Rouen. Les « démembreurs » de retour devant le tribunal : « J’ai fait beaucoup de mal »
Par Valentin Lebossé
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Il flotte comme un air de déjà vu au palais de justice de Rouen (Seine-Maritime). Un an presque jour pour jour après le verdict du premier soi-disant procès « démembreurs », les trois femmes mises en cause dans cette affaire hors norme sont rejugées en appel.
Le procès en appel des « démembreurs » s’est ouvert à Rouen
A l’ouverture de ce deuxième procès, lundi 20 novembre 2023, on retrouve les mêmes protagonistes sur le banc des accusés. Commencer avec Céline Et Jessica, condamné en première instance à 22 et 17 ans de prison avoir, en novembre 2018, assassiné Slimane, compagnon de Céline, puis découper son corps dont plusieurs morceaux avaient été retrouvés le long de la Seine, près de Rouen et dans l’Eure.
Une autre femme, Isabelle, soupçonné d’avoir eu connaissance du projet criminel et de ne pas l’avoir dénoncé, avait été acquitté par la cour d’assises.
Des peines jugées trop clémentes par le parquet. Il avait notamment requis 30 et 25 ans de prison contre Céline et Jessica. Le procureur général a donc fait appel de ces condamnations qui n’ont pas satisfait la famille de Sliman.
Du côté des parties civiles, Me Demerville espère que « la vérité qu’ils n’ont pas obtenue la première fois se manifestera » lors de ce deuxième procès. « Nous ne pouvons pas être convaincus par les déclarations de quelqu’un (Céline) qui résume sa défense à une situation de contrôle », a déclaré à 76actu l’avocat de la fille de Sliman (issue d’une précédente union) et de son ex-compagne. Dans la bouche de mes clients, il n’a jamais été décrit comme abusif. »
« J’ai blessé beaucoup de gens. »
Devant une salle d’audience bien plus clairsemée qu’au premier procès, les trois accusés reconnaissent les faits qui leur sont reprochés, même si Isabelle répète qu’elle « n’a jamais cru (son amie Céline) capable de commettre un tel cauchemar ».
« J’ai fait beaucoup de mal à beaucoup de gens, je le regrette vraiment », sanglote Céline, qui doit répondre à l’interrogatoire de personnalité en ouverture des débats.
Tentatives de suicide
En détention provisoire depuis cinq ans, l’accusé, aujourd’hui âgé de 36 ans, affirme avoir fait « un gros travail psychologique » pour « me libérer, ne plus parler ». Elle revient ainsi au les côtés sombres de son enfance : les parents ont divorcé à l’âge de 2 ans, l’absence de son père – « une blessure que j’ai encore en moi », dit cette fille unique, versant une larme à chaque fois qu’elle en parle – ou encore la relation « étouffante » avec son père. mère « déprimée » (décédée depuis).
Pour la première fois devant le tribunal, le trentenaire évoque également deux tentatives de suicide. La première à l’adolescence, qu’elle explique par « un mal-être général ». La seconde quelques mois avant les événements. «Je voulais mourir, que ça cesse», affirme l’intéressé, réitérant les accusations de violences physiques et verbales que Sliman lui aurait fait subir, notamment après la naissance de leur fils en 2015. Elle n’a cependant jamais porté plainte et aucune enquête n’a donc pu déterminer si ces accusations étaient avérées ou non.
« Je ne veux pas qu’elle perde son père en prison »
Ses déclarations sont néanmoins corroborées par deux témoins appelés à la barre. Son père d’abord, visiblement éprouvé par cette deuxième comparution devant le tribunal en un an. « Je ne savais pas comment m’occuper de ma fille », regrette ce peintre en bâtiment de 59 ans, retrouvé à la rue après son divorce. Aujourd’hui, il « compte les jours et les années ».
Je veux faire un bout de chemin avec ma fille. Elle a déjà perdu sa mère, je ne veux pas qu’elle perde son père en prison. Je ne veux pas que la peine soit trop dure, c’est tout ce qui compte.
Lui qui « s’entendait très bien au début » avec Sliman – « on passait des vacances ensemble au bord de la mer, on riait, faisait des fêtes » – affirme que ce dernier est devenu « plus violent, distant, agressif quand (sa) fille est tombée enceinte ». »
Il se souvient également d’un aveu de Céline, accusant son compagnon de l’avoir « attrapé par les cheveux, lui mis un couteau sous la gorge et jeté un bidon d’essence ». « Elle m’a dit : ‘Ne pars pas, il va brûler la maison !’ Puis elle ne m’en a plus jamais parlé, j’ai cru que leur relation avait recommencé. »
« Elle a dû tellement souffrir… »
C’est alors au tour d’un ami, qui n’avait pas pu se faire entendre en première instance, de venir s’exprimer pour la première fois devant le tribunal. Les deux femmes se sont rencontrées « à 14-15 ans, nous étions très proches. Céline était un ange, toujours le cœur sur la manche, combattante, courageuse », assure cette policière partie en région parisienne environ deux ans après le début de la relation entre Céline et Sliman.
Un temps court mais suffisant pour qu’elle se rende compte que son amie avait changé : « Plus ça avançait, plus elle se renfermait. » Parallèlement, « la personnalité qu’avait Sliman au départ – gentil, sociable, souriant – n’était plus la même au fil du temps ». Et de décrire une violente dispute survenue un soir alors qu’elle venait chercher Céline pour sortir.
Les deux femmes se perdent alors de vue. Ce n’est qu’après avoir « appris à la télé ce qui s’était passé » que cet ami a repris contact avec Céline, allant même la voir au parloir de la maison d’arrêt de Rouen.
«Je n’aurais jamais pensé que Céline serait un jour incarcérée pour les faits qui lui sont reprochés. Elle a dû tellement souffrir qu’on finit par exploser en pensant que la seule issue, c’est ça», raconte la policière, persuadée que son amie a été victime, comme elle, de violences conjugales.
Du côté de la défense comme des parties civiles, nous espérons que les autres témoins et experts appelés à s’exprimer au cours de cette semaine apporteront de nouveaux éléments à cette affaire.
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