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Rheinmetall remporte le réarmement allemand, mais risque de se faire des ennemis en Russie

Un véhicule de combat d'infanterie Lynx est fabriqué dans l'usine de la société Rheinmetall à Unterluess, dans le nord de l'Allemagne, le 6 juin 2023.

Armin Papperger, le patron du plus grand groupe d’armement allemand Rheinmetall, est devenu un personnage central dans le domaine de la défense allemande et des livraisons d’armes et de munitions à l’Ukraine, au point d’être une cible pour Moscou. Selon un reportage de CNN publié jeudi 11 juillet, la Russie envisagerait d’assassiner le dirigeant, ainsi que d’autres cadres de l’industrie impliqués dans le soutien à Kiev. La chaîne américaine cite des sources proches des services de renseignements américains et occidentaux, qui auraient prévenu Berlin et M. Papperger.

Ni Rheinmetall ni le chancelier Olaf Scholz n’ont souhaité réagir jeudi soir. La menace est inédite pour un patron qui est en train de faire de son groupe un industriel pivot de l’industrie de défense allemande et européenne. Début juillet, Rheinmetall a conclu une alliance qui consolide encore cette ambition : l’entreprise s’est alliée au géant italien de l’aéronautique et de la défense Leonardo dans une coentreprise pour développer des chars pour l’armée italienne, tout en visant aussi les marchés européens. Cet accord s’accompagne d’une commande exceptionnelle de Rome d’un montant de 20 milliards d’euros sur quinze ans, la plus importante de l’histoire de Rheinmetall. En échange de quoi 60 % des pièces proviendront d’Italie. Leonardo avait renoncé mi-juin à une coopération avec le franco-allemand KNDS.

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Pour Rheinmetall, il s’agit de la troisième commande exceptionnelle en quelques semaines. Fin juin, le groupe de Düsseldorf avait signé un contrat de 8,5 milliards d’euros avec l’armée allemande pour la fabrication de munitions d’artillerie. Début juillet, l’industriel avait décroché un autre contrat de 3,5 milliards d’euros pour des véhicules de transport militaire lourds.

Le développement du groupe au cours des trois dernières années est sans équivalent : après une hausse de 12 % de son chiffre d’affaires en 2023, à 7,2 milliards d’euros, l’entreprise de 34 000 salariés prévoit d’atteindre les 10 milliards d’euros en 2024. Son cours de bourse a bondi de près de 400 % en cinq ans. Depuis mars 2023, il est coté au DAX, qui regroupe les quarante premières entreprises du pays présentes sur les marchés, une performance spectaculaire pour une entreprise longtemps considérée comme inabordable par les investisseurs et les banques.

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Le groupe de Düsseldorf profite bien sûr à plein de l’effort de réarmement déclenché par l’agression russe en Ukraine. L’Allemagne, qui était très en retard dans ce domaine, est devenue un client privilégié. Selon ses estimations, Rheinmetall devrait engranger un tiers du fonds spécial de 100 milliards d’euros pour l’armée adopté par Berlin en février 2022, lors de l’annonce par Olaf Scholz de la création de l’armée de l’air. « Des temps de changement » (« changement d’ère ») dans le domaine de la défense. Rheinmetall fait un effort particulier dans le domaine des munitions, dont l’Ukraine a cruellement besoin. Des investissements de 1,3 milliard d’euros sont prévus pour augmenter les capacités de production dans plusieurs pays, dont l’Australie, la Roumanie, la Hongrie et surtout l’Ukraine, où une usine de véhicules blindés doit également ouvrir dans les prochaines semaines.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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