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route d’un pédophile religieux entre la France et l’Afrique

C’est l’heure du goûter à l’Ehpad Paradis à Espaly-Saint-Marcel. Les vieilles dames dans leurs fauteuils surprennent les premiers soleils de mars en train de boire du sirop de fraise avec une paille. Les soignants, vêtus d’un pantalon blanc et d’une salopette fuchsia, distribuent le goûter. Nichés au cœur d’un val de Haute-Loire sur lequel règnent, du haut de leur promontoire rocheux, la basilique Saint-Joseph-de-Bon-Espoir, l’immense vierge rose de Notre-Dame-de-France et le clocher de la cathédrale romane du Puy-en-Velay, la maison chouchoute ses habitants, fiers de son label « service hôtelier de haute qualité ».

«Il y a 50 personnes pour s’occuper de 83 retraités», dit Albert Maës. Cet établissement d’hébergement pour personnes âgées, qui fut d’abord une maison de retraite réservée aux religieux de la Congrégation des Frères du Sacré-Cœur, a été ouvert aux laïcs en 2012, avant d’être consacré « fondation » en 2018. Une phase majeure de les travaux sont terminés lui donnant un faux air d’hôtel chic. Frère Albert y passe des journées paisibles depuis vingt-deux ans et aime toujours parcourir à vélo, à 81 ans, les routes escarpées des vignobles de Haute-Loire. « J’ai regonflé mes pneus il y a trois jours »confie-t-il, excité.

« Des journées tranquilles, enfin, pas tellement », corrige le vieil homme, qui a perdu de sa superbe malgré sa stature toujours imposante. Pantalon de jogging Adidas et tongs aux pieds, il reçoit Le monde dans un salon désert, à l’abri des oreilles indiscrètes. Parce que le Frère Maës n’est pas un résident comme les autres. Toutes les deux semaines, il se rend à la gendarmerie pour son contrôle judiciaire. Mis en examen en septembre 2017 pour « agressions sexuelles et viols sur mineurs de moins de 15 ans par personne ayant autorité », il dit attendre le verdict. « convocation du juge »pour aller à son procès.

Albert Maës est accusé d’avoir violé plusieurs mineures de moins de 15 ans entre 1994 et 2002 en Guinée, pays qu’il a quitté lorsque les premières accusations ont été rendues publiques en 2002. Devant la police et des experts psychiatres, il a rapidement reconnu les faits, parfois utiliser des euphémismes pour des actes de pénétration décrits comme« câlins ». Dans sa maison de retraite, tout le monde le sait. « Mais ne pense pas que je suis intelligentil continue. Seulement, je ne peux pas faire des grimaces toute la journée. Il faut bien vivre. »

Le scandale éclate en France en 2017, avec la révélation par l’émission « Cash Investigation », sur France Télévisions, de ce qu’Albert Maës ne cesse de qualifier de « «problèmes avec les jeunes». « Après mon retour en France en 2002, je pensais que c’était fini. » Mais l’enquête intitulée Pédophilie dans l’Église. Le poids du silence faites lui la lumière. Il révèle l’organisation au sein de l’Église catholique de France d’un système de circulation de prêtres et de religieux condamnés ou soupçonnés de délits pédocriminels dans différents pays du monde, parfois toujours en contact avec des enfants. Les journalistes ont notamment retrouvé des traces d’Albert Maës. « Cinq minutes dédiées rien qu’à moi, tu te rends compte ? Ma famille l’a appris à la télévision. Jusqu’alors, j’étais comme une statue vivante sur un piédestal. Je suis tombé de très haut. » Le parquet de Mende est saisi, puis celui de Clermont-Ferrand, une enquête préliminaire est ouverte, et la mise en examen suit. Six ans et demi plus tard, aucune date de procès n’a encore été fixée.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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