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Roland-Garros : alcool, crachats et insultes… que se passe-t-il avec le public ? Réponses du sociologue Patrick Mignon

La première semaine de Roland-Garros a été marquée par de nombreuses manifestations publiques intempestives. Crachats de chewing-gum et insultes contre le Belge David Goffin alors qu’il jouait contre un Français sur un terrain annexe. Des cris lors des échanges dérangent la numéro 1 mondiale, la Polonaise Iga Swiatek. Des chansons dignes des ultras dans un stade de foot, des drapeaux français, voilà, Marseillaiseetc.

Tous ces comportements ont conduit la direction du tournoi à interdire l’alcool dans les tribunes. On a vu pour la première fois des arbitres intervenir et menacer de faire expulser certains spectateurs en raison de leur attitude dans les tribunes. Que se passe-t-il à Roland-Garros où, certes, il y a toujours eu une ambiance, mais aussi une certaine forme de respect des joueurs ? Patrick Mignon, sociologue et spécialiste du « supportérisme », nous éclaire.

Cette première semaine sur le terrain ocre de la Porte d’Auteuil a été marquée par l’attitude parfois hostile du public envers les joueurs opposés aux Français, mais pas seulement… Quel est votre sentiment à ce sujet ?

C’est un peu surprenant. A l’exception des matches de Coupe Davis, où le chauvinisme peut jouer puisqu’on soutient une équipe nationale, les tournois, et notamment ceux du Grand Chelem, ont tendance à avoir la réputation d’être d’une certaine tranquillité.

Cette fois, on constate que les matches où les Français et les Français étaient en piste ont suscité des réactions surprenantes. J’ai compris qu’il y avait aussi une référence à l’abus d’alcool dans les tribunes, ce qui, là encore, ne ressemble pas à ce qu’on imagine du spectateur habituel de tennis. On se rapproche petit à petit des supporters des stades de football.

Ces comportements apparus dans le tennis ne révèlent-ils pas quelque chose sur notre société ?

Cette tendance chauvine est sans doute à corréler avec l’ambiance générale de notre pays. Nous sommes dans un moment politique qui met très souvent en avant l’appartenance nationale, alors oui, peut-être… Quoi qu’il en soit, il y a un changement radical dans l’attitude des supporters de tennis.

Auparavant, ils venaient encourager un joueur en fonction des affinités qu’il avait avec son talent, quelle que soit sa nationalité. Là, on voit que ça n’a plus rien à voir. Nous soutenons le joueur de tennis parce qu’il est originaire de notre pays. Pourquoi un sport individuel est-il aujourd’hui investi de cette dimension chauvine ?

Avec les sports collectifs, on peut toujours faire un lien avec leur histoire populaire, mais là, le tennis est plutôt considéré comme bourgeois, où la réserve est de mise. Celui qui gagne n’est pas grave ! Bon après, on n’a pas encore de kop à Roland-Garros, donc il faudra sans doute rester mesuré et ne pas se lancer dans des hypothèses trop radicales.

Les réseaux sociaux, où tout et n’importe quoi se dit, ne jouent-ils pas un rôle dans cette désinhibition du public. On sait par exemple que de nombreux joueurs de tennis sont très souvent agressés sur ces réseaux…

Dans le monde du divertissement et du sport comme dans le monde de la culture, les réseaux sociaux ont pris une place de plus en plus importante. Leur existence crée inévitablement des groupes de partisans ou d’adeptes qui suivent toutes les déclarations ou interventions de leurs idoles.

Tout cela finit par être porté dans les tribunes, où ces groupes expriment enfin leur soutien sans filtre. Il y a vingt ans, si vous manifestiez de manière exagérée dans les tribunes de la porte d’Auteuil, d’une part vous étiez seul et d’autre part tout le monde se retournait pour vous dire de vous taire. Là, puisque je fais partie d’un groupe, pourquoi me gêner et m’interdire d’exprimer mon soutien ?

Les sponsors ne sont-ils pas aussi quelque peu responsables de ces situations ? D’abord en poussant les joueurs à intervenir sur les réseaux sociaux et ainsi s’exposer, mais aussi en jouant parfois avec des codes très limités.

Commanditaires ? Leur travail est de travailler dans l’air du temps. Donc écouter ce qui se dit et ce qui se fait dans la société. Ils interprètent ce que les consommateurs sont censés valoriser et poussent dans cette direction. En fait, ils jouent un rôle.

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William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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