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REPORTAGE. Les Bédouins d’Israël chassés de leurs terres du Néguev

Le long des immeubles qui s’élèvent et des routes qui s’étirent, des panneaux publicitaires géants affichent les profils des familles qui peupleront les nouveaux quartiers de Dimona, la ville située à l’entrée du désert du Néguev : peaux blanches et visages souriants, couples en pleine romance, enfants enlacés par leurs parents. Dans ce tableau, le village bédouin de Ras Jraba n’a pas sa place.

Déplacer par la force

En juillet 2023, un tribunal israélien a donné son feu vert à l’expulsion de ses 550 résidents, au motif qu’ils ne détiennent pas de titre de propriété. « Ils nous déplacent de force »« Je suis né ici, comme son père, et je n’ai pas l’intention de finir ma vie ailleurs », se lamente Hadj Freig Hawashla, 88 ans. Il dénonce le traitement réservé aux quelque 350 000 Bédouins d’Israël, des Palestiniens à l’origine nomades devenus citoyens de l’Etat hébreu. « Nous voulons juste qu’on nous laisse tranquilles et avoir une vie normale. »demande paisiblement le vieil homme, assis en tailleur.

Camp bédouin dans le Néguev. | ALEXANDROS KOTTIS

Camp bédouin dans le Néguev. | ALEXANDROS KOTTIS

Les tribunaux ont donné aux Bédouins de Ras Jraba jusqu’à la fin de l’année pour quitter les lieux. « La loi israélienne est hautement discriminatoire en matière de propriété foncière et agricole, et est utilisée pour mettre en œuvre une politique d’apartheid. »déclare Heba Morayef, directrice du programme régional Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « La communauté internationale doit faire pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles abandonnent leur politique d’expulsion forcée. »

Dès les années 1970, les gouvernements israéliens ont cherché à installer les Bédouins du Néguev dans sept villes et onze villages spécialement construits à cet effet. « reconnu ». Mais environ 85 000 d’entre eux continuent de vivre dans des villages que l’État israélien ne reconnaît pas, comme Ras Jraba, et qu’il tente d’éradiquer.

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Annihiler toute revendication

L’extension de l’agglomération de Dimona illustre la politique de « judéisation » à l’œuvre dans le Néguev. Elle s’est encore accélérée avec la guerre à Gaza, sous l’impulsion des ministres d’extrême droite du gouvernement Netanyahou. Les ordres de déplacement et de destruction se multiplient, dans le but d’annihiler toute revendication territoriale des Bédouins, voire d’éliminer progressivement leur identité.

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« Il y a un chantage très clair. Pour bénéficier des services, des écoles et des hôpitaux, des réseaux d’eau et d’électricité, les Bédouins sont obligés de quitter leurs terres et d’accepter des relocalisations. » « Dans les zones urbaines, explique Marwan Abu Freih, avocat qui représente de nombreux villages bédouins menacés. L’objectif israélien est, selon lui, de concentrer les Bédouins dans un espace minimum pour permettre l’expansion des populations juives. » « Mais les Bédouins n’occupent pas 3% du désert… Il y a une volonté de supprimer la culture et le mode de vie d’une population. »

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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