Réchauffement climatique : des progrès insuffisants selon le Haut Conseil pour le Climat
Face à l’urgence, nous devons accélérer. C’est, en substance, le message du rapport annuel du Haut Conseil pour le climat (HCC) rendu public ce matin du 20 juin, chargé d’évaluer la pertinence des politiques publiques en matière de décarbonation et d’adaptation au réchauffement climatique.
« Les aléas climatiques s’intensifient plus vite que les moyens mis en œuvre pour limiter leurs impacts », a résumé sa présidente, la climatologue Corinne Le Quéré. Pire, « l’écart se creuse ». Cependant, le « Les besoins d’adaptation seront d’autant plus importants et coûteux qu’ils seront pris en compte tardivement »rappelle le HCC.
Un manque de direction politique claire
Déjà, les canicules, les sécheresses, les pluies violentes et autres événements climatiques extrêmes, qui se sont multipliés au cours des dix dernières années, ont « a mis en évidence d’importantes vulnérabilités en matière d’approvisionnement en eau, de production agricole, de santé (surmortalité, propagation de maladies), d’habitabilité de certains territoires, de forêts et d’infrastructures », rappelle le HCC. Autant de rappels des difficultés à venir dans une France où les températures devraient augmenter de 4°C.
Ces insuffisances face à l’ampleur du défi sont en grande partie liées à un manque d’orientation politique claire, qui se reflète dans l’absence de développement d’un « trajectoire de référence ». Le HCC estime que si le cadre de l’action publique évolue positivement, « il reste à le consolider afin de diffuser l’action climatique dans l’ensemble de l’économie ».
Cela est particulièrement vrai en matière d’adaptation, faute d’évaluation des besoins depuis 2014, de financements ciblés, d’articulation entre les niveaux national et local ou de règles suffisantes, comme l’illustre par exemple le fait que « Les taux de prime d’assurance ne sont actuellement pas conditionnés à la mise en œuvre de mesures d’adaptation ».
Des populations particulièrement exposées
Surtout, rien n’est fait pour donner la priorité aux catégories les plus vulnérables face au réchauffement climatique. Certains sont particulièrement exposés, comme les femmes enceintes, les personnes âgées et handicapées, les ménages pauvres, les personnes travaillant en extérieur ou sur des machines émettant de la chaleur, les minorités, etc.
Ainsi, les nourrissons et les jeunes enfants sont « moins capables de réguler leur température corporelle, plus sujets à la déshydratation, ce qui les rend plus vulnérables en cas de canicule extrême », note le HCC. Autant de fragilités qui « faire pression sur les services publics de santé, d’éducation et d’entretien des infrastructures qui ne sont plus en mesure de garantir la continuité de leurs activités en cas d’événements extrêmes dont la fréquence et l’intensité augmentent ».
Malgré tout, le tableau n’est pas tout noir. « Les émissions brutes de gaz à effet de serre ont diminué de 5,8 % par rapport à 2022 » et sont 31% inférieurs à leur niveau de 1990. Cette baisse est « deux fois supérieur à celui observé sur la période 2019-2022 ». Pour un tiers, elle est liée à des facteurs économiques « non reproductibles », comme la diminution du cheptel bovin ou le redémarrage des réacteurs nucléaires. Néanmoins, « tous les secteurs (hors déchets) et la plupart des sous-secteurs ont vu leurs émissions diminuer entre 2022 et 2023, avec les plus fortes baisses dans les secteurs de l’énergie et de l’industrie ».
Des écosystèmes forestiers affaiblis
L’impact de cette réduction brute des émissions est toutefois réduit de « le déficit attendu sur les puits de carbone », pointe vers l’instance. Autrement dit, les forêts et les espaces naturels, déjà fragilisés par le réchauffement, ne produisent plus assez d’oxygène pour compenser, comme prévu, la production de gaz à effet de serre.
À cet égard, le HCC souligne que« aucune stratégie ou plan majeur de régénération des écosystèmes forestiers n’a encore été proposé ». Il s’inquiète également des politiques agricoles « marqué au cours des douze derniers mois par un déclin de l’action publique pour le climat » et cela « contribuer à enfermer la production dans un modèle à forte intensité d’émissions plutôt que d’accompagner les agriculteurs vers des pratiques et des modèles à faibles émissions de carbone ».
En outre, bon nombre des améliorations s’observent davantage à court terme qu’à long terme, d’où l’insistance du HCC sur la nécessité de « garder la direction ». C’est le cas dans le secteur de l’énergie, où le choix de se concentrer entièrement sur le renouvellement du parc nucléaire ne prend pas en compte «la forte incertitude industrielle du secteur» et ne cherche pas à « compenser par la croissance des énergies renouvelables ».