Les députés commencent à examiner ce texte crucial en séance publique lundi soir. Les débats s’annoncent très tendus et le gouvernement Barnier est menacé.
Pour le gouvernement de Michel Barnier, au complet depuis un petit mois, les choses très sérieuses commencent. Dès 21h30, lundi 21 octobre, l’Assemblée nationale examine en séance publique le volet « recettes » du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, avec la perspective d’une guerre ouverte dans les travées du Palais-Bourbon. Débattu, modifié et rejeté en commission des Finances samedi, le projet de budget retrouve son aspect initial, mais conserve son caractère explosif.
Le gouvernement de droite et du centre veut toujours mettre en place un effort budgétaire de 60 milliards d’euros. La gauche veut en profiter pour faire adopter une motion de censure, et l’extrême droite a entre ses mains le sort de Michel Barnier et de ses ministres. Pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines, selon les décisions du Premier ministre, les parlementaires vont se débattre sur des mesures qui pèseront sur le porte-monnaie des Français. Franceinfo vous présente les grands enjeux de ce texte extrêmement sensible.
LFI peut-elle espérer empêcher l’examen du texte ?
Sur le papier, le projet de budget pourrait même ne pas être débattu en séance publique. La France insoumise a déposé une requête en rejet préalable, ont confirmé lundi matin Eric Coquerel et Clémence Guetté, cadres du mouvement de gauche radicale. Si elle était adoptée, cette disposition empêcherait le débat. Dans ce cas, la première partie du PLF 2025 serait directement examinée au Sénat, et non plus à l’Assemblée nationale.
En fait, cette motion de rejet ne devrait pas être votée. Une partie du Nouveau Front populaire (NFP), hors LFI, souhaite débattre du projet de loi de finances et ne s’associera pas à cette démarche. De son côté, le RN a confirmé, par la voix du vice-président du groupe d’extrême droite, Jean-Philippe Tanguy, qu’il ne voterait pas cette motion de rejet. « Nous ne voterons pas la motion de rejet (…) car c’est un cadeau à Michel Barnier »a-t-il déclaré dimanche sur BFMTV. Les débats devraient donc avoir lieu à partir de lundi soir, sauf évolution de la situation.
Les mesures fiscales les plus sensibles seront-elles adoptées ?
De nombreux points cruciaux du projet de budget seront discutés lundi soir. La contribution exceptionnelle et temporaire sur les hauts revenus, une des mesures phares de ce PLF, pourrait changer de forme. En commission, la gauche et le MoDem se sont mis d’accord pour pérenniser le taux d’imposition minimum de 20 % sur les foyers fiscaux les plus riches, au grand désarroi d’une partie du bloc présidentiel. Ils pourraient également décider de relever le prélèvement forfaitaire unique, dit « flat tax », au-dessus de son taux actuel de 30% sur tous les revenus de l’épargne ou du capital financier hors immobilier (dividendes, loyers perçus, assurance-vie, etc.).
En commission, les députés de plusieurs blocs sont également parvenus à supprimer la hausse de la taxe sur l’électricité, censée mettre fin au bouclier tarifaire instauré en 2022. Elle reviendra sous sa forme initiale lors des débats en séance publique et le gouvernement espère en tirer trois milliards d’euros. Par ailleurs, le durcissement du malus automobile pour les véhicules thermiques a également été retiré en commission et devrait faire l’objet d’une âpre bataille entre les différents blocs de l’Assemblée nationale.
Le « tronc commun » des députés va-t-il vraiment aider le gouvernement ?
Outre les oppositions, le gouvernement composite de Michel Barnier doit se contenter d’un « socle commun » qui ne le soutiendra pas systématiquement. Pour ce projet de budget, les députés du camp présidentiel et ceux de droite défendront différentes options, au nom de leur propre ligne. Parmi les sujets de division interne figure la surtaxe « exceptionnelle » sur quelque 440 grandes entreprises. La mesure est sortie indemne des débats en commission, mais certains députés d’Ensemble pour la République souhaitent la supprimer.
L’exécutif marche donc sur des œufs en ouvrant ces débats dans l’hémicycle. Pour tenter d’apaiser les tensions, la ministre des Relations avec le Parlement, Nathalie Delattre, a réuni lundi soir les députés du « noyau commun », avant le début de l’examen à l’Assemblée nationale.
Le nombre d’amendements déposés sera-t-il réduit ?
La durée des débats dépendra, entre autres paramètres, du nombre d’amendements déposés par chacun des 11 groupes de l’Assemblée nationale. A ce petit jeu, la gauche a décidé de ne pas jouer la carte de l’obstruction parlementaire, comme elle l’a fait par le passé. En revanche, le groupe de la Droite Républicaine (DR, anciennement Les Républicains) a déposé plus d’amendements que d’habitude. Le gouvernement en a soumis une vingtaine.
Au total, plus de 3.400 propositions de modification du PLF ont été demandées, mais certaines seront retirées ou déclarées irrecevables par les services de l’Assemblée nationale. Pour la première partie du PLF 2024, ce nombre avait dépassé la barre des 5.000.
Le gouvernement cédera-t-il à la tentation du 49.3 ?
Ce sont les deux grandes questions politiques de cet automne : Michel Barnier utilisera-t-il l’article 49.3, qui permet d’adopter un texte sans vote à l’Assemblée nationale ? Si oui, quand ? Dans une Assemblée où la « base commune » dépasse à peine les 200 députés, loin de la majorité absolue de 289, l’éventualité est plus que probable. « En cas de blocage parlementaire, retarder l’adoption du budget pourrait paralyser l’action publique, compromettre la gestion des finances de l’État et mettre en danger la crédibilité financière de la France »a prévenu le Premier ministre Journal du dimanche.
« Le 49.3 permet ainsi d’éviter un blocage. »
Michel Barnier, Premier ministredans le « Journal du dimanche »
Le gouvernement refuse toutefois de donner suite à cet appel. Interrogé lundi matin sur BFMTV, Laurent Saint-Martin a assuré vouloir « laissons le débat avoir lieu ». « Il y aura des modifications au texte (…) mais je n’ai qu’une seule ligne rouge, maintenir le cap de réduction du déficit à 5% du PIB en 2025 »a déclaré le ministre du Budget et des Comptes publics.
Quoi qu’il en soit, le recours à cet article permettrait au gouvernement de reprendre la main : s’il utilise le 49.3, les débats s’arrêtent immédiatement au Palais-Bourbon et l’exécutif choisit automatiquement ce qu’il veut intégrer dans le texte. adopté, sauf motion de censure.
Quel rôle jouera le RN ?
Lors de l’examen du texte, la gauche ne va pas faire de cadeaux au gouvernement, surtout si l’article 49.3 est déclenché. La France insoumise a promis de déposer une motion de censure chaque fois que le Premier ministre utilisera cette disposition de la Constitution pour écourter les débats. Sans surprise, le reste du PFN soutiendrait ces initiatives. Dans ce contexte, la survie du gouvernement dépend du Rassemblement national, qui n’a pas encore prévu de vote de censure.
Pourtant, rien n’est gravé dans le marbre pour la flame party. « Si les lignes rouges étaient franchies, bien sûr le gouvernement s’exposerait et s’exposerait à la censure de notre part. Ce budget n’a ni sens ni cohérence. Il fragilise à la fois les épargnants et la France du travail et des entreprises.a déclaré lundi matin le président du RN, Jordan Bardella, sur Europe 1. En cas de vote de censure des députés d’extrême droite, le gouvernement de Michel Barnier tomberait et le projet de budget ne serait pas adopté.