Retailleau à l’Intérieur et Migaud à la Justice sont déjà en conflit
POLITIQUE – Déjà des ennuis. Alors que le gouvernement de Michel Barnier n’est en place que depuis 48 heures, les tout nouveaux ministres de l’Intérieur et de la Justice – le LR Bruno Retailleau et l’ancien député socialiste Didier Migaud – ont affiché leurs désaccords, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en haut de l’article.
La preuve en est dans les déclarations des deux concernés ce lundi 23 septembre, quelques heures seulement après la passation de pouvoir avec leurs prédécesseurs. Invité au journal de 20 heures sur TF1, le très conservateur ministre de l’Intérieur a prévenu : « Il faut prononcer des peines, les exécuter, construire des prisons. »
Partisan d’une ligne dure en matière pénitentiaire mais aussi sur l’immigration, Bruno Retailleau a ensuite souligné qu’il souhaitait « prendre tous les moyens pour réduire l’immigration en France. » Quitte à proposer une nouvelle loi sur l’immigration, à peine un an après l’adoption d’un texte difficilement et en partie rejeté par le Conseil constitutionnel.
« Il doit savoir que la justice est indépendante »
Mais l’ancien sénateur se heurte à la ligne très claire tracée par le garde des Sceaux, qui déclarait sur France 2 quasiment au même moment : « Il a ses convictions, il est ministre de l’Intérieur, je suis ministre de la Justice. Je dois moi aussi faire preuve d’autorité, de fermeté, faire en sorte qu’il n’y ait pas d’impunité, tout en veillant à ce que l’État de droit soit respecté, que les procédures soient respectées. »
Didier Migaud a ensuite été interrogé plus précisément sur une mesure envisagée par Bruno Retailleau et détaillée dans Le Figaro, qui consiste en l’incarcération à court terme des délinquants « dès les premières infractions », comme c’est le cas aux Pays-Bas. Le ministre de la Justice n’a guère d’appétit pour cette proposition qui empiète sur ses missions. « Il doit savoir que la justice est indépendante dans notre pays et que c’est une chose essentielle », il a toujours abordé.
La confrontation médiatique s’est poursuivie mardi 23 septembre. Bruno Retailleau a réitéré ses propos sur CNews. Je l’ai dit hier soir sur un autre plateau. Malheureusement, nous avons développé une sorte de droit à la non-exécution des peines par le biais des aménagements, » a insisté le ministre de l’Intérieur. » Ce que conteste le ministre de la Justice « , a alors de nouveau demandé le journaliste. » Bon, on verra bien. « , balbutie Bruno Retailleau.
« Le taux d’exécution des peines n’a jamais été aussi élevé ! »Didier Migaud a de nouveau répondu ce mardi après une visite à la prison de la Santé à Paris. « Il faudra que je puisse contribuer à informer mon collègue et il faudra que nous puissions avoir des discussions sur ce sujet, des discussions constructives. » Selon les chiffres de la Chancellerie, le taux d’exécution des peines de prison a atteint 95% en 2023.
Les deux hommes devraient se rencontrer prochainement, Bruno Retailleau ayant confirmé que Didier Migaud serait « l’un de ses premiers rendez-vous. » Il faudra trouver des compromis, sinon les conflits s’exacerberont, comme on l’a déjà vu par le passé, par exemple dans le gouvernement précédent, avec Éric Dupont Moretti et Gérald Darmanin.
Des intérêts divergents et un conflit historique
Cette guerre entre les deux ministères est en réalité un classique. Un petit tour dans les archives des quotidiens nationaux Le monde Ou Le Figaro permet de redécouvrir l’histoire des relations tendues entre Gaston Defferre et Robert Badinter au sujet de la loi « liberté et sécurité » de 1981, Jean-Pierre Chevènement et Élisabeth Guigou sur les mineurs délinquants en 1999, Brice Hortefeux et Michèle Alliot-Marie au sujet – entre autres – de l’aggravation des peines pour les agresseurs de personnes âgées en 2010, ou encore Manuel Valls et Christiane Taubira notamment sur la réforme pénale de 2013.
En 2021, le chercheur Mathieu Zagrodzki expliquait à BFMTV que cela « La confrontation quasi permanente entre les deux administrations s’explique par le fait qu’elles ne représentent pas les mêmes intérêts. » Il a détaillé : »A Beauvau, vous subissez la pression des syndicats de police qui sont très puissants et qui estiment que la justice n’est pas assez sévère. Place Vendôme, vous représentez une administration très attachée à l’individualité des peines et qui doit faire face au manque de places en prison. » Reste à savoir qui, de Didier Migaud ou de Bruno Retailleau, aura le dessus cette fois-ci.
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