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Répression syndicale : Christian Porta, licencié sans faute

Répression syndicale : Christian Porta, licencié sans faute

Une figure marquante du syndicalisme du Grand Est débarque. Alors que, ce vendredi 10 mai, une nouvelle saisine a lieu devant les prud’hommes pour demander la réintégration immédiate du délégué CGT de l’enseigne de boulangerie industrielle Neuhauser, Christian Porta, son licenciement suscite une immense indignation.

« Le patronat cherche à tout prix à casser la CGT, nous avons ici un exemple remarquable »a observé, jeudi 25 avril, la secrétaire générale CGT de l’Union des syndicats des travailleurs de l’alimentation et de la forêt (Ustaf) Dorothée Unterberger, lors d’une manifestation de soutien devant l’usine de Folschviller (Moselle) qui avait rassemblé plus de 300 personnes, dont dont venus de toute la France.

Car l’attaque d’un géant de l’agroalimentaire contre un délégué syndical jouissant d’une forte réputation pour les nombreuses luttes qu’il mène en Moselle depuis près de dix ans inquiète désormais les syndicalistes bien au-delà de sa région. Et cette réputation agace sa direction. « Porta, c’est une gloire locale portée par les médias ! » s’insurge Sébastien Graff, le directeur général en charge des ressources humaines du groupe InVivo (propriétaire de Neuhauser), qui dément cependant que Christian Porta ait été licencié pour des raisons syndicales.

« Nous ne voulons pas museler le syndicat. Nous ne sommes pas là pour filmer Porta, j’ai négocié avec lui pendant des mois lors des réunions centrales de l’entreprise. », il assure. Et pourtant, c’est grâce à son militantisme que Christian Porta est devenu l’un des dirigeants syndicaux dans le viseur.

« Une jonction entre syndicalistes et gilets jaunes »

Entré en 2015 dans l’usine de Neuhauser, qui produit du pain et des viennoiseries pour la grande distribution – principalement Lidl – mais aussi pour le marché mondial, il y crée en 2016 une section syndicale CGT qui remporte immédiatement plus de 70 % des suffrages. voter aux élections professionnelles. C’est l’époque des luttes contre la loi travail et, lorsque la direction décide de supprimer deux des trois sites Neuhauser à Folschviller, le syndicat se lance dans la bataille contre les licenciements économiques. « Nous avons fait notre petite réputation en Moselle sur les grèves que nous avons menées au moment des licenciements économiques »confie Christian Porta.

Lors du mouvement des Gilets jaunes, à partir d’octobre 2018, des syndicalistes ont décidé de se joindre aux mobilisations. « On a fait grève ensemble, les Gilets jaunes sont venus nous soutenir. Nous les avons accompagnés sur les ronds-points. En Moselle, c’est l’un des rares endroits où nous avons réussi à rassembler syndicalistes et gilets jaunes.»observe le délégué CGT.

Mais l’action de la section syndicale ne s’arrête pas aux revendications au sein de l’entreprise. Pendant la crise du Covid, les employés de l’usine ont réquisitionné des produits alimentaires parfaitement propres à la consommation que la direction avait décidé de jeter, pour les distribuer aux associations d’aide alimentaire de la région. Christian Porta rappelle que la CGT a aussi obtenu récemment 32 heures rémunérées à 35, qu’elle a réussi à créer une trentaine d’emplois, et qu’elle a également obtenu des augmentations de salaire significatives. « Quand j’ai commencé, je gagnais 1 300 euros par mois, maintenant nous gagnons 2 000 euros, c’est aussi le fruit des combats que nous avons menés pendant plusieurs années »note le délégué CGT.

« Les patrons se radicalisent. Mon patron est le point avancé de la répression contre les syndicalistes. »

Christian Porta, délégué CGT licencié fin avril.

Le 7 février, le premier couperet tombe : le syndicaliste est licencié. La direction générale des ressources humaines d’InVivo lui reproche « harcèlement » et D’« intimidation », et critique de manière générale son comportement envers la direction de l’usine. Saisi, puisqu’il s’agit d’un délégué syndical, l’inspection du travail refuse son licenciement et ne reconnaît pas des actes de harcèlement. L’arrêté d’urgence du 16 février indique que« aucun de ces constats ne révèle de perturbations ou d’entraves significatives à l’exécution du travail des salariés, ni n’indique que cela mettrait en danger la santé et la sécurité des salariés ».

« On savait que l’inspection du travail était très proche de M. Porta et qu’elle refuserait », commente le directeur général en charge des RH chez InVivo. La direction de Neuhauser a néanmoins licencié le délégué CGT le 23 avril. « Je n’ai jamais vu ça nulle part, dénonce Christian Porta, les patrons se radicalisent. On a déjà vu comment le gouvernement s’est radicalisé lors de la réforme des retraites, mais ici, ce sont les employeurs. Mon patron est le point avancé de la répression contre les syndicalistes. »

« Une multinationale agroalimentaire »

Car mener le combat social sur le site principal du groupe Neuhauser, comme l’a fait Christian Porta, c’est aussi toucher à l’une des bases stratégiques d’un géant mondial de l’agroalimentaire. Derrière cette marque, il y a désormais toute la puissance du premier groupe céréalier français, InVivo, qui emploie 14 500 salariés sur 90 sites industriels dans 36 pays, et annonce un chiffre d’affaires de 12,4 milliards d’euros en 2022. 2023. Racheté pour la première fois en 2014 par un autre fleuron de l’agroalimentaire, Soufflet, Neuhauser a en effet été racheté en 2021 par InVivo, qui se présente comme un groupe de coopératives agricoles. « InVivo est une entreprise détenue par des agriculteurs, nous ne sommes pas dans un modèle capitaliste »insiste cependant le directeur des ressources humaines du groupe.

« On appelle ça une coopérative de coopératives, mais ce n’est plus une coopérative, c’est une giga-entreprise. Ils ont juste le titre pour obtenir des aides, mais derrière, c’est une vraie multinationale de l’agroalimentaire”, conteste pour sa part Christian Porta. InVivo possède également de nombreuses autres marques françaises, comme Jardiland ou Gamm vert, mais aussi des malteries et des silos à céréales dans les ports, tout en étant en contact direct avec les grands producteurs de céréales français. « 192 coopératives céréalières travaillent pour InVivo, un agriculteur sur deux est dépendant du groupe et 40 % des céréales françaises proviennent d’agriculteurs qui travaillent pour InVivo. C’est aussi un gros vendeur de pesticides”rappelle le délégué CGT.


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