Revente de billets : quand je dois poursuivre une entreprise américaine pour récupérer mes 30 centimes


Vous vous souvenez de cette scène dans « Slap Shot » où un frère Hanson « varge » sur un distributeur de soda pour récupérer sa monnaie alors que la machine ne voulait pas le lui rendre, en s’exclamant qu’il avait eu ses 30 centimes ? C’est ce que j’ai fait avec une grande entreprise américaine qui gagne 160 millions de dollars par an.

En fait, je ne sais pas si toute cette histoire est triste ou drôle.

En août 2017, mon meilleur ami se marie. Au lieu de lui acheter un grille-pain, un autre ami et moi décidons de lui offrir un chèque-cadeau de 300 $ de la compagnie TickPick.

TickPick est une entreprise américaine fondée en 2011 qui revend des billets. C’est comme StubHub ou Ticketmaster, par exemple. Mais j’ai préféré TickPick parce que je trouve que les billets sont souvent un peu moins chers. L’entreprise, qui emploie quelques dizaines de personnes, a déjà vendu pour plus d’un milliard de dollars de billets, selon les médias L’industrie musicale dans le mondequi précise que l’entreprise a vu ses ventes augmenter de 800 % au cours des trois dernières années. TickPick vient de recevoir un investissement de 250 millions de dollars pour l’aider à poursuivre sa croissance. Bref, leurs affaires vont très bien.


Capture d’écran du site Web tickpick.com

Le temps passe vite. Mon ami attend le bon moment pour utiliser son cadeau. Il va à New York en janvier et veut jouer pour les Rangers. Je suis sûr que tu n’as pas besoin de savoir que ça coûte un bras et une jambe. Il y a 10 ans, j’y suis allé pour 134 $ et j’étais assis si haut que je ne pouvais voir que les deux tiers de la glace.

La fin de la zénitude

Mon ami choisit ses billets sur TickPick et au moment de payer, il doit entrer un code que je lui ai donné avec le chèque-cadeau.

Ça ne marche pas.

Il m’écrit. J’appelle Tickpick. J’attends une heure. Quelqu’un répond et me dit qu’il va me rappeler avec la solution. Je reste calme.

Le lendemain, personne ne m’a rappelé. Je rappelle. J’attends une heure. Et on me dit qu’on va me rappeler avec la solution. Je suis beaucoup moins zen.

Mon ami n’a pas pu utiliser son chèque-cadeau. Et trois semaines plus tard, je n’avais reçu ni appel ni e-mail.

J’ai écrit à nouveau à TickPick. Ils m’ont répondu qu’ils étaient désolés, mais qu’ils ne pouvaient rien faire. Que le chèque-cadeau n’était valable qu’un an.

Je suis une personne plutôt sage. Mais j’ai tendance à ne pas baisser les bras. Je leur ai répondu que depuis 2010, au Québec, il est illégal de vendre un chèque-cadeau avec une date d’expiration. Je leur ai aussi mentionné que lorsque j’ai acheté le chèque-cadeau, il n’était pas indiqué qu’il y avait une date d’expiration. J’ai donc expliqué à leur service à la clientèle que tout cela était illégal. Et pas qu’un peu. C’est très simple à comprendre.

Ils m’ont dit encore une fois qu’ils ne pouvaient rien faire.

On y va!

Alors j’ai décidé de les poursuivre en justice ! Cela peut paraître idiot, mais je me suis dit : comment peuvent-ils gagner ? Je suis tellement sûre que je vais gagner. Alors, pour la première fois de ma vie, j’ai intenté un procès.

Je suis allée sur Internet. J’ai rempli les documents. Ça m’a pris 20 minutes. Je suis allée au greffe du palais de justice de Québec pour déposer ma preuve : c’est-à-dire l’échange de courriels avec TickPick. Ça m’a coûté 115 $ pour ouvrir le dossier.


Palais de justice de Québec

Photographie Pierre-Paul Biron

J’ai donc poursuivi TickPick pour 416$, soit : 300$ pour le chèque cadeau, 115$ pour les frais d’ouverture de dossier et 1$ de dommages subis car en fait, je n’ai pas subi beaucoup de dommages à part attendre 2 heures au téléphone et je voulais leur montrer à quel point c’était épais. Je voulais déposer mes 7$ de frais de stationnement au palais de justice, mais j’ai oublié.

