Réchauffement climatique et dégradation des pâturages mondiaux
Alors que des pics de chaleur frappent de nombreux pays, un rapport de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) alerte sur la dégradation des grandes plaines, savanes, déserts, toundras, plateaux montagneux et autres prairies naturelles en raison du réchauffement climatique en cours. Cette dégradation est accentuée par la course aux profits selon la théorie des avantages comparatifs conceptualisée par David Ricardo au début du XIXème siècle !
C’est la veille du 5 juin, Journée mondiale de l’environnement. L’ONU vient de publier une étude sur l’évolution de ce que l’on appelle la « désertification » et la dégradation des pâturages dans les pays pratiquant l’agriculture pastorale. On estime que 2,1 milliards de personnes, soit plus d’un quart de la population mondiale, vivront dans des déserts et des zones arides en 2024. En outre, 90 % des populations des zones arides vivent dans des pays en développement.
Le réchauffement climatique en cours aggrave la situation dans ces zones, en raison de la diminution des précipitations et de la faible humidité des sols aggravée par la chaleur qui favorise l’évaporation. Sur tous les continents, mais surtout en Afrique, les régions pratiquant l’élevage et la transhumance comptent plus de 500 millions d’éleveurs et autres éleveurs nomades répartis dans une centaine de pays.
35 à 50% des pâturages sont dégradés
Selon le rapport de l’ONU, le réchauffement climatique, l’urbanisation, la croissance démographique et l’expansion des terres agricoles sont les principales causes de la destruction de ces espaces, qui couvrent plus de la moitié de la surface terrestre. Pedro Maria Herrera Calvo, auteur principal du rapport, estime qu’au moins « 35 %, voire 50 % des pâturages sont déjà dégradés ».
Or, un sixième de la production alimentaire mondiale dépend de ces espaces, qui sont aussi le fondement des économies de plusieurs pays. Des chameliers du Sahara aux éleveurs nomades de la steppe mongole, la dégradation de ces territoires est « sérieusement sous-estimée », selon le rapport de l’ONU. Toujours selon le même rapport, 50 % du bétail mondial se trouve dans les pâturages, 46 % du carbone mondial est stocké dans les zones sèches, 44 % de toutes les terres cultivées se trouvent dans des zones sèches et 30 % des plantes cultivées sont originaires de zones arides.
Le rapport de l’ONU indique que la dégradation des terres touche 20% des terres cultivées, 20 à 25% des pâturages, 42% des forêts dans le monde. Les facteurs indirects de cette dégradation « découlent principalement des activités humaines, notamment de la pauvreté, de la technologie utilisée, des tendances du marché (local et mondial) et des dynamiques sociopolitiques. La pauvreté est à la fois une cause et une conséquence de la dégradation des terres. L’application de pratiques de gestion durable des terres contribue à lutter contre la désertification, à restaurer et à réhabiliter les terres, les sols, l’eau et la végétation. La gestion durable des terres fait référence à l’utilisation multifonctionnelle des terres et s’oppose aux utilisations monofonctionnelles.
La théorie stupide de Ricardo persiste au 21e siècle
En réalité, c’est encore la théorie des avantages comparatifs conceptualisée par David Ricardo au début du XIXe siècle qui contribue deux siècles plus tard à réduire la fertilité des sols au travers de monocultures spécialisées. Citoyen britannique d’origine portugaise, David Ricardo n’avait aucune connaissance agronomique. Dans son ouvrage intitulé « Principes d’économie et de fiscalité »il écrit ceci : « si au lieu de récolter du blé chez nous et de fabriquer nous-mêmes les vêtements et objets nécessaires à la consommation du travailleur, nous découvrons un nouveau marché où nous pouvons obtenir des objets à meilleur prix. En fait, les salaires devront baisser et les profits devront augmenter. C’est le principe selon lequel nous produisons du vin en France et au Portugal, que nous cultivons du blé en Pologne et aux États-Unis, que nous fabriquons de la quincaillerie et d’autres articles en Angleterre.
Deux siècles plus tard, les accords de libre-échange que l’Europe des 27 a négociés ou est en train de renégocier avec des pays comme le Canada, le Mercosur, le Chili, l’Australie et la Nouvelle-Zélande s’inspirent toujours de la théorie de David Ricardo dans le seul but d’augmenter les profits des entreprises. Pire encore, en poussant chacun des 27 pays membres de l’Union européenne à spécialiser son agriculture selon la théorie des avantages comparatifs de Ricardo, on réduit la fertilité des sols dans les zones céréalières de France comme dans les zones maraîchères d’Espagne, jusqu’à prenons seulement deux exemples.
Tenez compte des avertissements de Jared Diamond
Dans le livre publié en France sous le titre » Effondrement « , le géographe américain Jared Diamond écrivait à propos de l’Australie, pays développé, désormais très impacté par les conséquences du réchauffement climatique en cours : « L’Australie a pratiqué et pratique encore l’exploitation minière de ses ressources renouvelables comme s’il s’agissait de minéraux. Ils ont été surexploités à des niveaux supérieurs à leur taux de renouvellement. Aux taux d’exploitation actuels, les forêts et les pêcheries australiennes disparaîtront bien avant ses réserves de charbon et de fer, une ironie tragique puisque celles-ci sont renouvelables et celles-là ne le sont pas. On peut exploiter indéfiniment les ressources renouvelables à condition de les utiliser à un niveau inférieur à celui de leur régénération, sinon on risque de les épuiser comme l’or dans la mine. Mais si les forêts, les poissons et les terres arables sont exploités à un rythme supérieur à leur taux de renouvellement, ils sont eux aussi menacés d’extinction, tout comme l’or de la mine.»
C’est aussi pourquoi les conséquences catastrophiques du réchauffement climatique en cours vont bien au-delà de la dégradation des pâturages dans les pays pratiquant l’agriculture pastorale et concernent tous les habitants de notre planète.