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répétitions générales finales avant l’activation du cœur du réacteur

Boum, boum, boum. Dans quelques jours, ou semaines tout au plus, le cœur du réacteur EPR de Flamanville va commencer à battre, après 17 longues années de construction et de dérapages à répétition. Cette étape cruciale de la phase de démarrage du réacteur normand, appelée divergence dans le jargon atomique, correspond à l’initiation du processus de réaction nucléaire en chaîne. Laquelle produira de l’énergie sous forme de chaleur et de vapeur, dans un premier temps.

La première réaction de fission nucléaire au réacteur de Flamanville est « imminente », selon Luc Rémont (PDG d’EDF)

Le simulateur, une copie exacte du cockpit du réacteur

Quelques minutes avant cette opération très minutieuse, les équipes de contrôle d’EDF en salle de contrôle entendront effectivement un bruit répétitif de coups clairs, comme un battement de cœur. Ce martèlement correspond à  » l’image sonore de l’évolution du flux de neutrons « , très utile pour guider les opérateurs, explique François Tronet, formateur chez EDF, depuis le simulateur, copie conforme de la salle de contrôle, véritable cockpit du réacteur. « Chaque coup que vous entendez correspond à 1 000 neutrons frappant le détecteur », il continue en tendant l’oreille au milieu des écrans d’ordinateur.

Le contrôle du flux de neutrons joue un rôle clé dans cette étape. Et pour cause, il s’agira de projeter des neutrons sur des atomes d’uranium très lourds, qui exploseront et libéreront une grande quantité d’énergie, mais aussi d’autres neutrons qui briseront à leur tour d’autres noyaux, et ainsi de suite. La réaction sera donc auto-entretenue.

Les répétitions générales se multiplient

L’enjeu pour les équipes d’EDF sera ensuite de libérer très progressivement les neutrons dans la cuve en extrayant délicatement les barres de contrôle du cœur du réacteur. Tout cela en réduisant, en parallèle, la concentration en bore, des atomes présents dans l’eau du circuit primaire, qui permettent d’absorber les neutrons.

En attendant le jour J, les répétitions générales se multiplient pour jouer et rejouer la divergence. Chaque équipe de conduite l’a déjà fait deux ou trois fois. « , assure Grégory Heinfling, directeur d’exploitation de l’EPR. Comme pour les pilotes de ligne, le simulateur joue un rôle clé dans ces répétitions. D’autant que la salle de contrôle de l’EPR diffère de celle des 56 autres réacteurs de la centrale nucléaire française. Elle est, en effet, entièrement digitalisée et permet ainsi d’automatiser les procédures. » Il est possible d’activer les commandes groupées en un clic « , soutient Gregory Heinfling.

Salle de simulation EPR de Flamanville

Les écrans de contrôle du simulateur, reproduction exacte de la salle de contrôle de l’EPR de Flamanville.

Une batterie de tests à finaliser

Cette dernière phase préparatoire ne comprend pas seulement des répétitions sur simulateur. Depuis le chargement du combustible nucléaire dans le réacteur en mai dernier, les équipes d’EDF s’activent pour mener une batterie de tests. Ceux-ci consistent, entre autres, à vérifier le bon fonctionnement des fameuses 89 grappes de contrôle qui, une fois plongées dans le cœur du réacteur, permettent de stopper la réaction en chaîne en absorbant les neutrons. absolument fondamental en termes de sécurité « , pointe Alain Morvan, aux commandes de ce projet hors norme depuis janvier 2020, sur décision de l’ancien PDG du groupe Jean-Bernard Lévy.

 » Nous avons terminé les tests à froid (à 110 degrés, ndlr). Il faut maintenant les refaire à chaud (à 303 degrés, ndlr), cluster par cluster. « , poursuit ce Brestois rompu à la gestion de grands projets industriels, après avoir sorti DCNS Cherbourg de l’impasse lors de la construction du premier sous-marin nucléaire Barracuda.

Alain Morvan

Alain Morvan, responsable du projet Flamanville 3. En janvier 2020, il est chargé par Jean-Bernard Levy, alors PDG du groupe, de finaliser le chantier de l’EPR en vue de son démarrage.

Les premiers mégawatts attendus d’ici la fin de l’été

Sans attendre la finalisation de ces essais, EDF a d’ores et déjà transmis un dossier préliminaire à l’Autorité de sûreté nucléaire. Il complétera ce dossier au fur et à mesure de la poursuite des essais, qui devraient durer  » Quelques jours « .A l’issue de son instruction, l’ASN pourra enfin délivrer, ou non, une autorisation de dérogation. Une condition nécessaire, mais pas suffisante « Il faut activer le cœur du réacteur, explique Alain Morvan. Cette décision reviendra en fait à Grégory Heinfling, lorsqu’il estimera que toutes les conditions de sûreté sont réunies.

Dans quelques mois, le couvercle défectueux de l’EPR de Flamanville deviendra le déchet nucléaire le plus volumineux et le plus lourd

Le déclenchement de la divergence ne sera toutefois pas synonyme de production d’électricité, qui ne démarrera que lorsque la puissance du réacteur aura atteint 25 % de sa capacité nominale. Une étape attendue d’ici à la fin de l’été. A ce moment précis, 400 mégawatts (MW) seront directement injectés dans le réseau. L’aventure ne sera pas terminée pour Alain Morvan, alors que les tests, conçus par ses équipes d’ingénieurs, se poursuivront jusqu’à ce que le réacteur atteigne sa pleine puissance, prévue pour la fin de l’année. Alors, à ce moment-là, peut-être, la banderole « Dernière ligne droite pour démarrer Flamanville », brandie sur un bâtiment de la centrale depuis au moins quatre ans, pourra être décrochée.