J’ai fait des études de droit, mais c’était il y a 18 ans. Je ne me souviens de rien. J’en ai parlé avec des amis avocats pour voir si j’avais une chance d’obtenir quelque chose de ce procès.

On me dit que le problème est que même si TickPick vend au Québec, est-ce que les lois québécoises s’appliquent? On parle de commerce électronique. Le tribunal doit se demander si la loi québécoise doit s’appliquer dans ce cas, même avec le dossier que j’ai préparé tout seul, sûrement tordu, en 20 minutes entre deux changements de couches.

Ça marche !

La réponse est oui ! J’ai appris en juin que le tribunal avait décidé de transmettre ma plainte au bureau new-yorkais de TickPick. Il est situé au cœur de Manhattan, près de Times Square.


Photo Andreas M / Unsplash

Mais le greffe m’indique qu’ils ne parviennent pas à trouver les bureaux avec l’adresse que j’ai indiquée. Je pensais avoir indiqué l’adresse de leur site web. Bref, je décide d’envoyer ceci à une autre adresse que je trouve et à un avocat qui a déjà représenté cette entreprise, à Miami.

Bon, je vais réessayer. On verra bien !

En juillet, je reçois un appel hilarant. Il s’agit d’un avocat spécialisé en litige d’un grand cabinet d’avocats de Montréal.

On m’informe que ce bureau a été mandaté pour représenter TickPick contre moi : Jean-Nicolas Blanchet de Charlesbourg qui réclame 416$.

Bonjour ! C’est 416 $. C’est une blague ? Je n’arrivais pas à croire qu’ils avaient engagé un avocat. Tout ça pour 116 $, en fait, parce qu’ils n’avaient qu’à me rendre mon chèque-cadeau de 300 $ que j’avais déjà payé. C’est hilarant !

L’avocate a su garder son sang-froid alors que je riais à haute voix en lui disant à quel point tout cela était ridicule. Très amicale, elle a fait preuve de beaucoup de professionnalisme en respectant son client qui payait beaucoup plus cher pour se défendre que pour simplement vouloir m’appeler et me rendre mes 30 centimes.

L’avocate m’a dit qu’elle était sûre de pouvoir régler cette affaire à l’amiable. Bien sûr, j’ai été d’accord mille fois. Allez, c’est évident !

Mais ce n’est pas tout. On m’a proposé un remboursement de la valeur du chèque-cadeau seulement, soit 300 $. J’ai répondu que par principe, je voulais aussi l’argent pour l’ouverture du dossier et le dollar de dommages. Donc un total de 416 $. Sinon, on irait au procès.

Bête jusqu’au bout

J’ai compris que TickPick avait décidé que le maximum serait de 300 $. C’était effronté, cependant. Et si je demandais un dollar de plus, cela signifiait un autre appel avec l’avocat et encore plus de conneries. Donc, faire ça pour l’avocat allait coûter à TickPick bien plus cher que mon procès. Je me suis senti tellement mal pour l’avocate d’avoir eu une affaire aussi stupide, mais je lui ai dit de retourner parler à son client.

C’est ce qui a été fait. Et finalement, l’avocat m’a fait une autre offre quelques jours plus tard. Je n’ai pas le droit d’en dévoiler le contenu car j’ai signé un document qui m’en empêche. Je vous laisse deviner combien je pourrai redonner à mon ami. TickPick a rendu la chose hilarante jusqu’au bout en changeant d’avis trois fois sur la façon de me payer, tout cela par l’intermédiaire de l’avocat qui avait mis le compteur en marche.

Encore plus drôle, j’ai été payé en dollars américains, même si j’avais tout payé en dollars canadiens.

Je ne veux surtout pas jouer au héros Robin des Bois en collants. Si j’ai décidé d’écrire une chronique sur le sujet, c’est plutôt pour montrer que ces entreprises étrangères en ligne ne doivent pas se croire au-dessus des lois dans les pays où elles font des affaires. Je peux diaboliser ces sociétés de revente de billets qui gagnent beaucoup d’argent sur notre dos, mais la réalité est qu’elles vont quand même gagner de l’argent sur mon dos, car je vais quand même acheter des billets à la revente. C’est tout simplement amusant et révélateur de voir le mécanisme de défense embarrassant d’une entreprise comme celle-ci lorsqu’on lui dit qu’elle ne respecte pas notre loi. Ne nous laissons pas berner comme des colons.

journaldemontreal

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr

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