République Dominicaine : 164km d’un mur anti-haïtien en construction
Pedernales, située sur la côte sud du pays, est le point de départ de ce mur qui doit être érigé le long d’un peu moins de la moitié des 340 km de frontière. Cette barrière – un socle en béton surmonté d’une clôture – dont l’essentiel reste à terminer quadrille le paysage reliant les postes frontières officiels du sud au nord. « Le mur a un côté symbolique, ça va permettre d’avoir certains contrôles… (C’est) nécessaire », affirme Odanis Grullon, attablé dans son restaurant sur la plage paradisiaque de Pedernales, à un kilomètre de l’imposante clôture.
Un enjeu électoral
Candidat à sa propre succession et grand favori à l’élection présidentielle, le chef de l’Etat sortant Luis Abinader a fait de la lutte contre l’immigration haïtienne un de ses chevaux de bataille et la construction du mur est l’un des projets phares de son gouvernement. . Il affirme que les vols de bétail ou de motos ont diminué de 80 % dans certaines régions. Il assure que le mur protège l’emploi et le commerce dominicains. Et il promet qu’en cas de réélection, sa construction non seulement se poursuivra mais sera élargie. Sa politique est approuvée par 70% des Dominicains et son principal opposant, l’ancien président Leonel Fernández, s’est déclaré favorable au mur.
Cependant, certains estiment que le mur n’est pas une mesure « efficace » pour contrôler l’immigration.
« La pression migratoire ne se limite pas aux infrastructures physiques ou technologiques », explique Juan Del Rosario, expert en frontières. Il ajoute que s’il est vrai que le mur et les contrôles ont contribué à réduire les vols de bétail, « des biens illicites tels que des drogues et des armes » continuent de passer.
Une entreprise »
Les habitants de Pedernales soulignent qu’ils ne se trouvent pas dans une zone cruciale, le poste frontière étant le plus éloigné de la capitale haïtienne Port-au-Prince. « Les membres du gang ne viennent pas. Parfois, il se passe quelque chose, mais eux (les Haïtiens locaux) sont calmes, ce sont des frères », explique Eleodoro Matos, un notable de Pedernales, qui approuve la construction de la clôture. Il cite également le vol de bétail.
« Ils (les Haïtiens) vont où ils veulent, à travers la campagne ou par la porte. »
Mais loin de la côte, au poste frontière de Jimani, la situation est bien différente. Ici, tout semble plus strict. Les portes sont en fer, comme celles de Dajabon et d’Elias Pina. La présence militaire est bien plus forte avec des patrouilles et de nombreux checkpoints sur les routes. Il est « interdit » de s’approcher du mur. « Le programme est efficace en partie et seulement en partie », a déclaré Esmeli Benitez, gérante d’une boulangerie de la ville. « Ici, le mur ne fonctionne pas », insiste Juan Enrique Matos, commerçant du marché d’El Paso de Jimani. Les Haïtiens « donnent leur argent aux gardes qui les laissent passer. C’est tout ce qu’on peut en dire. C’est une entreprise», a-t-il déclaré.
Les habitants soulignent également qu’il est facile de passer loin des poteaux, à travers collines et vallées. Brian Baptista, 25 ans, commerçant haïtien à Jimani, explique : « Ils (les Haïtiens) vont où ils veulent, à travers la campagne ou par la porte. »