risque d’addiction, vulnérabilité des jeunes… pourquoi leur légalisation inquiète
Le gouvernement a déposé le week-end dernier un amendement prévoyant l’autorisation des casinos en ligne dans le cadre du budget 2025. Plusieurs addictologues jugent cette mesure risquée du point de vue de la santé publique.
La proposition fait grincer des dents. Le gouvernement a déposé ce week-end un amendement prévoyant l’autorisation des casinos en ligne dans le cadre du projet de budget 2025 dont l’examen s’est ouvert ce lundi 21 octobre à l’Assemblée nationale.
« Cette ouverture vient d’une mise en conformité du cadre des jeux avec nos principaux voisins européens, la France étant, avec Chypre, le seul pays de l’Union européenne à interdire les jeux de casino en ligne », indique le texte de cet amendement déposé samedi.
« Cette interdiction s’est accompagnée du développement d’une offre illégale importante ces dernières années. Selon l’étude commandée fin 2023 par l’Autorité nationale des jeux de hasard, le produit brut des jeux généré par l’offre illégale de jeux d’argent en ligne en France serait compris entre 748 millions et 1,5 milliard d’euros, soit entre 5 % et 11 % du total. marché du jeu », se souvient-il.
Le gouvernement vise ainsi à « limiter l’impact sur la santé publique des consommateurs de jeux en ligne » et à « contrôler cette offre de jeux en constante augmentation ». « Cette autorisation doit être accompagnée d’une réglementation particulière qu’il est proposé de définir, en concertation avec l’Autorité nationale des jeux et tous les acteurs concernés, par voie d’ordonnance », précise l’amendement.
Un amendement « irresponsable »
Malgré cette promesse d’encadrement, plusieurs associations s’élèvent déjà contre cette mesure. La Fédération Addiction, réseau d’associations et de professionnels de l’addiction, a dénoncé mardi un amendement « irresponsable » dans un communiqué. Sa présidente, Catherine Delorme, a déclaré que « les casinos en ligne cumulent tous les facteurs de risque d’addiction (fréquence élevée des paris, rapidité des résultats, prise de risque solitaire, continue et rapide, etc.) ».
L’association Addictions France appelle également à « la plus grande vigilance ». Morgane Merat, responsable des politiques publiques au sein de l’association, dénonce une « mesure particulièrement problématique en termes d’addiction chez les jeunes joueurs ». Elle juge particulièrement dangereux de faciliter l’accès aux machines à sous, qui sont « particulièrement addictives ».
Les machines à sous « présentent un risque d’addiction car ce sont des jeux à résultats immédiats », ce qui « incite le joueur à jouer à plusieurs jeux », selon le site officiel joueurs-info-service. Ce service dépendant de Santé publique France souligne également que « les petits gains, et les ‘quasi-gains’ (c’est-à-dire avoir une combinaison ‘presque’ gagnante) sont nombreux avec les machines à sous et incitent le joueur à jouer plus loin ».
« Ce qui est risqué, c’est de pouvoir jouer à tout moment, les systèmes Internet relancent constamment les joueurs, en les incitant à croire qu’ils vont gagner », prévient également le professeur Jean-Bernard Daeppen, chef du service de médecine. des addictions au Centre hospitalier universitaire vaudois de Lausanne, Suisse.
Des jeux plus accessibles
Avec l’autorisation des casinos en ligne, les addictologues comme Patrick Bendimerad craignent « un élargissement de l’offre » de jeux addictifs, par rapport aux environ 200 casinos physiques que l’on trouve en France. « Les personnes qui ne se seraient pas déplacées » dans les établissements pourront accéder à ces jeux depuis chez eux, souligne le chef du service d’addictologie du groupe hospitalier de La Rochelle, en Charente-Maritime.
« Quand on crée des offres sur les jeux de hasard et notamment avec Internet, on élargit l’accessibilité et on crée davantage de joueurs problématiques. Il n’y a pas beaucoup d’études, mais avec l’alcool et le tabac, on sait que lorsqu’on augmente l’accessibilité et la densité des points de vente, on augmente la mortalité et les problèmes d’addiction », ajoute le professeur Jean-Bernard Daeppen.
Inquiétude pour les plus jeunes
Une catégorie de la population est particulièrement à risque. Dans les casinos physiques, interdits aux moins de 18 ans, l’âge des joueurs est vérifié à l’entrée, mais Addictions France anticipe qu’il sera beaucoup plus facile pour les mineurs de contourner l’interdiction en ligne. Par ailleurs, les jeux et paris en ligne ciblent déjà les jeunes dans leurs campagnes marketing, selon les addictologues, qui alertent sur le fait que cette catégorie de la population est très vulnérable à l’addiction.
Les adolescents sont particulièrement enclins à « une recherche de sensations fortes et de comportements à risque », explique le professeur Jean-Bernard Daeppen. Ils ont aussi un cerveau qui est encore en développement : « notre cerveau sera plus ou moins mature à partir de 23 ans et tant qu’il ne le sera pas, nous n’avons pas les outils pour résister à l’appel très puissant des outils marketing », prévient Patrick Bendimerad.
Pour ces raisons et alors qu’aujourd’hui des sites de casino illégaux existent déjà, Addictions France souhaite que « des efforts soient mis dans le sens du contrôle et non de la déréglementation ». Au nom de l’association, Morgane Merat plaide pour « plus de moyens pour l’Autorité nationale des jeux ». Cette autorité administrative indépendante chargée de réguler les paris sportifs et les jeux de hasard a lancé il y a deux semaines une campagne d’information « pour rappeler l’illégalité et la dangerosité » des casinos en ligne. ..