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Roger Martelli, historien : « Démocratie : état d’urgence »

Nous voici, plus tôt que prévu, confrontés à une bifurcation historique. Pour la première fois depuis longtemps, les Français doivent dire s’ils acceptent ou non que l’extrême droite prenne légalement la direction d’un gouvernement.

On dit parfois que, somme toute, cela ne ferait que perpétuer et aggraver les choix antidémocratiques et antisociaux des précédents dirigeants. Il est vrai qu’ils porteront devant l’histoire l’écrasante responsabilité d’avoir habitué notre peuple à la régression et non plus au progrès. Mais, en installant l’extrême droite à leur place, nous ferions plus qu’aggraver les choses : nous confirmerions une rupture sans précédent, l’entrée dans une zone grise, dont on ne sait à quelles erreurs elle pourrait nous conduire.

La crise politique que nous traversons nous dit essentiellement que le Ve La République est moribonde et il faudra, à plus ou moins court terme, dire dans quelle direction il faut reconstruire collectivement. Confier les rênes à l’extrême droite, c’est permettre à la future refondation de s’écarter radicalement de la tradition constitutionnelle républicaine, quelles que soient les formes de cette tradition. Une République est un point d’ancrage dans l’histoire ; plus que des règles écrites, c’est une méthode et un concentré de valeurs. De celles que nous concocterait l’extrême droite, qui peut dire vers quelle régression elle nous mènerait et quand il serait possible d’en sortir ?

Par ailleurs, confier les rênes du gouvernement au Rassemblement national (RN), ce n’est pas simplement accepter l’arrivée au pouvoir d’un parti situé à l’extrême droite de l’échiquier politique français et européen. Dans une période de grand désarroi des consciences, il donne les clés de l’Etat à une force qui s’appuie sur une formidable cohérence de projet. Son premier aspect repose sur la conviction que, dans un monde instable et dangereux, l’objectif essentiel est la protection, garantie par l’étanchéité des frontières nationales et l’intransigeance de l’État. Le deuxième versant est plus « social » : dans les sociétés aux ressources limitées, nous dit-on, il faut exclure tous ceux qui ne méritent pas d’être associés au partage, la petite couche de parasites de « l’élite » et surtout de la masse. d’immigrés « assistés », essentiellement.

Le projet RN touche à la fois au social, au politique et au symbolique. Il s’adresse à la raison et au cœur, en liant en un tout l’obsession de la protection, le fantasme de fermeture, la tentation de l’exclusion et la peur de l’identité de l’altérité. Un projet total, accompagné d’un risque totalitaire… Le vote législatif sera pour nous, en ce sens, une sorte de plébiscite pour dire que les citoyens de ce pays n’en veulent en aucun cas.

L’histoire ignore l’inévitabilité et c’est une opportunité inestimable que la gauche se présente unie pour arrêter le rouleau compresseur actuel. Bien sûr, il faudra alors se demander pourquoi cette union est si rare et si éphémère. On se demandera pourquoi la gauche a désespéré des catégories populaires, pourquoi les dynamiques sociales et politiques se sont à ce point séparées, pourquoi les institutions et les partis ont une si mauvaise image.

Dans l’immédiat, l’urgence est à un démarrage démocratique, autour d’un rassemblement qui doit être absolument irréprochable, sans chef d’orchestre : pluriel et partagé. C’est à nous tous de lui donner vie.

Face à l’extrême droite, ne lâchez rien !

C’est étape par étape, argument contre argument, qu’il faut combattre l’extrême droite. C’est ce que nous essayons de faire chaque jour dans l’Humanité.

Face aux attaques incessantes des racistes et des fauteurs de haine : soutenez-nous ! Ensemble, apportons une autre voix à ce débat public de plus en plus nauséabond.
Je veux en savoir plus.

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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