A quelques mètres de la Seine musicale à Boulogne, c’était l’effervescence ce mercredi matin. Luca de Meo, directeur général de Renault et son homologue de Volvo Trucks, Martin Lundstedt a officiellement inauguré leur co-entreprise baptisée « Flexis », qui produira des véhicules utilitaires électriques et connectés à partir de 2026. Pour ce faire, une toute nouvelle plateforme entièrement optimisée sera utilisée dans l’usine Renault de Sandouville (Seine-Maritime).
Le constructeur français avait ce projet en tête depuis trois ans, mais pas le financement. Il s’est donc tourné vers le propriétaire de son ancienne filiale de camions, Volvo Trucks, pour faire de Flexis une réalité. Les deux constructeurs détiennent 45 % du capital de l’entreprise et investiront chacun 300 millions d’euros sur les trois prochaines années. Ils ont été rapidement rejoints par un géant de la logistique, le groupe CMA CGM (propriétaire de La Tribune, ndlr) qui détient les 10 % restants pour un investissement de 120 millions d’euros. Le groupe sera ainsi l’un des premiers à tester ces utilitaires sur sa flotte de 1 500 véhicules.
« Une Tesla d’utilitaires »
» J’ai su convaincre Rodolphe (Saadé, le PDG de CMA CGM ndlr) en vingt minutes (…) c’est peut-être la Tesla des utilitaires », s’est réjoui Luca de Meo. Les premières lignes de cette famille d’utilitaires électriques ont été dévoilées, promettant des véhicules destinés à la livraison urbaine, » la taille d’une petite Renault Kangoo, mais avec la capacité de chargement d’un plus gros véhicule utilitaire »a précisé le dirigeant du groupe Renault. Destinés principalement aux entreprises disposant d’une flotte de plusieurs centaines, voire milliers de véhicules, ces nouveaux utilitaires connectés permettront par exemple d’anticiper les maintenance et optimisation des itinéraires de livraison. Et ce, grâce au nouveau logiciel équivalent à celui de Tesla sur lequel Renault travaille, en partenariat avec Google et Qualcomm. Ce sera la première tranche de véhicules à en être doté avant d’être déployé dans les autres gammes du groupe.
Les tests de ce tout nouveau logiciel sur ces véhicules doivent être concluants. « Dans ce secteur, 30 secondes gagnées lors de la livraison, c’est 1% de rentabilité en plus »insista Luca de Meo.
Aucun prix n’a été donné pour ces futurs fourgons, mais on sait déjà qu’il sera supérieur à un équivalent diesel. Flexis promet néanmoins une économie de 30 % sur le coût d’utilisation du véhicule. L’entreprise livrera des fourgons électriques sous les marques Renault et Volvo mais également en marque blanche pour d’autres clients.
Face à une concurrence croissante
Le constructeur français mise gros sur ce partenariat puisque ce segment de marché représente 20% de son chiffre d’affaires et génère des marges supérieures à celles des voitures particulières. Par ailleurs, le marché des véhicules utilitaires électriques en est encore à ses balbutiements, avec seulement 8 % des ventes en 2023, soit deux fois moins que pour les voitures particulières. » Ce segment croît de 20 à 30 % chaque année et la logistique urbaine croît de 10 à 15 % par an. », a rappelé Luca de Meo. Un prix convoité par plusieurs constructeurs automobiles, notamment chinois.
« Il n’y a pas de projet similaire en Europe, mais quelques-uns en Asie ou aux Etats-Unis », confirmé Martin Lundstedt chez Volvo.
» Sur ce segment, la Chine n’a pas une génération d’avance », a voulu rassurer Luca de Meo, évoquant la menace qui pèse sur les constructeurs européens dans le domaine des voitures électriques pour particuliers. A moins que la menace ne vienne directement du Vieux Continent. Stellantis a par exemple lancé son offensive en octobre dernier avec pas moins de 12 véhicules utilitaires électriques disponibles cette année. Le groupe dirigé par Carlos Tavares prévoit également d’intégrer un logiciel capable d’effectuer des mises à jour à distance à partir de 2026.
Pour se distinguer de leurs concurrents, Renault et Volvo Trucks misent donc sur l’innovation en développant une plateforme uniquement pour ces véhicules électriques, contrairement à Stellantis. Ce dernier prévoit plutôt une production multi-énergies sur une plateforme déjà existante afin d’aller plus vite. L’un se concentre sur le timing, l’autre sur l’optimisation. Renault et Volvo devront encore respecter la production pour 2026, s’ils ne veulent pas perdre du terrain dans ce secteur très convoité. Rodolphe Saadé a également insisté à plusieurs reprises sur l’importance du respect des délais : » Il s’agit d’être prêt dès les premiers jours « .