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Rebaptisé à son arrivée en France, il retrouve son vrai nom 57 ans plus tard

« C’est un vrai soulagement (…) Je me suis battu. » Depuis le 13 juillet, Mohammed Guerroumi n’est plus Jean-Pierre Guérin. Il a retrouvé son vrai nom. Après cinquante-sept ans de combat pour ce retraité de 71 ans.

« J’ai récupéré ma carte d’identité et mon passeport avec ma vraie identité. Il était temps », raconte ce Strasbourgeois né en Algérie française en 1953. Avec ses deux jeunes frères Ahmed et Chérif, il a 13 ans lorsqu’il arrive en Alsace en 1966, pensant retrouver leur père, hospitalisé dans la région.

A l’aéroport, « on pensait qu’il nous attendait mais en fait, c’était une assistante sociale qui était chargée d’accueillir les enfants ». Les trois frères ont été placés dans un foyer et déclarés pupilles de l’Etat, la justice estimant que leur père ne pouvait plus s’occuper d’eux.

Au foyer, ils sont contraints de franciser leur nom au motif que cela leur permettra de mieux s’intégrer. Ahmed devient Alphonse, Chérif est rebaptisé Christian. Et Mohammed prend le prénom de son éducateur : Jean-Pierre. Les frères Guerroumi sont désormais les frères Guérin.

Ce qui devait être un gage d’intégration sera surtout une blessure intime qui hantera Mohammed pendant plusieurs décennies. Des années de « souffrance, de calvaire. Avoir un nom comme ça, c’était comme porter un masque », soupire-t-il.

« Un peu humilié »

« J’ai été un peu humilié par les Français qui n’acceptaient pas que je leur cache mon identité et que je m’appelle Jean-Pierre Guérin avec mon visage arabe à la peau sombre, se souvient-il. Et puis, j’étais un peu traître auprès de la communauté algérienne parce que j’avais un nom français… »

Les déboires s’accumulent, par exemple lorsqu’il s’agit de traverser une frontière, de chercher un emploi ou un appartement. « Avec le nom, il n’y avait aucun problème. Mais quand je me suis présenté, ils m’ont dit ‘il n’y a plus rien' », explique cet ancien mécanicien dans une entreprise en Allemagne, à une quinzaine de kilomètres de Strasbourg.

Là-bas, « on m’appelait ‘Mohammed le Français’. Mais quand j’arrivais le matin pour pointer, il y avait le nom ‘Guérin Jean-Pierre’. Mes collègues me demandaient ‘pourquoi ils t’appellent Mohammed ?’ »

Pendant des décennies, cette figure de la vie associative locale – entraîneur de handball réputé, il a fondé une association franco-algérienne – a tenté de récupérer officiellement son premier et premier patronyme, multipliant les démarches, en vain.

Un texte de 2002 qui change tout

Si « Guerroumi » figurait sur ses papiers d’identité comme un nom courant, il resta longtemps officiellement aux yeux de l’administration Jean-Pierre Guérin. Dans son bureau, une armoire vitrée remplie de dossiers témoigne de son combat, relaté à travers de multiples coupures de presse.

Jusqu’en juillet 2022, date à laquelle entrera en vigueur une loi à l’initiative du ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti pour simplifier les procédures de changement de nom. Un texte qui va changer la vie de Mohammed, comme celle de dizaines de milliers d’autres personnes : selon le site du ministère de la Justice, 70 000 demandes de changement de nom avaient été formulées un an après l’entrée en vigueur de la loi.

Première victoire : en 2023, celui qui s’appelle encore Jean-Pierre récupère son prénom d’origine. Jusqu’à la présentation, mardi, entouré de ses proches, de ses nouveaux documents d’identité, avec cette fois son prénom et son nom d’origine. « Je regarde les papiers et je me sens bien », sourit le retraité.

Mohammed, qui possède également la nationalité algérienne depuis la fin des années 1980, avait lui aussi choisi de donner à ses quatre enfants des « prénoms algériens » pour ne pas les couper de leurs « racines ». « J’ai défriché le terrain. Maintenant, s’ils veulent reprendre le nom de leurs ancêtres, ce sera plus facile que pour moi… »

Cammile Bussière

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