Après avoir franchi la ligne d’arrivée, Romain Bardet s’est immédiatement réfugié dans le coin aménagé par son équipe DSM-Firmenich PostNL un peu plus loin. Il s’est assis par terre, le dos contre une barrière, a mis sa tête entre ses mains, et s’est mis à pleurer, pendant un long moment.
Tout s’est joué là, au sommet du col de la Couillole. La fatigue d’une étape éreintante qu’il a courue avec les meilleurs et qu’il a terminée à une belle 10e place, premier. Et puis l’émotion d’une histoire d’amour passionnée avec le Tour de France, surtout, qui s’est plus sûrement achevée samedi, sur son terrain montagneux favori, qu’elle ne s’achèvera ce dimanche, dans un contre-la-montre entre Monaco et Nice qu’il vivra presque comme une parade.
« Ma femme m’a dit ce matin : ‘Quand ça sera dur aujourd’hui, tu penseras à ton fils, à nous, tu as le droit de te faire plaisir une dernière fois’ »
» C’est dur, il finit par lâcher prise entre deux spasmes. Tout revient. Treize ans de ma vie. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, mais le vélo est addictif. On se fait mal, on prend des coups tous les jours, mais on revient. Ma femme m’a dit ce matin : « Quand ce sera dur aujourd’hui, tu penseras à ton fils, à nous, tu as le droit de te faire plaisir une dernière fois, de te donner à fond ». Et voilà, j’ai franchi la ligne. Maintenant, c’est fini. C’est très spécial.
Bardet, qui prendra sa retraite sportive l’an prochain après le Critérium du Dauphiné, a finalement couru cette ultime étape routière du Tour 2024 comme il l’a fait toute sa carrière. Avec un certain panache, une envie d’être aux avant-postes et d’influer sur la course, et ces qualités de combattant qui ont fait de lui un quadruple vainqueur d’étape sur le Tour et un coureur capable de monter deux fois sur le podium à Paris (2e en 2016, 3e en 2017).
33
Dixième samedi, Romain Bardet compte désormais 33 arrivées dans le top 10 d’étapes du Tour. Il est ainsi le Français le plus régulier sur la Grande Boucle, à égalité avec Bryan Coquard.
« Sur l’étape, j’ai essayé de tout donner, d’être intelligent, car je n’avais pas été aux avant-postes depuis presque la première étape, celle de Rimini. (qu’il avait gagné), expliqua-t-il. J’ai traversé des moments difficiles, j’avais l’impression de ne plus avoir de jambes. Aujourd’hui (SAMEDI)ça a commencé très vite dès la première montée. J’ai pris mon rythme car il faisait très chaud et je ne voulais pas me faire exploser. Je suis revenu en haut et ça a commencé comme ça. Après, il a juste fallu que je me batte contre la petite voix dans ma tête qui, avec les coups dans les jambes, me disait d’arrêter. Mais c’est l’histoire de ma carrière, finalement. Celle de me battre sans jamais être le meilleur, mais sans jamais abandonner.
Warren Barguil avait deviné cette émotion qui envahissait son équipier DSM avant même le départ de l’étape : « J’avais dit à Romain que ça pouvait arriver comme ça, mais il ne s’en rendait pas vraiment compte encore. Il s’en est probablement rendu compte au fur et à mesure de l’étape. Mon seul regret est de ne pas avoir été devant avec lui lors de la dernière. On s’était dit ça en début d’année, mais mon état (physique) sur ce Tour c’est juste nul, donc je n’ai pas pu faire ce que je voulais. »
« J’ai eu la chance d’être rattrapé par les meilleurs de ce Tour. Cela m’a donné l’image d’un train qui passe et d’une histoire (la sienne) qui s’arrête »
Dimanche, lors du contre-la-montre, Bardet disputera une dernière fois le Tour devant sa famille et ses fans. Il y sera comme toujours acclamé. « J’ai gravi l’Isola 2000 avec lui, Le coureur de Cofidis Guillaume Martin a témoigné samedi, et j’ai pu mesurer l’amour que les gens lui portent. »
Mais la dernière image que Bardet retiendra de la Grande Boucle est peut-être celle qui lui est venue sur les pentes de La Couillole lorsque Tadej Pogacar l’a dépassé à quelques encablures de la ligne d’arrivée. « J’ai eu la chance d’être rattrapé par les meilleurs de ce Tour, a-t-il. Cela m’a donné l’image d’un train qui passe et une histoire (la sienne) qui s’arrête.