La mesure aura bientôt deux ans, mais le rapport coût-bénéfice reste incertain pour ses auteurs. En décembre 2022, après bien des atermoiements et plusieurs mois de guerre en Ukraine, les Occidentaux (UE et G7 réunis) ont mis en place un plafond de 60 dollars sur le prix de vente du baril de pétrole russe.
Un coût inférieur aux prix, censé assécher les emprises financières de Moscou. En 2023, les autorités européennes se réjouissaient : les importations de pétrole russe de l’Union ont chuté de 90 % en l’espace d’un an.
Le vide laissé par le pétrole russe a été comblé par divers autres fournisseurs, dont les États-Unis, la Norvège, l’Algérie, le Brésil, l’Angola et les Émirats arabes unis. Résultat, entre décembre 2022 et fin avril 2024, une application stricte du plafond des prix aurait réduit les revenus de la Russie de 8 % (17 milliards d’euros), selon les chiffres du Centre de recherche sur l’énergie et l’air (CREA).
Mais l’impact des sanctions sur l’économie russe est atténué par le déplacement vers l’Asie du marché du brut russe, qui s’est déplacé vers la Chine (48 %) et l’Inde (35 %) – entre décembre 2022 et avril 2024, les deux pays sont les premier et deuxième clients de Moscou, selon le CREA – ainsi que par la « dark fleet » de Moscou, composée de vieux pétroliers qui continuent d’exporter du pétrole par mer à un prix supérieur à 60 dollars le baril. Depuis le début de 2024, le prix du baril russe oscille entre 70 et 80 dollars.
Par ailleurs, certains pays européens (Hongrie, Slovaquie, etc.) continuent de s’approvisionner via la Russie ; l’UE a accordé une exemption pour le pétrole brut russe importé via la branche sud de l’oléoduc Droujba vers la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque. Un écart qui place l’Union au troisième rang des clients de la Russie, juste devant la Turquie.
La place de la Turquie mérite également d’être examinée. Selon une étude du CREA et du Centre d’études de la démocratie révélée ce mardi par Politico, Ankara a augmenté ses achats de pétrole à la Russie de 34 % en 2023 et de 70 % en 2024.
« Curieusement », les livraisons à l’Occident d’essence, de diesel et d’autres produits fabriqués à partir de pétrole brut russe ont également augmenté ces derniers mois… en raison des importations en provenance de Turquie.
Au total, au cours du seul premier semestre 2024, l’UE, les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres alliés occidentaux ont acheté pour environ 2 milliards de dollars de carburant fabriqué à partir de pétrole russe par un trio d’installations turques… Selon le CREA, il semble donc que la Turquie achète du brut à Moscou, profitant de rabais de 5 à 20 dollars le baril, et le revend raffiné à l’Union européenne.
Ainsi, l’une des raffineries turques, Star Aegean, détenue par l’Azerbaïdjan, dépend à 98 % du brut russe – 73 % de ses approvisionnements proviennent du géant énergétique russe Lukoil, sanctionné par les Etats-Unis. Pourtant, près de neuf barils sur dix de la raffinerie sont destinés aux alliés occidentaux, paradoxalement partisans de l’Ukraine.
Cela contrevient-il aux sanctions imposées sur le pétrole russe ? Certainement pas, car les pays de l’UE et du G7 sont toujours autorisés à acheter du carburant d’origine russe s’il est d’abord transformé dans un autre pays, comme la Turquie.
La « faille du raffinage » est très intéressante pour l’Occident : «Lorsque l’UE importe de l’essence de Turquie, elle est 10% moins chère qu’en Arabie saoudite»explique Vaibhav Raghunandan, analyste au Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur, cité par Politico.
L’année dernière, Oleg Ustenko, alors conseiller économique du président ukrainien Volodymyr Zelenskyy, a déclaré à Politico que le G7 devrait imposer « une interdiction de tous les produits raffinés destinés aux pays du G7 » afin de réduire l’argent que le Kremlin peut gagner grâce à des intermédiaires comme la Turquie, l’Inde et la Chine. « Ce qui se passe est une violation directe de l’esprit de la loi sur les sanctions. »a déclaré Martin Vladimirov, expert en énergie au Centre d’études de la démocratie.
Les conséquences des achats de pétrole russe sont immédiates, et délétères pour Kiev. Selon l’analyse, les recettes fiscales perçues par Moscou sur la vente de ses carburants aux pays occidentaux permettraient à la Russie de recruter 6 200 soldats supplémentaires par mois pour combattre en Ukraine. Pour rappel, les chiffres du CREA établissent que la Hongrie a acheté pour 246 millions d’euros de brut russe en avril dernier, la Slovaquie pour 200 millions d’euros et la République tchèque pour 133 millions d’euros.
L’Europe n’est pas sevrée du pétrole russe, pas plus qu’elle ne l’est du gaz : l’Europe reste le premier client du gaz russe, importé par gazoduc ou gaz liquéfié (GNL). Après la Hongrie et la Slovaquie, l’Italie est le troisième acheteur de gaz naturel, et la France arrive en tête du classement des acheteurs de GNL.
GrP1
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