’euros pour l’ensemble du dispositif. Et c’est sans compter les investissements potentiels dans l’hébergement, le coût de construction de centres pour accueillir toute une classe d’âge pouvant dépasser les six milliards d’euros.
Le ministère se vante d’un « écosystème local »
A ce jour, les crédits inscrits dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027 ne sont pas en adéquation avec une génération possible pour toute une classe d’âge, observe la Cour des comptes. De la même manière, elle relève des lacunes dans l’implication des collectivités territoriales, et une coordination interministérielle insuffisante. « A ce stade (…), force est de constater que l’expérimentation du SNU, menée par les équipes dans l’urgence et sans outils adéquats, n’a pas permis de préparer le changement d’échelle que constituerait une généralisation à toute une classe d’âge », juge sévèrement la Cour des comptes dans son rapport.
C’est ce dont se défend le ministère de l’Éducation, vantant dans un communiqué un « écosystème local » qui « se forme autour du SNU dont la cohésion reste assurée par la mobilisation du tissu associatif et économique local, des collectivités territoriales (…) ». Le ministère estime que « le SNU répond de plus en plus à l’objectif de mixité sociale et territoriale » et que des « actions d’optimisation et de planification » ont été menées concernant le budget alloué au SNU « pour garantir une parfaite maîtrise des coûts et baisser structurellement le coût moyen par jeune ». Le ministère ne manque cependant pas de renvoyer « au prochain gouvernement » l’arbitrage sur les modalités de mise en œuvre de la généralisation du dispositif.
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