Sa silhouette, plus imposante d’année en année, appartenait au paysage du Donbass, tout comme son accent acéré, qui trahissait son Texas natal. Russell Bentley était une figure emblématique de la « République populaire de Donetsk » – l’un de ces étrangers qui ont soutenu la cause du camp pro-russe, souvent d’extrême gauche ou d’extrême droite, chérie par la propagande moscovite.
Installé dans la ville de Donetsk depuis 2014 et les débuts de la rébellion armée dans l’est de l’Ukraine soutenue par l’armée russe, « Texas », le nom de guerre qu’il avait choisi, y est décédé au cours du mois d’avril, à 64 ans, probablement tué par des soldats de la même armée russe.
Russell Bentley se disait communiste. Il répétait souvent, comme une phrase tout droit sortie d’un film hollywoodien : «Je déteste les nazis. » C’est ce qui l’a poussé à quitter les États-Unis en décembre 2014 : la certitude, entretenue par les pages Facebook qu’il lit, d’aller combattre un gouvernement, celui de Kiev, soumis au fascisme et à l’impérialisme occidental, qui « assassiné » la population civile du Donbass.
Ce voyage fut le dernier d’une vie aventureuse, commencée dans une famille sans incident à Dallas, dont il raconta lui-même certains moments dans diverses interviews. Rebelle dans l’âme, disciple de Che Guevara depuis l’adolescence, Russell Bentley était décrit par ses amis comme une âme généreuse, un idéaliste.
« Antiraciste et antimilitariste »
Après avoir passé trois ans dans l’armée américaine, il a exercé tous les métiers possibles. Il a fait campagne pour la légalisation du cannabis au sein du parti politique Grassroots, pour lequel il a été candidat à plusieurs élections, et a été condamné en 1996 à cinq ans de prison pour avoir acquis et vendu plus d’une tonne de marijuana. Il a purgé une partie de cette peine en s’évadant d’un centre de rééducation avant d’être repris en 2007.
En 2014, alors professeur de yoga, il prend fait et cause pour le Donbass dans une lutte guidée par Moscou contre le pouvoir central ukrainien. « Je suis antiraciste et antimilitaristedira-t-il dans une interview au magazine Pierres qui roulent. Je soutiens le droit des gens à la légitime défense. » À Donetsk, il rejoint le contingent de quelques dizaines d’étrangers, en grande majorité issus de l’extrême droite, qui avaient déjà rejoint le mouvement pro-russe.
Russell Bentley est intégré au bataillon Vostok, et fréquemment photographié les armes à la main. Il est cependant difficile d’évaluer la réalité de la participation aux combats de ces étrangers, souvent plus utiles à la propagande russe qu’aux commandants sur le terrain.
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