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Reportage Ouverture de la chasse : dans le Morbihan, la prolifération des sangliers devient un enjeu quotidien pour les habitants, les agriculteurs et même les chasseurs


Dans le Morbihan, certains habitants se tournent vers la chasse pour tenter de stopper la présence des sangliers, nuisibles aux agriculteurs.

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Jean Eveno et Henri Leporho, constatant les dégâts causés par un sanglier dans le jardin d'Henri. (FARIDA NOUAR / RADIO FRANCE)

La chasse ouvre dans une partie de la France dimanche 8 septembre. Le week-end prochain, ce sera le tour d’autres départements. Dans plusieurs régions, une bête est dans le viseur des chasseurs : le sanglier, qui prolifère et devient ingérable, numériquement et financièrement. C’est le cas dans le Morbihan, en Bretagne, où ce problème a eu raison d’un président de société de chasse.

Chassé par les sangliers, « un ravageur »C’est une honte pour Jean Eveno, président depuis plus de 30 ans de la société de chasse de Locqueltas, petite commune du Morbihan. Il a jeté l’éponge il y a une semaine à peine. « J’ai démissionné parce que j’en avais marre »il se lamente.

Parce que sa commune est devenue « la cantine » sangliers locaux, qui, une fois le ventre plein, se réfugient dans leur « dortoir »à savoir le camp militaire de Meucon, situé à proximité du village. Un sanctuaire où la chasse est interdite. Et la nuit, lorsque les animaux quittent le camp, c’est pour vagabonder à leur guise et constater les dégâts.

Premier arrêt : chez Henri Leporho, habitant et ami du chasseur dont le terrain jouxte le camp. Dans son jardin, une parcelle a été entièrement retournée. « La terre a été retournée au rouleau compresseur sur une profondeur de 10 ou 15 cm, et 30 mètres plus bas, il y a des arbres fruitiers. Pratiquement tous les pieds d’arbres autour sont également ravagés. » Ce n’est pas la première fois que des sangliers lui rendent visite, mais pour réparer les dégâts, cette fois, la facture est salée, il a « pratiquement pour 8 000 euros ».

Impossible de clôturer son terrain, vu la végétation. Ses courriers à la mairie et à la Fédération des chasseurs restent sans réponse. Lui aussi en a assez, alors il a obtenu son permis de chasser. « À ma manière, j’essaie de participer à la lutte contre les sangliers. »

« Je suis né dans la maison d’à côté il y a 72 ans et je n’ai jamais vu autant de sangliers que ces dernières années. Ils prolifèrent très vite. »

Henri Leporho

à franceinfo

Une femelle a environ trois portées en deux ans, et chaque portée compte en moyenne six porcelets. La diminution du nombre de chasseurs explique aussi cette prolifération, mais il y a aussi d’autres facteurs, explique Jean Eveno. « Avant, les hivers étaient rudes. Parfois les petits mouraient, mais maintenant il y a assez à manger. Il ne fait pas froid, ils sont heureux. »

Les agriculteurs sont également victimes de ce phénomène. Cette fois-ci, nous nous dirigeons vers un champ de maïs, où tout est à terre. « Ils prennent le jus, c’est très sucré, ils adorent ça. » Ici, il y a 1 000 euros de dégâts, assure l’agriculteur. Et c’est à la fédération de chasse du Morbihan d’indemniser les agriculteurs suite à ces dégâts.

Un champ de maïs piétiné par un sanglier. (FARIDA NOUAR / RADIO FRANCE)

Mais elle ne veut plus assumer seule ces compensations. La saison dernière, elle a versé 450 000 euros d’indemnisations aux agriculteurs du département, ce qui représente environ un tiers de son budget, contre 250 000 en 2022. L’État apporte une aide financière, mais sur trois ans, elle ne représente que 100 000 euros, précise la Fédération. Compenser alors que les périmètres de chasse se resserrent est absurde, estime Bruno Jaffré, directeur de la fédération du Morbihan.

« Les chasseurs ont de moins en moins accès aux territoires de chasse puisqu’on estime que 40% des territoires ne sont pas chassés. C’est pourquoi il y a une demande très forte des chasseurs et des fédérations de chasse pour que l’Etat prenne en charge tout ou partie de cette indemnisation puisque le sanglier est une espèce qui n’appartient à personne. »

« Il n’y a aucune raison pour qu’aujourd’hui, ce soient les chasseurs, qui sont les seuls à pouvoir apporter une solution à sa régulation, qui en supportent également le coût. »

Bruno Jaffré, directeur de la fédération de chasse du Morbihan

à franceinfo

Il faudra se remettre autour de la table pour trouver des solutions pérennes et financières, insiste la FDSEA 56. Anthony Kerhervé est le secrétaire adjoint de la fédération, il est également agriculteur et chasseur, et il prévient « Ce ne sera pas une tâche facile », a-t-il ajouté. « L’Etat doit aussi nous apporter des solutions, trouver des pistes, mettre en place la boîte à outils que nous avons déjà essayé de mettre en place entre agriculteurs et chasseurs. Maintenant, il faut trouver un compromis pour essayer d’avancer ensemble et éviter de déraper ».

De leur côté, les écologistes pointent une incohérence qui explique aussi en partie la prolifération des sangliers. Paul Cahu est le porte-parole d’Europe Écologie les Verts dans la région de Vannes. « En Bretagne, on est dans une situation un peu cocasse. Il y a beaucoup de plantations de maïs, parce qu’on fait de l’agriculture intensive. On entasse des dizaines de milliers de porcs d’élevage pour manger du saucisson. Et puis on va faire proliférer les populations de sangliers, que personne ne va manger et qui vont manger du maïs. Il faut donc penser à autre chose et cela ne veut pas forcément dire continuer, tête baissée, dans un modèle qui ne marche plus. »

Les chasseurs du Morbihan militent pour un allongement des périodes de chasse, ou pour des méthodes comme le tir à l’arc : quatre archers viennent d’obtenir le feu vert pour chasser le sanglier.

francetvinfo

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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