Réunion d’Astana sur la Syrie : les coulisses d’un accord pour faire tomber Assad
Les coulisses de la réunion sont restées bien gardées. Le 7 décembre, alors que le régime d’Assad s’effondre sous le poids de l’avancée des rebelles, une rencontre s’est tenue entre la Turquie, l’Iran et la Russie dans le cadre du format dit d’Astana, en marge du Forum de Doha. S’adressant aux médias après les pourparlers, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré que lui et ses homologues appelaient à « la fin des activités hostiles ». De son côté, son interlocuteur turc, Hakan Fidan, a déclaré : « Il est temps d’unir et de reconstruire le pays. » Dans une déclaration commune, les trois ministres des Affaires étrangères ont en outre souligné l’importance de mettre fin aux escalades militaires tout en préservant l’unité, la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie, appelant en outre à renforcer les efforts pour éviter le chaos et la propagation du terrorisme dans le pays.
Le soir même, la capitale syrienne tombe aux mains de factions armées dirigées par le groupe islamiste Hay’at Tahrir al-Sham (HTC) et le président déchu Bachar al-Assad s’enfuit en catimini. Lundi, le quotidien syrien al-Joumhouriya a révélé sur son compte X que son départ avait en fait été négocié lors de la réunion tripartite tenue à Doha, en accord avec cinq États arabes – l’Égypte, l’Arabie saoudite, l’Irak, la Jordanie et le Qatar. Une information transmise par une source syrienne anonyme que le média dit avoir corroborée avec une autre personne bien informée des discussions. Selon ces sources, sept conditions ont été posées par les Russes, les Iraniens et les Turcs, tandis que les deux parrains de Damas ont informé Ankara, en position de force dans cette séquence, qu’ils étaient prêts à faciliter une transition politique en Syrie. Une source proche des milieux décisionnels russes a déclaré au quotidien saoudien Asharq al-Awsat que le Kremlin avait établi des « contacts urgents » avec les parties turque et iranienne avant la prise de Damas pour arrêter l’offensive rebelle en échange de « l’ouverture d’un dialogue politique ».
Vers une transition syrienne : les conditions posées
En échange de l’arrêt des combats, le HTC, informé via les Turcs du contenu de la réunion de Doha, aurait exigé le départ immédiat de Bachar al-Assad de Syrie, que son Premier ministre fasse une déclaration de transfert de pouvoir et que le le commandement de l’armée signale aux soldats que le régime est tombé, note al-Joumhouriya. Autant de conditions qui se sont concrétisées rapidement. Car, se rendant compte que l’offensive rebelle continuait d’avancer vers d’autres villes clés et que l’armée arabe syrienne n’était pas à la hauteur, Moscou a contacté Bachar al-Assad et lui a donné, ainsi qu’à sa famille, des « garanties de sécurité » en échange de l’ordre de retirer son armée et l’annonce de sa démission. Le président syrien n’a pas officiellement démissionné, mais a été transporté par avion à Moscou dans la nuit de samedi et dimanche et a obtenu l’asile politique.
À Doha, un processus de transition politique fluide et ordonné a été exigé, dans le respect des institutions étatiques et conformément à la résolution 2254 de l’ONU appelant à un accord politique et à un processus de paix en Syrie. Dimanche, après la prise de Damas, le HTC a ordonné à ses combattants de ne pas attaquer les représentations de l’État et a annoncé une amnistie générale pour les soldats du régime. Une autre condition imposée, selon al-Joumhouriyaconsistait à sécuriser les institutions diplomatiques, notamment d’importants sanctuaires religieux comme la mosquée Sayeda Zaynab, à proximité de Damas – une exigence de Téhéran alors que la protection du lieu saint sert également de prétexte aux milices pro-iraniennes pour justifier leur présence en Syrie. Si l’ambassade iranienne a été prise d’assaut dimanche dans la capitale syrienne, le chef des rebelles, Abou Mohammad al-Jolani, a tendu la main au parrain de Bachar el-Assad, et l’Iran a ouvert une ligne de communication directe avec les rebelles en Syrie après la chute du président, selon une source haut placée en Iran citée par Reuters. Cette initiative vise à « éviter une trajectoire hostile » entre les deux pays. Le HTC répondait ainsi, par ses ouvertures aux autres minorités et l’amnistie générale annoncée pour les conscrits de l’armée, aux demandes visant à éviter toute nouvelle guerre civile.
Bases russes et gestion de l’arsenal chimique
Les trois pays du format Astana ont également demandé la sécurité des armes stratégiques et chimiques du régime syrien, alors que les estimations concernant l’arsenal chimique de Bachar al-Assad sont bien supérieures aux données officiellement déclarées aux organismes internationaux censés assurer leur destruction – selon à un mécanisme créé en 2014. Le 7 décembre, le même jour que la conférence de Doha, HTC a publié une déclaration s’engageant à coopérer avec ses partenaires internationaux sur la question des armes chimiques restantes. Depuis, Israël a néanmoins lancé des centaines de frappes aériennes visant un grand nombre de cibles militaires, prétendant cibler notamment des stocks d’armes chimiques ou des installations de production.
Finalement, les Russes ont exigé la protection de leurs bases militaires, dont la base navale stratégique de Tartous, sur la côte méditerranéenne, et la base aérienne d’Hemeimim, près de Lattaquié. Dimanche, les agences russes, citant une source au Kremlin, ont annoncé que les rebelles syriens avaient « garanti la sécurité » des bases et institutions militaires russes dans le pays, tandis que Moscou accueille désormais le « bourreau de Damas » et l’aide à regagner du terrain. contrôle d’une partie du pays après son intervention dans le conflit en 2015.
Les coulisses de la réunion sont restées bien gardées. Le 7 décembre, alors que le régime d’Assad s’effondre sous le poids de l’avancée des rebelles, une rencontre s’est tenue entre la Turquie, l’Iran et la Russie dans le cadre du format dit d’Astana, en marge du Forum de Doha. S’adressant aux médias à l’issue des négociations, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a…